Le manager vulnérable

Dans cet épisode, nous allons nous demander si un manager doit montrer sa propre vulnérabilité et dans quelle mesure ?

Manager, chef, c’est être un chef. Un chef c’est la force, la puissance et l’autorité. Un chef ne faillit pas, chef, il ne montre pas ses faiblesses. Surtout pas dehors, il prêterait le flanc. Ni dedans, il perdrait la confiance aveugle de ses troupes, qui doivent lui prêter allégeance.

Aveugle de préférence… Ça va Superman, Thor, Hulk, Invincible ? Mithra, Hercule, Baldur, Odin… Ô Dieu invincible, Deus Invictus. Tu le vois venir le syndrome d’hubris ? La toute-puissance ? Redescends de ton piédestal, tu es un humain. Donc vulnérable.

J’avoue je suis un humain, comme toi. Tu as percé mon secret petit scarabée. Je le sais, je suis vulnérable comme tout le monde. Mais faut-il pour autant que je laisse transparaître cette vulnérabilité auprès de mes équipes ? Alors Le manager vulnérable c’est quoi l’histoire ?

Revenons un instant sur ce que c’est, la vulnérabilité. Rappelons, peut-être aussi simplement que cela, que c’est la caractéristique de tout être vivant. Exposé à la blessure, à la souffrance, à l’émotion, à la mort. C’est sa condition même.

La vulnérabilité c’est donc la possibilité d’être affecté ou blessé. OK. C’est inhérent à ce que nous sommes. Mais il y a aussi des vulnérabilités provoquées, celles qu’on aurait peut-être pu éviter… Résultant du comportement des humains entre eux…

Certaines et certains étant victimes d’injustice en effet. Ce qui nous renvoie irrémédiablement, toutes et tous, individuellement et collectivement, à notre responsabilité à leurs égards.

En ce sens il faut lire, ou relire, Lévinas, Ricoeur ou Jonas. La vulnérabilité des uns et en quelque sorte la responsabilité de tous.

Mais ce n’est pas de cela dont il s’agit ici. Ce dont nous parlons ce n’est pas ce qui relève de la philosophie du care mais simplement de la capacité à accepter ses propres vulnérabilités sans chercher à les dissimuler systématiquement pour paraître plus fort qu’on ne l’est.

Le manager qui cherche à en imposer pour mieux imposer, qui régit par la force et la contrainte dans une grande tradition féodale, qui asservit plus qu’il ne sert… Jamais il n’avouerait ses faiblesses, ses incompétences ou ses erreurs.

Mais sérieux… Qui y croît ? A quel point faut-il être con ou menteur pour croire une seule seconde que tes collaborateurs vont gober ça ? En adoptant cette posture, tu mens et en plus grossièrement.

Et tu envoies deux messages.

  1. Je vous pipeaute
  2. Et en plus je vous prends pour des cons en pensant que vous allez gober ça.

Je mens et je vous prends pour des cons, voilà deux super ingrédients pour fonder la confiance.

Or, celle-ci constitue quand même le pilier fondamental du management. Une confiance qui commence par la constance du respect de ses interlocuteurs.

Ce dont il s’agit ici ce n’est pas de faire une campagne d’affichage de toutes tes erreurs et tes faiblesses, genre autoflagellation et acte de contrition publique… Il s’agit juste de ne pas masquer ce que tu es…

Tu fais une erreur ? A quoi bon la nier ? Reconnais-la, excuse-toi, corrige le tir et avance. Tu as des défauts ? Ne les planque pas, ça ne sert à rien, tout le monde les connaît déjà… D’ailleurs ils en rigolent bien à la machine à café… Ça leur a même inspiré ton surnom… Montre plutôt que tu le sais et que tu essayes de t’améliorer, ce ne sera déjà pas si mal.

Tu es émotif ? Pourquoi le cacher puisque ça se voit. Bref, on a compris. Sois simplement authentique et fais de ton mieux. Ne surjoue pas tes forces, ne masque pas tes faiblesses. Sois juste honnête…

On ne te parle pas là justement de l’honnête homme du 17ème à qui l’on demandait des vertus morales de maîtrise de ses émotions. Encore moins du surhomme. Juste de la personne honnête qui ne masque pas ce qu’elle est.

Reconnaître ses vulnérabilités contribue à cette authenticité, c’est donc un facteur de confiance. Ou quand le courage d’être soi-même, sans fard inutile, c’est être vrai donc crédible. Et c’est pas mal d’être crédible pour manager.

Toi, tes collaborateurs et tous les êtres humains ont des vulnérabilités. Reconnaître cette caractéristique élémentaire c’est aussi témoigner du fait que tu acceptes les vulnérabilités des autres.

En d’autres termes, tu accueilles mieux les vulnérabilités des autres. C’est aussi facteur de confiance. Et c’est aussi ton rôle. Rappelle-toi comme manager tu dois contribuer au développement de leur compétences.

Or, en ne tolérant pas les vulnérabilités des autres, en niant leur possibilité d’être faible, tu leur ferme toute opportunité de progrès. Pas sûr que cela favorise in fine la performance de ton équipe.

C’est sûr qu’en planquant les faiblesses comme on mettrait des miettes sous un tapis ça ne va pas être facile de progresser… Bref, ça nous renvoie aussi à Radical Candor… Un peu de franchise, d’honnêteté et d’authenticité, ce n’est pas bien difficile à comprendre.

Sans compter qu’en te montrant tel que tu es, tu fais tomber des barrières. Tu ne te mets ni au-dessus, ni à côté, mais avec les autres. Bien sûr tu portes une responsabilité de plus mais tu crées ainsi des liens, tu permets la rencontre. Bref autant de facteurs qui favorisent la cohésion d’une équipe.

En résumé, accepter et ne pas cacher ses vulnérabilités, comme ses qualités, témoignent d’une authenticité qui contribue à la confiance qu’exige le management et fait tomber des barrières, ce qui est propice à la cohésion d’équipe.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.