La théorie de la contingence et ce qu’elle enseigne

Dans cet épisode nous allons parler de la théorie de la contingence pour en tirer quelques enseignements pour la vie professionnelle.

« Tout est relatif » disait Einstein. Ce n’est pas dur à comprendre. Tout dépend de quelque chose. Fin de l’histoire.

Et justement non. Tiens pour relativiser ton propos, Auguste Comte disait que « la seule vérité absolue, c’est que tout est relatif ». Il y a donc bien une constante… Et pour être clair, comme le rappelle Etienne Klein « la théorie de la relativité d’Einstein, en fait, c’est une théorie de l’absolu »

Oui c’est absolument vrai. Il ajoute d’ailleurs que c’est une théorie qui nous dit « ce qui ne change pas quand vous changez de référentiel »…

La vitesse de la lumière par exemple. Et c’est justement ce qu’on va essayer de faire, la lumière, mais sur une autre théorie, utile dans la vie professionnelle. Alors, la théorie de la contingence et ce qu’elle enseigne, c’est quoi l’histoire ?

Revenons à une école de pensée qui irrigue encore très fortement nos représentations en entreprise. Le taylorisme, dont on a beaucoup de mal à se passer dès lors qu’on s’inscrit dans une logique de productivité.

Il y a beaucoup d’éléments qui le caractérisent, notamment la logique de découpage de la chaîne de valeur. Mais un d’entre eux nous intéresse particulièrement ici : le « One best way ».

C’est le principe de l’organisation scientifique du travail, chère à Taylor. Elle vise à déterminer la meilleure manière de faire, ce qui conduit au travail prescrit. On te dit ce qu’il faut faire et comment.

Le taylorisme a toujours été l’objet de très nombreuses critiques dès son origine. Notamment dans sa difficulté d’adaptation, d’agilité dirait-on aujourd’hui, bref de prise en compte du réel. Une des critiques récurrentes est aussi la suivante.

L’idée même d’une meilleure manière de faire, un « one best way », est une sorte de recherche utopique d’une organisation parfaite en elle-même, indépendamment du contexte et de ses contraintes.

Et c’est ce que vise la théorie de la contingence. En substance, toute structure est dépendante du contexte, de son environnement et de ses caractéristiques. Dit autrement, il n’y a pas une bonne façon de faire dans l’absolu.

Mais plutôt des manières de faire adaptées au contexte.

On doit la théorie à plusieurs auteurs dès les années 1950 avec par exemple Woodward, Lawrence et Lorsch, mais c’est à Burns et Stalker qu’on attribue plutôt la référence.

Un cadre théorique et conceptuel à inviter dans un mémoire de fin d’études… Bref. La théorie dit donc en substance que l’environnement, et particulièrement ses propriétés, sont des contraintes qui déterminent la performance d’une organisation.

Voilà donc qui invite à deux exigences simples à comprendre. 1. L’alignement stratégique d’une part. C’est-à-dire une mise en cohérence entre la stratégie qu’on déploie et les caractéristiques du contexte.

Et 2. La cohérence interne de ce que tu fais, puisque décomposant ta chaîne de valeur en petits bouts, l’ensemble, en l’occurrence l’organisation qui te permet de mettre ta stratégie en œuvre, doit être fluide et cohérent.

Les principes sont quand même simples. Avait-on vraiment besoin d’une théorie pour affirmer qu’il faut s’adapter à la réalité des contraintes et se mettre en ordre de marche cohérent pour y arriver ?

Pas si faux. Et pourtant, l’observation des pratiques professionnelles n’a pas besoin d’être hyper attentive pour se rendre compte du fait que c’est une évidence qui n’est pas toujours si évidente que cela. Prenons deux exemples pour illustrer le propos.

Combien de projets informatiques, de type ERP par exemple, sont menés de manière technique, normative, descendante et normalisante, dans le registre ça passe ou ça casse ? Pour qu’à la fin, les utilisateurs contournent le système…

Quand tu as investi des millions d’euros et que la mémoire informationnelle de ta boîte finit dans la myriade de fichiers Excel de Pierre, Paul ou Jacqueline…

Si on avait tenu compte des usages… Bref toute la différence entre conduire et piloter le changement.

Combien de fois, par exemple, fustige-t-on l’encadrement intermédiaire ? Que l’on juge trop ceci ou trop cela ? Qu’on l’affuble de tous les maux…

Sans tenir compte véritablement des contraintes auxquelles il est confronté et qui expliquent, peut-être, une grande partie des comportements dont on parle. Éternelle confusion entre le message et le messager.

Ou difficulté à entendre les causes profondes, qu’on trouve précisément dans le système de contraintes auquel le sujet est assujetti.

Et à la fin, on affirme, en oubliant le contexte, ses caractéristiques et les contraintes qui en découlent, que les DRH sont comme ci, les entreprises comme ça, en mettant tout dans le même sac.

Bien sûr, il n’est pas question de nier les tendances, et encore moins le fait qu’elles existent aussi parce que certaines caractéristiques contingentes sont les mêmes pour toutes les entreprises. La crise de la Covid par exemple, quand elle arrive, ou la réalité des grands équilibres macro-économiques du monde.

Mais il faut aussi savoir tenir compte du contexte et des contraintes et c’est ce à quoi nous invite la théorie de la contingence. Un peu de sagesse et de discernement en quelque sorte.

En résumé, la théorie de la contingence stipule que les structures sont conditionnées par leur environnement et ses caractéristiques. Une théorie qui nous invite à tenir compte du contexte et de ses contraintes pour lire une situation et donc prendre des décisions.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.