Conduire le changement ou le piloter ?

Dans cet épisode nous allons parler de conduite du changement et suggérer deux écueils à éviter.

Moi, les projets je te dis c’est tambour battant et sans trompette. Un plan de déploiement, un peu de change management genre un kick off meeting, 3 tutos, 4 fiches pratiques et quelques ambassadeurs qui font la claque et hop l’intendance suivra.

Peut-être ou… pas. Tu crois que tout le monde adhérera à ce que tu n’as pas expliqué et ça sans rechigner ? Tu conduis à l’aveuglette le Fangio de pacotille. Conduire c’est une technique mais piloter c’est un art !

À être trop convaincus de la légitimité de ce vers quoi ils vont – et que cela s’imposera à ceux qui le subiront – ceux qui « conduisent » le changement en oublient parfois de le piloter. Alors, conduire le changement ou piloter ? C’est quoi l’histoire ?

C’est fou comme on confond parfois les choses. Combien de chefs de projets estiment avoir fait leur job quand ils ont juste délivré les livrables mais pas quand les gens supposés adopter le changement l’ont réellement adopté ?

Le job est fait juste quand les plats sont sortis du four ou quand les clients se sont régalés et ressortent panse bien pleine et sourire aux lèvres ?

C’est-à-dire lorsqu’ils se sont approprié le changement en question et qu’ils y adhèrent ! Pas quand ils ont les outils dans les mains ou que la nouvelle organisation en place. Encore faut-il y trouver sa place, puis la tenir comme il faut.

C’est sûr que lorsqu’on a fait tout un plan d’accompagnement du changement mais que cela se limite au fonctionnement de ta chaise à roulettes, pas sûr en effet que cela t’aide à occuper correctement ta place.

L’ambition qui consiste à mener des personnes vers un but que l’on poursuit mais auquel elles n’adhérent pas nécessairement a priori, même si on les amène techniquement à bon port, et bien ce n’est pas du pilotage.

Le pilotage cela suppose qu’on atteigne l’objectif dans les meilleures conditions possibles. Et ce n’est pas qu’une affaire de technique, loin s’en faut.

Alors, pour éviter que la conduite du changement ne soit la négation d’un véritable pilotage, on va suggérer deux écueils à éviter, parce que malheureusement ils sont assez fréquents.

Le premier écueil, on le retrouve fréquemment en management, c’est le déficit de pédagogie du pourquoi, du pour quoi et du pour qui.

On veut trop souvent « embarquer » les gens sur le changement qu’on vise (ce vers quoi on va) mais on oublie d’expliquer les motifs qui le légitiment (ce pourquoi on y va) et, donc, qui a vraiment quelque chose à y gagner ou à y perdre.

Les gens qui bossent eux ils sont tout sauf cons. Ils lisent parfaitement les non-dits du changement en question, en tout cas ils ne sont pas dupes.

C’est encore une vieille déformation Taylorienne : d’un côté ceux qui pensent les choses et de l’autre ceux qui les exécutent, et qui seraient supposés ne pas penser !

On ne change pas « contre » mais nécessairement « avec » et peut-être même « pour » ! Alors un peu de pédagogie du pourquoi que diable, embarquer cela commence par cela : savoir pourquoi tu pars, pas seulement connaître la destination d’arrivée.

Le second écueil fréquent c’est celui d’une mauvaise connaissance des conséquences réelles du changement sur le travail des gens, et sur l’idée qu’ils s’en font.

Les équipes projet ou les équipes de change, l’art et la manière de faire un métier cela risque fortement de leur échapper parce que leur prisme de lecture est quasi exclusivement technique.

Ils négligent donc l’importance de la culture, celle du geste ou des usages. Pourtant, c’est cela qui conditionne l’utilisation intelligente d’une méthode ou d’un outil. C’est ce stade ultime qui permet d’apprécier la matérialité du changement.

Quand on néglige ce qui fait l’âme d’un métier, on provoque une réaction simple : ceux qui l’exercent se regroupent contre et ils convoquent la profession comme défenseur.

Parce que travailler c’est loin d’être un simple acte technique, c’est aussi ce qui participe à l’identité professionnelle de ceux qui travaillent. Alors, il ne faut pas s’étonner qu’ils s’y attachent.

Il y a mille et autres écueils à éviter tant la route est sinueuse, escarpée, dangereuse et compliquée. Mais à observer les pratiques dans de nombreuses entreprises, ces deux écueils sont à la fois évidents et pourtant fréquents.

Mais alors, s’ils sont évidents pourquoi sont-ils fréquents ? Serait-ce parce qu’on ne veut pas s’embarrasser de tout ça ?

Ou serait-ce parce qu’au fond le changement on ne s’en préoccupe pas vraiment, ce qui compte, c’est de se débarrasser de ce qu’il y a à faire et prendre sa tune ?

Comme quoi, entre faire son travail et bien le faire il y a toute une différence, et qu’à la fin, tout est affaire de coopération, mais ça c’est une autre histoire.

En résumé, piloter le changement c’est obtenir l’adhésion et l’appropriation. Cela demande une grande pédagogie sur les raisons qui le motivent et une connaissance de la réalité des métiers affectés, y compris dans leur dimension culturelle ou symbolique.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire