Connaissances élémentaires et métier
Dans cet épisode nous allons nous intéresser à la notion de connaissances élémentaires d’un métier.
Pablo Picasso disait que « le métier, c’est ce qui ne s’apprend pas ». Une phrase qui souligne l’importance de la notion de connaissances tacites dans l’exercice d’un métier.
Ce sont des connaissances qu’on transmet notamment au travers de méthodes comme celle du compagnonnage. Mais acquérir un métier c’est d’abord maîtriser des connaissances élémentaires.
Mais comment les identifier ? Quelles sont les caractéristiques de ces connaissances qu’on estime élémentaires ? Alors, connaissances élémentaires et métier, c’est quoi l’histoire ?
« Elémentaire, mon cher Watson » on connaît toutes et tous la célèbre réplique de Sherlock Holmes. Une réplique qui renvoie inconsciemment à l’idée que la réponse était simple à trouver.
Or, élémentaire ne veut pas dire simple. Cela renvoie en vérité aux éléments de base. C’est plus une idée d’éléments de base, des éléments fondamentaux, qui ne sont donc pas nécessairement simples.
En effet, élémentaire au sens de simple, ou rudimentaire, ce n’est pas élémentaire au sens des éléments qui constituent le socle de quelque chose. Or, c’est de cela dont il s’agit dans l’acquisition d’un métier. La brique élémentaire d’un système.
Dit autrement, embrasser la carrière dans un métier ne se résume pas à acquérir les connaissances simples du bas de l’échelle puis d’en grimper les échelons les uns après les autres en apprenant des connaissances plus complexes.
Tout métier a en effet des connaissances élémentaires, des briques de base, qu’il est nécessaire de maîtriser, d’abord pour l’exercer mais surtout pour grandir. Mais comment les identifier ?
Concrètement la carrière en entreprise c’est la succession des postes qu’on occupe les uns après les autres. Et il y a des carrières verticales, assez traditionnelles, où l’on évolue vers le haut dans le même métier.
Il y a aussi des passerelles entre métiers qui favorisent la mobilité fonctionnelle, et enfin, des parcours plus atypiques, le plus généralement guidés par les appétences des collaborateurs et les opportunités qui se présentent.
Changer de poste en poste repose néanmoins le plus souvent classiquement sur la maîtrise, si ce n’est parfaite du moins raisonnablement possible, des compétences métiers requises pour les exercer.
Or, une réflexion sur les connaissances élémentaires qu’exigent un métier, notamment dans la perspective de constitution de référentiels de compétences métiers, peut plus ou moins faciliter cette évolution.
Dans cette perspective, Condorcet, grande figure des Lumières, nous livre un éclairage utile. Les connaissances élémentaires doivent en effet répondre à deux principes épistémologiques fondamentaux.
D’abord, un principe d’autonomie. Disposer du socle de connaissances permettant à chacun d’être intellectuellement autonome.
Dans son rapport sur l’instruction publique en 1792, Condorcet le décrit comme « ce qui est nécessaire à chaque individu pour se conduire lui-même et jouir de la plénitude de ses droits ».
Il en va de même au regard d’un métier. Des connaissances socles permettant le minimum d’autonomie de celui ou celle qui l’exerce.
Le second principe est un principe d’ouverture. La connaissance élémentaire n’est pas seulement celle qui permet d’être autonome mais aussi celle qui permet d’apprendre plus loin, d’élargir le champ de sa connaissance.
C’est parce que tu sais ceci que tu peux avoir accès à cela. Elémentaire avait-on dit chef(fe).
Une connaissance qui constitue une brique autonome d’un dispositif plus vaste. Là encore, tout métier se compose aussi de ce type de savoirs.
Or, l’entreprise contemporaine, dans une démarche d’optimisation des ressources, pense souvent ses dispositifs selon une logique utilitariste.
On forme, donc on apprend, ce qui est utile. Or, élémentaire ou fondamental au sens où on vient de l’évoquer et utile, ce n’est pas pareil, loin s’en faut. Le premier s’inscrit dans la perspective d’un devenir quand le second relève d’une fonction.
Ces deux principes, autonomie et ouverture, devraient éclairer des politiques de développement RH peut-être parfois trop centrées sur des compétences pratiques et des formations utilitaires dont l’enjeu est plus de ressortir avec la maîtrise d’un outil ou d’une technique de plus.
Plutôt que d’aiguiser la lame d’un couteau et élargir ta compréhension de la cuisine. Bref, en un mot, développer ce qu’on pourrait appeler l’intelligence métier, celle qui forge l’autonomie d’un praticien.
En résumé, les connaissances élémentaires qu’il faut acquérir dans un métier sont celles qui permettent d’être autonome dans son exercice mais aussi d’accéder à une plus grande maturité professionnelle. Des principes d’autonomie et d’ouverture gages de l’intelligence métier qui se construit avec le temps.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.
Référence
Kintzler Catherine (1984) « Condorcet : l’instruction publique et la naissance du citoyen » le Sycomore