Distinguer finalité, objectifs et moyens
Dans cet épisode nous allons apprendre à faire la distinction entre finalité, objectifs et moyens.
Non mais tu n’as pas fini de jouer sur les mots là ? Finalité et objectifs tu ne vas quand même pas chipoter. Tiens, même le Larousse nous dit que la finalité c’est le « caractère de ce qui tend à un but, à une fin ; ce but lui-même ». Or, mon but c’est mon objectif. Bref kif-kif bourricot.
Dire que Kant nous parle de « finalité sans fin » juste histoire de ne pas rester sur notre faim comme des clients finals quand ils sont finauds. Je comprends ta réaction. Mais ne pouvons-nous pas faire simple ?
Simple oui mais pas simpliste. Or, au-delà des mots, la confusion entre ce que l’on vise in fine, les objectifs qu’on se donne et les moyens qu’on y met est fréquente au quotidien en entreprise. Alors distinguer finalité, objectifs et moyens, c’est quoi l’histoire ?
L’objectif ? Éplucher les légumes. La finalité ? Faire plaisir aux convives avec un bon repas. On n’est pas très loin de la différence entre processus et procédure en résumé.
Bon et l’économe c’est les moyens ? OK merci pour l’analogie, j’ai compris, le podcast est fini. Mais alors si ton objectif c’est d’être économe parce que ta finalité c’est la rentabilité, on fait comment ?
Comme quoi, tu vois, les mots ce n’est pas anodin. Entre l’économe et être économe ce n’est pas pareil. Un petit être entre les deux qui changent tout le sens, comme c’est mignon.
Revenons à nos moutons. Dans une chaîne de valeur dont un des maillons les plus fins c’est le poste, la finalité c’est le bout de la chaîne ou au moins d’une sous-partie de la chaîne quand l’objectif, lui, c’est plutôt le bout de ton maillon.
Prenons quelques exemples, issus de nos pérégrinations professionnelles. Tu dois faire un guide de la mobilité pour les managers par exemple. C’est quoi la finalité, l’objectif et le moyen ?
Le guide manager, en l’espèce, c’est un moyen. En soi, avoir ou pas un guide manager, on s’en fout. Même si ton objectif à toi c’est de le produire, en vrai, on s’en fout.
Mais la finalité visée, l’objectif ultime, c’est bien celui d’une plus grande ou meilleure mobilité des collaborateurs. L’objectif intermédiaire ? Équiper les managers pour qu’ils puissent faire au mieux.
Tu portes un projet de déploiement d’outils collaboratifs dans l’entreprise. La finalité ce n’est pas l’outil collaboratif, ni même son déploiement. La finalité de ton projet c’est une meilleure collaboration transverse, interservices, mets les mots que tu veux là-dessus.
Donc en l’occurrence ton objectif ce n’est pas simplement le déploiement des outils mais leur bonne adoption et utilisation ! Ton outil collaboratif n’est qu’un moyen dans tout cela.
Tu vas me dire qu’on enfonce des portes ouvertes. C’est évident comme dirait l’autre. Surtout quand on te le dit… Parce que l’observation de la vie quotidienne en entreprise nous montre souvent une autre image.
Celle de la confusion ou, à tout le moins, celle du nez dans le guidon. Et à force d’avoir le nez dans le guidon à reluquer les gravillons à chaque coup de pédale, on ne sait plus où on va.
On n’est pas là dans une simple clarification à vertu pédagogique ou qui relèverait de je-ne-sais quelle pratique vertueuse en matière de gestion de projet. On est en vérité au cœur même de l’idée de collaboration, puis, peut-être peut-on l’espérer, de coopération.
Comprendre l’articulation entre ce que je fais, ce que je poursuis comme objectif et ce à quoi tout ceci sert in fine. Si c’était tant une évidence que cela, on le saurait depuis bien longtemps.
Ou alors c’est qu’on ne le veut pas. Dit autrement, lever nez et œuvrer pour un bien commun, ou tout simplement apporter sa pierre à un édifice plus vaste que soi, sans aller au plus loin, cela demande inévitablement des efforts.
Dont on n’est pas toujours récompensé d’ailleurs, ce qui explique parfois, qu’on se recroqueville sur son périmètre, celui de son objectif, parce qu’on n’oublie pas ses primes de fin d’année.
C’est un peu pour cette même raison que la fameuse matrice d’Eisenhower urgent / important ne fonctionne pas si bien que cela, quand le juge de paix c’est ce qui est urgent ou important pour moi et pas pour l’entreprise et son projet.
Parfois, on ne peut pas en vouloir aux gens de ne pas voir ces nuances d’eux-mêmes. D’abord parce qu’en faire la pédagogie est une des dimensions essentielles du management et des délégations qui en résultent.
Et parfois aussi parce qu’on a soi-même un manager qui fait tout pour viser la défense de son pré-carré plus que celle du projet collectif. Combien de fois certaines politiques d’indicateurs servent-elles à cela ? Mais c’est un autre sujet.
A supposer qu’on essaye de bien faire son travail – et c’est une ambition qui est celle de beaucoup de gens contrairement à ce qu’on pourrait essayer de nous faire croire – alors il faut lever le nez.
Lever le nez cela demande de se poser des questions simples. Quelle est la finalité ultime qui est visée ? Quel est l’objectif à atteindre pour la servir ? Quels sont les moyens qui le permettent.
La mobilité des collaborateurs, accompagner les managers, le guide mobilité.
La confiance des investisseurs, la sincérité et la justesse des comptes, un audit et une comptabilité « nickel chrome ».
Des clients satisfaits des fruits en rayons, des produits conformes en termes de qualité, un agréage performant.
On pourrait multiplier les exemples à l’infini, chacun pourra le faire à l’aune de son propre job. Tiens d’ailleurs, une description de poste bien rédigée en la matière c’est une première brique utile.
En résumé, la finalité c’est le but ultime que l’on vise, l’objectif c’est le but qu’on doit atteindre pour servir cette finalité et les moyens ce qui permet d’atteindre cet objectif. Bien clarifier ces 3 points permet de donner du sens à ce que l’on fait et de mieux collaborer.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.