VUCA c’est désormais BANI

Dans cet épisode nous allons évoquer l’acronyme BANI qui supplante désormais l’expression VUCA.

Le vilain monde du dehors qu’on affuble toujours de tous les maux, surtout les pires, surtout qui foutent la pétoche, qui légitiment toutes les transformations du monde du dedans.

Parfois en nous affranchissant inconsciemment de notre propre examen de conscience. Vivons-nous des permacrises ou notre aversion au risque a-t-elle augmenté ? Les réponses sont toujours difficiles à apporter, brutalement, de façon manichéenne.

Pour autant, notre environnement a des propriétés, et celles-ci sont structurantes. A tout le moins, elles conditionnent souvent le champ des possibles qui s’ouvrent à nous.

Les militaires américains avaient en ce sens introduit l’acronyme VUCA ou VICA en français pour le désigner. Les années 90 faites de Vulnérabilité, d’Incertitude, de Complexité et d’Ambiguïté.

Mais le terme semblerait obsolète et il serait donc désormais supplanté par un autre, BANI. Alors VUCA c’est désormais BANI, c’est quoi l’histoire ?

L’expression BANI aurait été introduite en 2020 par un anthropologue américain, Jamais Cascio, dans un papier baptisé « Facing the Age of Chaos » ou « affronter les temps du chaos ».

Elle a été popularisée par un allemand, Stephan Grabmeier, toujours en 2020, dans un autre article. Lequel des deux peut en revendiquer la paternité, en vérité cela a bien peu d’importance ?

En substance, ces deux auteurs stipulent que les caractéristiques VUCA seraient insuffisantes pour décrire ce à quoi nous sommes confrontés. Ils proposent donc BANI.

B pour Brittle, qui signifie fragile ou friable en anglais, A pour Anxious ou Anxieux, N pour Non Linear on ne va pas traduire vous avez compris et I pour Incompréhensible. On l’a dit en français parce que c’est quand même plus facile à prononcer pour nous.

Fragile, Anxieux, Non Linéaire et Incompréhensible. Voilà c’est dit. Les auteurs nous disent en substance que les mots pour décrire une réalité qui change doivent aussi changer.

Ils offriraient alors une grille de lecture, un framework plus précis. Il faciliterait : « de nouvelles perspectives et une description précise de la situation actuelle, des états émotionnels et des relations de causes à effets ».

Rien que ça en 4 mots… La vertu simplificatrice des 4 cases en quelque sorte. Et ce besoin irrépressible de mettre des mots pour décrire les choses.

Ou surtout d’affirmer en détenir la paternité mais c’est une autre histoire. Néanmoins, plusieurs remarques peuvent être formulées à nos yeux.

La première qui vient à notre esprit est l’introduction de cette notion de fragilité ou de friabilité. Avant c’était vulnérable – qui peut donc être touché ou blessé – nous n’étions déjà plus dans cette toute puissance des intouchables.

C’est marrant, la crise de la Covid est peut-être passée par là avec cette idée même de fragilité à laquelle elle nous a exposé. C’est le terme que nous utilisions nous-mêmes aussi en 2020.

Ah non tu ne vas pas revendiquer la paternité de la fragilité toi aussi. Laisse tomber ton melon !

Tu as raison, mais en juin 2020 nous écrivions à propos des leçons de vie de la Covid : « La première leçon de vie est simple. Nous sommes fragiles, nous devons donc être humbles. »

De la toute puissance à la vulnérabilité, nous n’étions déjà plus intouchables. Puis le virus est passé par là et nous a montré la fragilité des colosses aux pieds d’argile. Diable que l’histoire à cette fâcheuse tendance à se répéter.

Une deuxième remarque qui nous vient à l’esprit c’est cette notion d’anxiété. Ce n’est pas le monde qui est anxieux. C’est nous. Voilà une différence intéressante.

VUCA parlait du monde et de ses caractéristiques, BANI, en introduisant cette notion d’anxiété, parlerait donc de nous. Pas du monde mais du regard que nous portons dessus ou à tout le moins ses effets.

On en revient donc à l’idée déjà évoquée : permacrise ou aversion au risque ? Or, rien n’est plus subjectif que ce regard que l’on porte sur le monde.

On en arrive donc à une troisième remarque. Le monde BANI serait-il Occidentalo-centré ? Dit autrement, ne serait-ce pas le regard que le monde occidental porte sur le monde ?

Peut-être que le reste du monde, selon d’où il le regarde, n’est pas le même. C’est juste une hypothèse qu’on pose là.

Non linéaire. Qu’est-ce qu’ils veulent dire par là ? C’est quoi ? c’est la complexité ? C’est ça ? Bon, on le fait court mais c’est le caractère multifactoriel des choses qui les rend donc plus difficiles à appréhender.

Le rapport cause à effet ne serait donc plus linéaire. On n’est pas bien loin de l’effet papillon non ? L’origine c’est le météorologue Edward Lorenz en 1972 dans une conférence. Une illustration de la sensibilité de la théorie du chaos aux conditions initiales.

Tout est dans tout et inversement. C’est ça ? Serait-ce donc plus nouveau qu’avant. Ou serait-ce là encore un des bénéfices de la crise de la Covid qui, comme une claque, nous a rappelé nos interdépendances ?

Nous en disions en son temps « La deuxième leçon est une évidence, celle des interdépendances, entre nous, les êtres humains mais aussi avec la nature, la faune, la flore, la planète comme un tout. »

Bref. L’acronyme BANI témoignerait donc peut-être plus de nos prises de conscience que des propriétés du monde externe qui auraient drastiquement changées.

Que dire enfin du I. Incompréhensible. Parce qu’il est plus difficile qu’avant à comprendre ou parce que nous prenons conscience des limites de notre propre compréhension ?

Allez, on invite le lecteur à relire ce merveilleux texte d’Einstein et Infeld, qui date de 1938, sur le mécanisme de la montre et qui nous invite à un peu d’humilité sur le plan de ce que nous comprenons du monde qui nous entoure.

En résumé, les acronymes qui se succèdent pour décrire le monde et ses caractéristiques, comme VUCA fut un temps et BANI désormais, en disent peut-être plus long sur nous-mêmes que sur le monde qu’ils sont supposés qualifier.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.