La complexité et l’action en entreprise
Dans cet épisode nous allons parler de notre rapport à la complexité et à l’action en entreprise.
Tout est dans tout chef. Tu connais le fameux effet papillon. Tu touches à un truc ici, ça en bouge un autre là-bas et paf tout s’écroule. L’entreprise, c’est un château de cartes, crois-moi, pas un mur de briques.
Tu vas me dire que le problème est complexe, qu’il est multifactoriel, qu’il est difficile à décortiquer. La motivation des personnes c’est complexe en effet oui. Le réchauffement climatique ? aussi ! Ce qui se passe dans la tête de tes clients quand ils achètent ? Aussi !
C’est un coup à rester comme une poule devant un couteau tout ça. Alors, la complexité et l’action, en entreprise, c’est quoi l’histoire ?
Les temps contemporains, particulièrement lorsque tu observes les réseaux sociaux, laissent un goût étrange. Celui de l’avis affirmé et tranché sur tout. Le règne du blanc et noir contrasté à l’extrême qui a perdu le sens des nuances.
Il n’y a pourtant pas 50 nuances de gris. C’est si peu. Les couleurs de l’arc-en-ciel sont infinies. Au fond, on a en effet l’impression d’une sorte de dilemme Cornélien.
D’un côté le spectre d’une complexité telle qu’elle en laisse certains bras ballants. On est effaré, désarçonné, désabusé. Alors poule devant un couteau ou lapin dans les phares, on reste inactif face au problème qu’on tourne sans cesse.
D’un autre, les charmes de l’action facile. Les 3 tips and tricks pour devenir intelligent en 5 leçons. On fait des raccourcis, on agit vite et de manière simpliste, au nom d’une certaine idée de l’efficacité.
Dans les deux cas cela ne marche pas. Certaines cultures d’entreprises parfois aussi donnent cette impression.
Alors on s’atermoie indéfiniment sur les problèmes. On les brasse et on les rebrasse, d’analyses en études, de comités théodules comme disait le général de Gaulle en commissions qui commissionnent. Mais on ne tranche pas, on n’agit pas, on met un temps fou à avancer.
A l’inverse d’autres avancent tête baissée, œillères bien vissées sur un front bas. Ici on fait dans le simple et l’efficace. Façon Raoul ça déroule. On n’étudie pas les problèmes, on les résout. Du moins le croit-on. Car évidemment, ce n’est jamais aussi simple qu’on le croit et le réel revient toujours au galop.
Quelle attitude privilégier ? Celle de la réflexion qui se complaît dans la complexité des problèmes ou celle de l’action résolue qui se berce d’illusions sur sa propre efficacité ?
On voit les résurgences d’une pensée taylorienne et ses conséquences. Pour résoudre un gros problème, on le découpe en petit problèmes plus simples et on pense qu’en résolvant chacun d’entre eux on va résoudre le gros.
Quand le principe d’une chaîne de valeur, et sa décomposition, irrigue toutes nos façons de pensée. Alors on y va à coup de solutions simplificatrices et parcellaires mais, du coup, le grand tout, on ne le résout pas.
Parce que tout n’est pas dans tout, les amis. Mais un tout, c’est fait de petits riens, c’est petits riens ce sont aussi des tout petit touts à eux tout seuls. Et c’est petits touts font un grand tout parce qu’ils sont connectés entre eux !
Alors entre, d’une part, décomposer le grand tout en petits touts pour résoudre chacun d’entre eux en pensant aller plus vite et, d’autre part, tenter d’embrasser le grand tout sans le digérer tant il est complexe… Pas facile de faire un choix.
On voit-là la théorie du complexe d’Edgard Morin pointer son nez. Le principe hologrammique par exemple qui dit en substance qu’on ne peut comprendre le tout sans en connaître les parties, mais qu’il faut aussi connaître les parties pour appréhender le tout.
Nous voilà bien avancé mon général. Je te rappelle que l’entreprise c’est un compte de résultat. Je ne te demande pas un cours de toutologie mais des solutions simples et efficaces. A t’écouter on va passer notre temps en palabres.
Pourtant, t’intéresser à la complexité c’est peut-être le seul moyen d’en saisir une dimension simple. Si tu comprends que les choses sont interconnectées, interdépendantes, alors au lieu de t’intéresser aux seules petites choses, intéresse-toi aussi à leurs relations.
Edgar Morin disait : « Au principe de la disjonction, de la séparation (entre les objets, entre les disciplines, entre les notions, entre le sujet et l’objet de la connaissance), on devrait substituer un principe qui maintienne la distinction, mais qui essaie d’établir la relation ».
Dit autrement, nous ne nous intéressons pas assez aux interactions en entreprise. Certes, on comprend bien l’idée que l’on ne peut pas passer son temps à analyser les problèmes puisque l’on n’en verra pas le bout tant ils sont complexes.
Mais mieux étudier ce qui les relie entre eux devraient nous aider à mieux guider l’action. Alors, ensuite, on peut agir avec simplicité mais en tenant compte de cette complexité. On accepte en substance que l’action soit insuffisante et incomplète mais on agit. La complexité rend humble…
Il ne s’agit pas de réduire la complexité à une fausse simplicité puisque ça n’est pas simple. Il s’agit de privilégier une lecture plus systémique des problèmes pour éviter d’agir de façon simpliste sur un aspect isolé, indépendamment des autres.
Et d’agir ensuite de façon simple, en ne nous réfugiant pas derrière la complexité pour ne pas avancer. On tranche, on avance, mais on est conscient de ce qui relie les choses et cela nous guide.
Ce n’est donc pas une question d’équilibre entre deux opposés, pensée de la complexité et simplicité de l’action, mais une harmonie, une complémentarité entre lecture de la complexité et simplicité de l’action.
La première n’entrave pas la seconde mais la guide. La seconde ne nie pas la première mais en a conscience et en prend acte.
En résumé, embrasser la complexité en entreprise consiste à dépasser une lecture analytique et la compléter d’une compréhension systémique. Puis il y a un temps pour agir, simplement, tout en étant conscient de la complexité donc en acceptant l’imperfection et l’insuffisance de l’action.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.