L’initiative créatrice de la méthode Hay

Dans cet épisode nous allons parler de résolution de problème en explorant les critères de la méthode Hay.

L’économiste Jean Fourastié, écrivait dans son ouvrage « Le grand espoir du XXème siècle » que « la limite idéale vers laquelle tend la nouvelle organisation du travail est celle où le travail se bornerait à cette seule forme de l’action : l’initiative. »

Un éternel optimiste si l’on observe à quel point cette dernière est mise à mal dans certaines organisations où le culte de la productivité laisse peu de marges de manœuvre, avec les effets qui en résultent dont les souffrances pour celles et ceux qui travaillent.

Mais encore faut-il distinguer ce qui relève de l’initiative dans l’action, comme le suggère Fourastié, l’autonomie ou les marges de manœuvre, de ce qui la précède : l’action de proposer une solution.

Or, pour apprécier cette disposition, la méthode Hay, offre une grille de lecture intéressante. Alors, l’initiative créatrice de la méthode Hay, c’est quoi l’histoire ?

Faire preuve d’initiative commence par apprécier la situation par soi-même pour prendre une décision, avant de savoir si on peut la mettre en œuvre ou pas. « A son initiative », l’expression dit bien ce qu’elle veut dire : elle désigne le fait de lancer le mouvement.

La liberté d’agir dans un cadre, ou l’autonomie, c’est en effet une chose qui vient après. Tout commence par la complexité des problèmes auxquels on est confrontés et à quel point on est encadrés pour leur trouver une solution.

On pourrait presque dire jusqu’à quel point tu es libre de penser puis jusqu’à quel point tu es libre d’agir, même si c’est un peu réducteur.

C’est tout le sens du critère « initiative créatrice » de la méthode Hay, une méthode d’évaluation de poste. On le rappelle, une fois de plus, d’évaluation de poste, pas des personnes qui les exercent !

Ce critère repose en réalité sur deux sous-critères. D’abord le cadre de contraintes qui pèsent sur la réflexion pour résoudre un problème ou une situation. C’est le cadre de réflexion.

Autrement dit, ta liberté de penser, à quel point tu es aidé, soutenu ou contraint pour penser la résolution du problème.

Le second sous-critère c’est la complexité de ces mêmes problèmes. Sous-critère intitulé « l’exigence des problèmes ».

La combinaison des deux définissant l’initiative créatrice du poste, qui sera exprimée en pourcentage et non en points Hay, car on stipule que cette initiative va mobiliser les compétences au sens de la méthode Hay.

En caricaturant la méthode, d’abord le bagage dont tu as besoin pour exercer le job, puis la liberté de penser pour résoudre des problèmes plus ou moins complexes, et enfin la liberté d’agir plus ou moins directement sur des résultats plus ou moins gros. Ce n’est pas étonnant donc que l’initiative créatrice s’exprime en pourcentage de la compétence.

Mais revenons à cette initiative créatrice en deux sous critères. Chacun d’entre eux se décompose en niveaux.

Le cadre de réflexion a 5 niveaux. Le plus contraignant, donc le cadre de réflexion le plus petit, c’est lorsque tu dois suivre des modes opératoires que tu ne peux pas changer. En résumé, ta marge de manœuvre c’est d’associer la bonne instruction au problème.

Le niveau le plus élevé, en fait tu n’as presque pas de cadre. Ta réflexion est encadrée par l’entreprise elle-même, sa mission et sa vision moyen terme par exemple, et par des contraintes externes. C’est le cas lorsque tu penses une stratégie par exemple.

Si l’on caricaturait, le premier niveau tu as un guide qui te dit un truc du genre « lorsque tu vois un feu tu appuies sur le bouton rouge de l’alarme ». Le dernier niveau serait plutôt « quelle politique de maîtrise des risques faut-il concevoir ? »

Cela appelle deux remarques. La première, même lorsque c’est très encadré, il y a une marge de liberté. Que certaines organisations ignorent souvent mais justement qui permet d’ajuster un modèle taylorien dont la prescription s’écarte du réel.

Il y a une poubelle à papier avec quelques flammèches dans la salle informatique. C’est un feu ou un départ de feu ? J’appuie sur le bouton rouge ou je sors la poubelle et je l’éteins moi-même avant que les pompiers débarquent inonder les ordinateurs avec la lance à incendie ?

C’est tout ce qui relève de l’expérience du titulaire, ce que Barry Schwartz appelle la sagesse pratique dans une excellente conférence sur Ted.

A l’inverse, même avec un cadre très vaste, il y a des limites et des contraintes qui s’imposent à toi. Bien sûr on peut toujours sortir du cadre, dans la réflexion. Mais peut-être qu’il y a aussi une dimension éthique dont on ne peut s’affranchir. Du moins à nos yeux.

L’autre sous-critère c’est l’exigence des problèmes à résoudre, ou la complexité des situations auxquelles le poste est confronté, décomposé lui aussi en niveaux, en l’occurrence 7.

Le plus petit, donc les situations les moins complexes, on connaît le problème. L’enjeu c’est juste de le reconnaître parmi ce que l’on a appris. Quand il y a un boulon de 12 je prends une clé de 12. Il faut reconnaître le boulon de 12 et sélectionner la bonne clé.

Au plus élevé, on est face à une situation inédite et inconnue. On est aux limites du savoir, il faut inventer des concepts nouveaux. La recherche fondamentale par exemple. Quand l’enjeu c’est de découvrir une avancée importante.

Mais là encore, même le premier niveau laisse des marges. Celle de l’appréciation. Le problème peut avoir déjà été identifié et relever du domaine du connu, là encore faut-il reconnaître que c’est le même, ou à quel point c’est le même.

Dit autrement, penser qu’il y a des situations de travail qui affranchissent de tout jugement, de toute appréciation, c’est fabriquer de la distance entre la prescription et le réel.

Et donc sous-estimer l’importance du facteur humain.

En résumé, l’initiative créatrice de la méthode Hay décrit le niveau de réflexion qu’il faut pour résoudre un problème et la complexité de ce dernier. Du plus simple où le problème est connu et relève d’une solution à appliquer jusqu’au plus difficile où l’on a toute liberté de réflexion pour découvrir un problème inconnu.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.