Fusion, acquisition et RH
Dans cet épisode, nous allons parler de fusion et acquisition d’entreprises et de ressources humaines
Le charme des due dil dans les M&A… Cette valse de Q&A dans les data rooms avant un closing qu’on espère court et qui ne l’est généralement pas…
Bon, le chef qui baragouine parle en l’occurrence de la phase d’audit qui suit la manifestation de l’intention de rachat d’une entreprise par une autre, ce qu’on appelle une fusion-acquisition ou « fusac » pour les intimes…
Ou Merger And Acquisition (d’où l’acronyme « M and A ») pour les anglo-saxons,… Cette phase, en effet, c’est un parcours du combattant. Un incessant va et vient de questions, destinées évidemment, et c’est légitime, à rassurer celui qui rachète.
Notamment, sur le plan des risques légaux, financiers, sociaux ou sur la propriété intellectuelle par exemple. Donc la RH est concernée, elle aussi. Alors, fusion, acquisition et RH, c’est quoi l’histoire ?
Une entreprise qui veut en acquérir une autre, c’est le début d’une longue histoire dont on va vous épargner la litanie des termes techniques qui la jalonnent. Ce serait fastidieux et pour tout dire très chiant.
Surtout que l’histoire n’a pas la même teneur, évidemment, selon que celui qui est racheté est vendeur, c’est-à-dire qu’il cherche à vendre, ou pas, mais c’est un autre sujet.
Mais le chemin avant de conclure est long et fastidieux. D’abord ça s’apprivoise, comme des petits chiens, ça se renifle. Puis à un moment, la lettre d’intention, qui manifeste la volonté de l’acheteur d’acheter à certaines conditions.
Notamment que ce qui a été dit soit vrai, que ce que l’on achète soit sain. Bref avant que la transaction ne se réalise, on vérifie tout ce qu’on peut pour limiter les risques, c’est cette fameuse phase d’audit, les due diligences.
On vous épargne là-encore la liste de tout ce qui est minutieusement vérifié, du business plan à 3 ou 5 ans à la propriété intellectuelle en passant par le légal dans ses moindres détails.
Sur un plan RH, le premier d’entre eux porte bien sûr sur la conformité. La loi et les règlements en vigueur sont-ils respectés, les obligations déclaratives sont-elles correctement assurées, les charges sociales apurées etc.
C’est un exercice fastidieux mais nécessaire car les conséquences peuvent être importantes.
Il n’y a donc rien de surprenant dans tout cela, si ce n’est peut-être une chose : sur la conformité on est très fort mais alors sur le reste, c’est une autre histoire.
Or, le succès d’un rachat dépend en grande partie du facteur humain. Combien de fois, des opérations plantent, ou mettent beaucoup trop de temps pour être effectives, pour des raisons culturelles ?
Dans les années 2000, un cahier du cabinet Bernard Brunhes (1), marquait cet étonnement : « C’est le volet humain ou social qui pêche, qui, pour mille et une raisons, a été négligé et revient en boomerang sur des décideurs trop axés sur l’arithmétique comptable pour saisir et prendre en compte à temps les questions d’Hommes, de sociétés, de cultures. »
En résumé, le facteur humain, particulièrement dans sa dimension culturelle, est un facteur clé de succès évident et connu de tous dans ce type d’opérations, mais on ne s’en préoccupe quasiment pas dans les étapes qui les précédent.
Donc on peut se poser une question simple : pourquoi le négliger si c’est une évidence ?
Plusieurs raisons étaient évoquées dans ce cahier spécial de l’époque, en l’occurrence baptisé « réussir une fusion, d’abord une histoire d’hommes ». Et de femmes évidemment mais c’était en 2006.
Il évoque l’éloignement géographique des états-majors quand il s’agit de grands groupes, l’éloignement culturel aussi, notamment quand l’un et l’autre ne sont pas du même pays, ce qui soulève aussi la question d’une conception potentiellement différente en matière de RH, il évoque enfin l’absence de modèle managérial idéal facile à identifier et mesurer.
Mais alors pourquoi observerait-on les mêmes carences quand une grosse entreprise nationale en achète une petite ?
On peut ici soulever deux hypothèses, simplement pour se donner de la matière à penser.
La première c’est que le facteur humain est complexe. La dimension culturelle échappe à toute tentative de modélisation facile à manipuler et évaluer. La tâche est trop importante, pour une maîtrise du risque in fine très aléatoire, alors on préfère le prendre.
La seconde relève peut-être d’une conception autoritaire de la démarche. Celui qui rachète se dit peut-être qu’il s’agit d’un rapport de force et que ce dernier étant en sa faveur, il passe outre et s’imposera avec autorité.
Sauf que ça, on ne le paye pas immédiatement mais dans la durée et cela coûte très cher. Combien d’entreprises fusionnées voient encore perdurer la résistance de ce qu’on pourrait appeler un « canal historique » de très longues années après.
On a des exemples en tête, où 20 ans plus tard c’est encore le cas. Et ces résistances sont rarement bénéfiques.
Comme quoi la complexité de l’humain, c’est aussi celle de ceux qui décident…
En résumé, le succès d’une fusion-acquisition dépend beaucoup de facteurs humains et culturels qu’on ignore souvent en amont. Peut-être parce qu’ils échappent à une maîtrise réelle ou peut-être parce que l’on espère pouvoir passer en force. Pourtant, l’histoire montre qu’on ne fait pas ce qu’on veut des gens.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.
(1) « Réussir une fusion, d’abord une histoire d’hommes » Les Cahiers Bernard Brunhes N°17, décembre 2006