La fonction RH racontée par Audiard

Dans cet épisode, une fois n’est pas coutume, nous nous livrons à un exercice de style pour le plaisir, à savoir vous raconter la fonction RH à partir de citations de Michel Audiard.

Dans cet épisode, une fois n’est pas coutume, nous nous livrons à un exercice de style pour le plaisir, à savoir vous raconter la fonction RH à partir de citations de Michel Audiard.

« C’est pas parce qu’on a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule » disait Audiard, alors autant l’ouvrir haut et fort, prendre le risque d’être pendu haut et court, mais pas pour ne rien dire.

Raconter, conter ou compter ? « Quand on parle pognon, à partir d’un certain chiffre, tout le monde écoute » disait Audiard. Alors on règle nos comptes avec la fonction RH ? On fait les comptes plutôt que de lui faire la peau ? Ou on vous conte ce qui compte ?

On ne vous raconte pas d’histoires mais on va quand même choisir le verbe plutôt que le chiffre pour vous parler de RH car, comme disait Audiard, « l’éloquence sacrée, c’est comme la musique religieuse : pas besoin de comprendre pour écouter. »

Aah « c’est curieux, chez les marins, ce besoin de faire des phrases » disait Audiard. Alors matelots, on embarque ? La fonction RH racontée par Audiard, c’est quoi l’histoire ?

« Une grève-surprise ?… Bravo ! Trente tonnes de barbaque sur le carreau alors qu’on crève de faim à Chandernagor ?… Hourra !  M. Grafouillères, vous êtes un meneur et vos petits camarades des inconscients. Vous semblez oublier, mes amis, que vous n’êtes que des salariés. Les êtres les plus vulnérables du monde capitaliste. Des chômeurs en puissance… » faisait dire Audiard à Blier.

Certains voient la fonction RH au travers de ce prisme simpliste, le tampon entre de pauvres salariés exploités et des vilains patrons capitalistes… Remarque, Audiard disait que « dans la vie on partage toujours les emmerdes, jamais le pognon ». À méditer.

La caricature des relations sociales, écartelées entre des patrons tortionnaires et de gentilles brebis, au point que celui ou celle qui en exerce le job finirait, au mieux sans chemise, au pire séquestré.

Comme disait Audiard « la vérité n’est jamais amusante sinon tout le monde la dirait » et la fonction RH est évidemment loin de cette image d’Epinal. Au fond, pour ne pas le toucher, le rôle de la fonction RH commence par un truc simple.

Le business, le business, le business. Tout commence par le business. Parce que, comme disait Audiard, « les affaires, c’est comme le livre de la ménagère. On ne va pas au marché sans savoir où prendre de l’argent. »

En gros, contribuer à la définition de la stratégie de l’entreprise puis la rendre possible. On appelle ça l’alignement stratégique.

Oui parce qu’avoir une stratégie c’est bien mais l’exécuter c’est mieux. Comme disait Audiard : « deux intellectuels assis vont moins loin qu’une brute qui marche. » Donc il faut bien passer à l’acte et pour ça il faut embarquer tout le monde !

Et donc on fait des grands raouts en mode « je vais lui montrer qui c’est Raoul » genre « one company one culture plan croissance 2040 Ebitda +30 » avec des effets de manche et des grands discours.

Normal, Audiard disait que « gouverner ne consiste pas à aider les grenouilles à administrer leur mare ! ». Bien sûr, il faut une mission, une ambition, que dis-je un cap… (silence) euh je me suis trompé de citation là. Bref, la tradition du kick-off avant la bataille… Mais, comme disait Audiard « les traditions ? C’est comme ça qu’on appelle les manies dès qu’il s’agit de fêtes militaires ou religieuses. »

En rang par deux je ne veux voir qu’une tête et la ceinture on ne la porte pas en porte couilles les ptits gars ! Engagez-vous qu’ils disaient. Mais à un moment, ça ne marche plus parce que, comme disait Audiard, « les grands mots mettent toujours la vraie modestie à rude épreuve ».

Les discours avec leurs intentions hors-sol, déconnectées du réel, surtout celui du travail… Les salariés finissent par se dire, comme disait Audiard, « on est gouvernés par des lascars qui fixent le prix de la betterave et qui ne sauraient pas faire pousser des radis. »

En fait, ils n’y croient plus parce que ce réel-là les salariés, eux, ils le connaissent bien. Ils le vivent au quotidien. C’est même ce qu’on appelle pudiquement l’expérience collaborateur. Au pire, ils se disent même, comme disait Audiard : « des faux-culs j’en ai connu mais alors toi t’es une synthèse » parce que, s’ils comprennent qu’on se trompe, ils n’acceptent pas qu’on les trompe.

Le fake ils vivent ça comme une trahison. La QVT qu’on règle à coups de chef du bonheur et de babyfoot, les amis, c’est un peu comme la choucroute sans la saucisse : t’as juste oublié l’essentiel. Et l’essentiel, c’est le travail avec son lot de dissonances, d’injonctions contradictoires et de manque de reconnaissance.

En fait parfois ça va trop loin, trop de déséquilibres et alors ça pète, ça se désengage, ça se désinvestit, ça chouigne, ça tape dans la gamelle et quand ça tape trop fort et que ça fait trop de bruit, on se met à flipper.

« Un financier, ça n’a jamais de remords. Même pas de regrets. Tout simplement la pétoche » disait Audiard. Alors on compte d’abord sur les managers de proximité, bons sergents qu’on envoie au front et qu’on transforme en garde-chiourmes. Va falloir que ça rentre dans le rang tout ça.

En mode ordre et discipline : faut pas que ça moufte. Genre, comme disait Audiard : « dans les situations critiques, quand on parle avec un calibre bien en pogne, personne ne conteste plus. Y’a des statistiques là-dessus ».

Oui on appelle ça une enquête de climat social tu sais, et bizarrement ça te dit que ce mode de management à la Raoul c’est contreproductif : les bons se tirent, les mauvais restent mais ils se rebiffent comme des caves qui ne veulent plus rester à la cave… à force d’en connaître l’odeur.

C’est dingue comme les gens n’acceptent plus rien hein ! Ils « big quittent » pour un rien, pire encore ils « quiet démissionnent » les bougres. Comme disait Audiard « “Offres d’emploi” qu’ils appellent ça, leur piège à bagnards ! »… C’est con, il y a des gens qui n’en veulent plus, que les chefs à plumes le veuillent ou pas.

Audiard disait que « sauf pour les dictateurs et les imbéciles, l’ordre n’est pas une fin en soi ». Il va donc falloir trouver d’autres voies et moyens. On est allé trop loin se disent les meilleurs de la classe… Il va falloir changer de ton parce qu’on sait bien, comme le disait Audiard, que « les conneries c’est comme les impôts, on finit toujours par les payer ».

Et c’est là où l’on appelle la fonction RH à la rescousse : il va falloir « réenchanter » tout ça comme ils disent. Audiard avait beau dire que « c’est jamais bon de laisser traîner les créances, et surtout de permettre au petit personnel de rêver »… Il va pourtant bien falloir du rêve pour donner envie.

Oui mais on sait bien, comme disait Audiard, que « le langage des chiffres a ceci de commun avec le langage des fleurs, on lui fait dire ce que l’on veut »… Et le DRH sait bien aussi que les gens veulent de l’authenticité, du sens, de l’autonomie et de la reconnaissance.

De la justice aussi ! Et il en faut des signes, parce que, comme disait Audiard, « la justice, c’est comme la Sainte Vierge, si on la voit pas de temps en temps, le doute s’installe ».

Voilà donc de grandes ambitions, qui irriguent finalement ce qui fait le quotidien de la fonction, gérer le cycle de vie du salarié.

D’abord reconnaître les talents, et en priorité celles et ceux qui font l’avenir de ta boîte. « Heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière » disait Audiard… ces personnalités hors normes, sources d’innovation et de performance pour l’entreprise.

Le talent management c’est aussi découvrir et développer le talent de chacun, pour le mettre au service du collectif car, comme disait Audiard, « un pigeon, c’est plus con qu’un dauphin… d’accord mais ça vole ».

Il faut aussi savoir faire preuve de bienveillance mais sans tomber dans la complaisance. Il faut donc aussi reconnaître ce qui ne colle pas.

Oui, comme disait Audiard, « quand un homme a un bec de canard, des ailes de canard et des pattes de canards : c’est un canard. C’est vrai aussi pour les petits merdeux. »

Bref, attirer, retenir et motiver les talents, selon la vieille expression, et se séparer des nuisibles.

Et pour les motiver ça commençe peut-être par leur éviter les « nervous breakdown comme on dit de nos jours »… comme disait Audiard. C’est tout l’enjeu de la QVT mais en s’intéressant vraiment, comme on l’a déjà dit, au travail. Et pour cela, la fonction RH doit avoir des capteurs, avoir une oreille attentive.

Audiard disait « je suis ancien combattant, militant socialiste et bistrot. C’est dire si, dans ma vie, j’en ai entendu, des conneries ». Il aurait pu ajouter RH de proximité ! Pourtant, cela n’empêche que… pour comprendre le travail il faut bien écouter ceux qui le font.

N’oublie tout de même pas dans tout cela les relations sociales et les exercices que cela impose, comme les NAO par exemple.

Bah c’est facile les NAO ! Rappelle-toi la scène culte de Blier en introduction, je te cite la fin de la réplique : « c’est pourquoi, mes amis, si vous avez des revendications d’salaire à formuler, vous m’adressez une note écrite et j’la fous au panier, et on n’en parle plus. Nous sommes bien d’accord ? ».

Bah non justement ! On n’est pas d’accord ! Comme quoi RH c’est un vrai métier. Un métier parfois décrié, souvent caricaturé, parce qu’on ne le connait pas et peut-être aussi parce qu’il révèle ce que nous sommes… En somme, le miroir d’une vérité crue. Et alors on préfère tuer le messager. Le RH bashing quoi !

Les praticiens de la fonction sont rompus à la critique, ils font le job, et d’une seule voix ils pourraient reprendre les mots qu’Audiard prêtaient au Président, d’Henri Verneuil : « je crois avoir été l’un des hommes les plus détesté de son époque, ce fût longtemps mon chagrin, c’est aujourd’hui mon orgueil ».

Bref, le DRH gardien du temps et du temple. Un garde-fou pas si fou que ça car il sait bien que, je cite, « il vaut mieux s’en aller la tête basse que les pieds devant » mais qui exerce le plus beau métier du monde parce que je cite « faire confiance aux honnêtes gens est le seul vrai risque des professions aventureuses ».

Comme quoi, comme disait Audiard : « l’honnêteté, ça se paye! »

En résumé, la seule réplique d’Audiard que tout le monde connaît et qu’on n’a pas encore citée c’est « les cons ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît »… Bah nous notre reconnaissance c’est d’avoir osé.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.