L’alignement comme atout concurrentiel

Dans cet épisode nous allons évoquer en quoi l’alignement de la marque employeur est un atout concurrentiel.

« Si vite que coure le mensonge la vérité un jour le rejoint » écrivait Jacob Cats. La vérité finit toujours par éclater dit l’adage.

Les façades s’éclatent surtout sur le mur de la réalité, quand la dissonance entre le dire et le réel est trop flagrante pour qu’elle ne questionne pas.

La marque employeur des entreprises n’échappe pas à ces règles élémentaires en matière de confiance. Pratique incontournable des professionnels RH, elle est globale et va bien au-delà d’un simple exercice de communication.

Papier glacé et jolies plaquettes ou cohérence et authenticité ? Un dilemme cornélien. Ou pas. Alors, l’alignement comme atout concurrentiel, c’est quoi l’histoire ?

Faites ce que je dis, oubliez ce que je fais. Combien de fois certaines entreprises nous donnent à voir des comportements significativement moins vertueux que la façade qu’elles affichent glorieusement.

Rompues aux exercices de communication dont on peut se demander si elle ne se réduit pas à l’adage « on n’attire pas les mouches avec du vinaigre » elles construisent ainsi des marques employeurs pour attirer celles et ceux dont elles ont besoin.

Mais la dure réalité des faits refait parfois surface, les masques tombent tels des bautas vénitiennes en fin de carnaval. Et les efforts de communication, dit concrètement du pognon en masse, sont ruinés, au pire d’un scandale au mieux d’une expérience qui livre l’inverse de ce qu’on dit.

L’entreprise peut faire récit et on peut avoir l’illusion de croire qu’une belle histoire peut suffire à séduire. Un truc de baratineur en somme. En vérité, l’entreprise donne aussi à voir.

Son discours et ses actes laissent inévitablement des traces dans l’imaginaire des gens, que ce soient ses salariés ou de ses différents publics. Ce qu’elle est prend corps au travers de ses actes et son discours contribue à la façonner. C’est « l’identité narrative » de Paul Ricoeur (Ricoeur, 1990).

L’acte comme signe tangible de ce qu’est l’entreprise, le narratif comme intention de ce qu’elle veut être.

Toute la difficulté de la marque employeur, c’est qu’elle cristallise l’histoire que l’entreprise raconte sur elle-même. Or, « se raconter » c’est une autre histoire que « se la raconter ».

Le discours de ce que l’entreprise voudrait qu’on pense d’elle et les actes et leurs empreintes tenaces dans l’imaginaire. Or, il en va des entreprises comme des personnes, l’alignement du dire et du faire est nourricier de confiance.

Bien sûr, personne n’est parfait. Aucune entreprise ne peut prétendre être parfaitement cohérente entre ce qu’elle dit et ce qu’elle fait.

Mais il convient de distinguer ce qui relève d’une intention – on fait de notre mieux et c’est démontrable dans les faits – de ce qui relève de la mascarade, de la manipulation ou de la langue de bois.

Quand derrière la marque, se cache l’employeur, et ce n’est pas le même. Autant dire que ça se remarque là où on cherchait pourtant à se démarquer.

Les gens ne sont pas dupes. Les maisons-témoins façon attrape-nigauds c’est d’une autre époque. En tout cas, à tout le moins, le retour de manivelle est généralement brutal.

Dit autrement quand la dissonance entre la façade et la réalité des faits est trop grande, trop criante, non seulement plus personne n’y croit mais surtout toute chance de confiance est détruite.

Sans parler de la question morale – même s’il nous semble difficile d’exercer un métier RH sans se la poser – il y a une question sous-jacente que ce type de pratiques soulève.

Pour quelle raison, en interne, le corps social de l’entreprise qui adopte une telle posture de mensonge, devrait-il se comporter différemment à son égard ? Pour quelle raison faire preuve de loyauté à l’égard de quelqu’un qui n’en fait pas preuve ?

La première conséquence de la dissonance est délétère en interne. Elle l’est bien sûr en externe mais d’abord en interne. Elle sape la confiance pourtant déterminante dans tout édifice social. C’est le socle même de sa performance durable.

Or, la question de l’engagement – et son pendant celle de la santé mentale – est au cœur des préoccupations des entreprises depuis la crise de 2008. La santé mentale priorité des temps contemporains.

Comment ne pas comprendre alors que toute dissonance ronge les fondements même de l’entreprise ?

La question est d’autant plus sensible à nos yeux que les évolutions politiques des dernières années, la démocratisation de l’usage de l’IA générative, les manipulations informationnelles, les algorithmes des réseaux sociaux ont forgé les conditions de la post-vérité.

Or, quand il devient plus que jamais difficile de discerner le vrai du faux, de savoir à quel saint se vouer – alors que, dans le même temps, les personnes en éprouvent le besoin – la confiance devient un atout différenciant.

Dit autrement, être vu comme un acteur de confiance en interne et en externe est un atout concurrentiel. Peut-être l’un des plus important.

En ce sens, les entreprises qui n’auront vu dans la marque employeur qu’un exercice de séduction déconnecté du réel, comme on vendait fut un temps des lessives qui lavent plus blanc que blanc, l’auront dilapidé.

La marque employeur d’une entreprise est donc en cela d’abord un exercice d’authenticité.

Elle ne cherche pas à vanter les mérites d’une entreprise exemplaire qui ne l’est pas ni ne le sera jamais mais elle a pour ambition de démontrer le plus factuellement possible qu’elle fait du mieux qu’elle peut pour être ce qu’elle veut sincèrement devenir.

On peut même en faire un projet, moteur de l’engagement, mais c’est un autre sujet.

En résumé, une marque employeur qui fait un récit honnête de ce que l’entreprise veut devenir tout en témoignant et démontrant ses efforts pour rendre crédible son intention dispose d’un atout concurrentiel fédérateur, à commencer auprès de ses propres collaborateurs.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.