Un CSP et les deux erreurs à éviter
Dans cet épisode nous allons évoquer deux erreurs à ne pas commettre quand on crée un CSP.
Le « CSP » … ça y est ça recommence. Encore un acronyme. Les experts de la paie sauront évidemment de quoi on parle, mais les autres ?
« CSP » pour « Contrat de Sécurisation Professionnelle » ? Ou « Catégorie Socio-Professionnelle » pour les as du marketing ? Non en l’occurrence, on parle bien sûr du « Centre de Service Partagé ».
SSC en d’autres termes… Shared Service Center… Histoire de continuer dans la même veine. Bref, une pratique de mutualisation de moyens qui consiste à regrouper et centraliser une ou plusieurs activités internes.
Comme la paie par exemple et c’est la raison pour laquelle on en parle. Une bonne idée sans aucun doute mais pas n’importe comment. Alors, un CSP et les deux erreurs à éviter, c’est quoi l’histoire ?
En substance donc, un centre de service partagé, consiste à regrouper plusieurs départements qui réalisent la même nature d’activité dans un seul. Le principe est simple : centralisation et mutualisation.
Qui dit centralisation dit volumes plus importants donc économies d’échelle, courbe d’expérience etc. donc amélioration de la productivité.
Nous l’avions déjà évoqué, il y a 3 grands leviers de productivité, l’industrialisation / automatisation, la mutualisation des moyens et l’externalisation. Au cœur de tout ça, le digital.
Un centre de service partagé réunit les deux premiers leviers et consiste, en quelque sorte, en une petite externalisation en interne. Cela présente de nombreux avantages au-delà de la seule question de la productivité.
Meilleure maîtrise de la qualité de ce que l’on produit toute chose égale par ailleurs, clarification des coûts et des refacturations internes, une plus grande flexibilité d’organisation au global dont on peut attendre en théorie un bénéfice d’agilité et / ou de réactivité,
Et, on peut l’espérer du moins, une meilleure satisfaction client, si tant est qu’on adopte une démarche et posture tournée vers celle-ci mais c’est un autre sujet.
On va rester sur notre sujet, le CSP Paie.
On ne débattra pas ici de l’alternative entre internalisation et externalisation, c’est un autre sujet. Mais on voudrait souligner deux erreurs qu’on commet parfois lorsqu’on se lance dans un projet de ce type.
La première, on va la résumer de la manière suivante. L’intention est bonne en théorie, sur un plan factuel et technique, mais il y a une dimension psychologique et symbolique à l’opération qu’il convient de ne surtout pas négliger.
C’est un peu comme oublier le PFH, le « putain de facteur humain » comme disent les Canadiens, dans un processus de fusion-acquisition. C’est aller dans le mur alors que l’idée était bonne.
On va prendre deux illustrations pour comprendre cette dimension psychologique ou symbolique.
La première est simple à comprendre, et la plupart du temps les professionnels du métier y veillent quand même, c’est ce qui se passe dans la tête des équipes paie sur le thème « à quelle sauce on va être mangé ? ».
On ne parle pas ici de ce que d’aucun voudrait qualifier de résistance au changement ou d’inquiétude sur ses conditions de travail ou ses avantages mais de craintes profondes sur son avenir.
La crainte est simple à décrire : le projet de CSP est une étape préalable à une externalisation complète qu’on ne nous avoue pas. En gros, je perds mon job dans quelques années.
Or, la réponse n’est pas qu’une affaire de simple communication car cette crainte ne peut être levée que s’il y a un socle de confiance pour la crédibiliser. Or, cette confiance ne vient pas que de ce que la fonction RH a fait depuis des années…
Mais bien de la confiance en l’honnêteté de l’entreprise. C’est parfois un vaste sujet. En l’espèce, il faut beaucoup de pédagogie pour lever cette inquiétude et que chacun y voit une opportunité d’affirmer et renforcer son expertise plutôt qu’une épée de Damoclès.
Même si parfois, elle tombe sur les têtes.
La seconde illustration, c’est quand on est dans un contexte de structure décentralisée avec des entités locales fortement autonomes. Des points de vente ou des franchisés par exemple.
En l’espèce, une centralisation de la paie dans un CSP a pour conséquence un certain nombre de contraintes supplémentaires même si, in fine, elles sont bénéfiques. Moins de liberté, on ne fait plus comme on veut à sa sauce etc.
On peut, et on doit, communiquer, expliquer etc. bien sûr qu’au bout du compte ces contraintes n’en sont pas vraiment car, si on a bien étudié son coup, alors les bénéfices pour les entités locales seront bien là, que ce soit des coûts refacturés moindre, une meilleure mise sous contrôle de la conformité donc moins de redressements etc.
Mais il y a le message qu’on envoie et qui vient souvent s’ajouter à d’autres, qui en l’occurrence ne viennent pas de la fonction RH mais qui du contrôle de gestion, de l’informatique etc., et qui sonnent tous comme une réduction de l’autonomie des entités locales.
On a alors là une question simple à se poser : est-ce que le gain qu’on en tire en vaut la peine ou pas.
Ne pas tenir compte des légitimes inquiétudes que peut susciter un projet de CSP, qu’elles soient légitimes ou pas, c’est planter le projet avant de le commencer, et cela exige un minimum de subtilité, de psychologie et de hauteur de vue au-delà d’un projet technique à mener avec méthode.
La seconde erreur que nous voulions souligner vient après. On a tout regroupé et centralisé. La bonne affaire. Dans un souci légitime d’économie de court terme, on a aussi pensé aux locaux, à l’implantation géographique etc.
Et si, par ce biais-là, on pouvait aussi faire quelques gains ce serait mieux, en profitant de loyers moins élevés etc.
Les plus cyniques se diront même qu’en mettant tout le paquet dans un coin bien paumé, où le bassin d’emploi est tel qu’il sera bien difficile d’en partir, on diminuera le turn-over subi. Après tout, si on ne sait pas fidéliser, rendons captif !
Seulement voilà, lorsque quelques gestionnaires et autres experts paie auront décidé de briser les chaînes et de partir à l’aventure, ou simplement que quelques départs à la retraite auront laissé des postes vacants, on risque bien de déchanter.
Parce que si l’on est dans un endroit où, justement le bassin d’emploi n’est pas terrible, que c’est perdu au milieu de nulle part pour baisser les coûts immobiliers, tu verras comme c’est facile d’attirer des candidats sur des métiers où il y a déjà pénurie et tensions importantes.
L’exemple est bien sûr caricatural mais on l’a observé. Il invite simplement à une vision un peu plus globale que celle des seules économies de court terme, même si elles sont nécessaires. Dit autrement, adopter une réflexion prospective et prendre en compte les conséquences potentielles sur une durée suffisamment longue.
Au demeurant, lorsque les projets de CSP sont conduits avec intelligence, subtilité, pédagogie et pragmatisme, que l’ensemble est outillé d’un SIRH performant avec une organisation tournée vers le client et les compétences qui permettent de la mettre en œuvre comme il faut, alors on peut en espérer des gains significatifs.
En résumé, il ne faut pas négliger la dimension psychologique et symbolique de la mise en place d’un CSP et encore moins sacrifier son efficience durable au nom d’opportunités de petits gains à court terme.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.