Mais c’est quoi le principe de subsidiarité ?
Dans cet épisode nous allons parler du principe de subsidiarité appliqué en entreprise.
Hey chef, j’ai découvert un nouveau truc ! Le principe de subsidiarité ! Ça en jette non ? On sait tous qu’en vrai Taylor c’est naze et has-been, alors vive le management subsidiaire, c’est du management 4.0 ça ! T’en penses quoi ?
Que ce n’est pas nouveau petit scarabée, Aristote en parlait déjà !
Oui mais Aristote c’est vieux, moi je te parle de l’entreprise moderne, hypercompétitive, agile, résiliente … 4.0 je t’ai dit !
Pas nouveau non plus ! 1980, bon tu n’étais pas née certes, mais Danone par exemple l’appliquait déjà.
Ah merde, moi qui pensais avoir trouvé la nouvelle pierre philosophale du management …
Attends, c’est peut-être justement parce que c’est vieux comme Aristote que cela mérite d’en parler… Alors, histoire de ne pas réinventer la roue, le principe de subsidiarité, c’est quoi l’histoire ?
Rendons à César ce qui appartient… en l’occurrence à Aristote, qui estimait qu’un bon gouvernement ne régente pas tout et doit respecter une forme d’autonomie locale. On retrouve ce principe plus tard chez Thomas d’Aquin, penseur de la philosophie du Bien commun, et dans la doctrine sociale de l’Eglise catholique.
« C’est une erreur morale de laisser faire par un niveau social plus élevé ce qui peut être fait par un niveau social plus bas » écrivait le pape Léon XIII dans une encyclique…
Léon XIII dans un podcast Story RH, c’est un pari ? Bon en même temps quelle meilleure définition ?…
Un principe qui en a inspiré beaucoup, le Traité de Maastricht – l’union européenne n’intervient que si l’état membre n’a pas pu apporter de solution satisfaisante – mais aussi en droit, en économie et évidemment en matière d’organisation et de management.
Le principe qui consiste à donner la possibilité d’agir au plus proche du problème, c’est d’abord du pragmatisme…. Mais cela suppose deux choses.
D’abord, l’échelon supérieur s’interdit de réaliser lui-même ce que l’échelon inférieur peut faire seul. Et d’autre part, celui qui résout le problème doit savoir demander de l’aide au-dessus.
En toile de fond il y a aussi une autre idée : pourquoi payer quelqu’un qui coûte plus cher, si quelqu’un d’autre, qui coûte moins cher, peut le faire ? Un principe de pragmatisme mais aussi un principe de réalisme.
Parfois on confond subsidiarité et délégation, mais ce n’est pas pareil, même si, comme le rappelle Gilles Verrier « délégation et subsidiarité ont en commun d’être des formes d’autonomie, qui rapprochent pouvoir de décision et pouvoir de réalisation »
La différence est en réalité celle-ci. La délégation descendante c’est « moi manager je te confère une zone d’autonomie donc de responsabilité »
Là où la subsidiarité c’est « moi collaborateur, j’agis sur le terrain et je fais appel à toi, au-dessus, si j’en ai besoin ».
L’un part du haut, l’autre du bas… La délégation part de l’idée que le pouvoir est en haut, et il est prêté temporairement dans un cadre donné à ceux du dessous. Alors que le principe de subsidiarité, le pouvoir est en bas, et il est remonté temporairement par la base sur des points précis.
On sait toutes et tous, qu’une fois que la grande machine des processus est en route ça ne se passe pas toujours comme prévu. Il y a souvent des grains de sable qui nécessitent d’intervenir, de réagir.
Au lieu de penser à enlever le grain de sable et d’ordonner à la personne la plus proche de le retirer, le principe de subsidiarité considère que c’est la personne la plus proche qui décide seule de le retirer et fera appel au manager seulement si elle n’y arrive pas.
Le principe est intéressant au moins pour deux raisons. D’abord, c’est plus efficace pour résoudre les situations, et, d’autre part, en redonnant le pouvoir d’agir aux collaborateurs on réduit une source de mal-être au travail.
Bah là voilà la belle idée ! Je savais bien que ce principe de subsidiarité c’était notre nouvelle pierre philosophale. On vient de régler les deux maux des entreprises : mal-être et non-performance.
Minute papillon ! Tu te doutes bien que ce n’est pas si simple.
D’abord, il y a une limite qui est celle du contrat de travail et son lien de subordination, lien par lequel l’employeur exerce son pouvoir de direction sur l’employé.
Et puis il y a une autre notion, celle du risque et de celui qui le paye… dit en d’autres termes celui qui en assume la responsabilité in fine… donc son besoin de le contrôler…
Comme quoi, le citoyen d’Aristote et le salarié d’une entreprise ce n’est pas pareil, en effet…
Et puis il y a l’histoire de l’entreprise et du management. On ne peut pas, en un claquement de doigt, appeler à la responsabilité totale de chacun, sinon c’est une injonction de plus.
« Soyez autonomes et responsables » c’est un ordre mais sans les moyens qui vont avec. Genre démmerdez-vous et allez au front à poil !
Cela renvoie donc à une réflexion sur l’acceptation de la responsabilité qui va avec, dit concrètement faire son boulot et être responsable ce n’est pas la même chose, mais aussi sur les compétences que cela demande et sur l’aide que l’entreprise apporte.
Si le principe de subsidiarité suppose que le niveau du dessus doit aider quand il faut, il faut donc en créer les conditions institutionnelles et ce n’est pas une gageure… Cela pose deux questions au minimum.
D’une part, pour que subsidiarité ne rime pas avec lâcheté, genre « Soyez responsables, pendant ce temps-là nous on regarde ailleurs », il faut que chacun ose et puisse remonter ce qui ne va pas. Cela renvoie au droit à l’erreur, l’esprit critique etc. Pas si simple.
Et d’autre part cela pose la question de la responsabilité de la personne morale à l’égard du corps social. La RSE quoi en un mot… Bref on ne fait pas l’entreprise « contre » mais « avec » et « pour » celles et ceux qui la font vivre. Le principe de subsidiarité impose donc une certaine doctrine sociale.
En résumé, le principe de subsidiarité consiste à considérer que le pouvoir de décision doit être au plus près de la situation à résoudre et que le niveau supérieur n’intervient que si celui du dessous n’a pas la capacité à le faire. Un principe qui, pour ne pas être illusion, renvoie à une certaine conception de l’ordre social et de la place qui occupe l’être humain.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire