Digital et mal-être au travail
Dans cet épisode nous allons nous interroger sur le digital, son rôle et ses conséquences
Ah le digital pour une entreprise meilleure, où règnent collaboration et coopération, dans une transformation durable pour affronter un monde VUCA… Ou la transversalité au service de cet humain… qu’on a évidemment remis au cœur de…
Hop hop hop ! Et si ce n’était pas si évident que cela ? Il n’y aurait donc que des bénéfices culturels, organisationnels et managériaux au digital ? Que des bénéfices de fluidité et de qualité pour le client ?
Allez ! Soyons honnêtes ! Qui ne s’est jamais énervé devant la rigidité d’un programme informatique, d’un ERP ou de je-ne-sais quelle application dite collaborative… Ou quand le processus en question te met face à l’impossible…
Le digital offre de nombreux avantages, cela ne fait aucun doute, mais c’est peut-être aussi une source de mal-être… Alors, digital et mal-être au travail, c’est quoi l’histoire ?
Le digital sous toutes ses formes c’est de toute évidence un formidable levier de productivité, et ce depuis longtemps. C’est aussi parfois un facteur d’une meilleure transversalité, une plus grande collaboration, c’est vrai.
Qu’il s’agisse de l’essor des ERP dans les années 90/2000 aux récents progrès impressionnants de l’intelligence artificielle, le numérique a toujours constitué d’abord un levier de productivité.
Oui même lorsqu’il s’agit de profiter d’économies d’échelle avec une mutualisation de moyens ou une externalisation dont il est presque toujours systématiquement au cœur.
Digitaliser c’est standardiser, simplifier. C’est une traduction des processus métiers qui sont eux-mêmes par nature une forme de modélisation, de standardisation. C’est la raison pour laquelle le digital est un levier de productivité fort. C’est une traduction des processus.
Or, ces derniers – indépendamment du fait qu’ils soient informatisés – peuvent être sources de mal-être au travail notamment car ils sont potentiellement réducteurs de marges de manœuvre
ou tout simplement déconnectés du réel, mettant alors celles et ceux qui travaillent face à une forme d’impuissance, source de souffrance quand tu essayes de bien faire ton job.
Il n’y a rien de bien nouveau au fond sur ce plan. C’est une des deux critiques qui a toujours été faite au modèle classique (Taylor, Fayol etc.) : une insuffisante prise en compte du facteur humain mais aussi et surtout l’écart entre travail prescrit et travail réel.
Plus ce modèle est poussé loin, plus il est potentiellement source de mal être pour celles et ceux qui travaillent, qui en font l’expérience, bien concrète.
Donc le digital, qui informatise ces mêmes processus aussi. Mais en vérité, cela ne vient pas uniquement des entreprises elles-mêmes et de leur supposée capacité à penser efficacement leurs projets informatiques ou non.
En effet, le numérique c’est aussi un marché qui est « tiré » par l’offre, par les éditeurs ou les différents acteurs de l’écosystème digital. Or, leurs approches, comme le fait qu’ils cherchent à satisfaire leurs propres contraintes, peuvent constituer un facteur aggravant.
Il y a d’abord le fait que les analyses en processus métiers qui servent de base aux « ateliers de design » pour paramétrer les outils, tiennent souvent insuffisamment compte de la finalité globale de ce qu’ils sont supposés délivrer et de la valeur pour celles et ceux à qui ils sont supposés en apporter
Bon en même temps, c’est le reflet de l’entreprise cliente, l’offre n’y est pas pour grand-chose…
Oui sauf peut-être sur l’expérience, ou la distance, que cela demande pour faire accoucher ces processus aux clients, et donc une question de profils des personnes qui le font… Et pour des raisons de marge, ce n’est pas l’intérêt des acteurs qui font de la MOA/MOE de monter en gamme sur le sujet.
Surtout quand en phase de pénurie de main d’œuvre on est obligé d’être moins regardant sur son niveau d’exigence.
Une deuxième raison vient des outils eux-mêmes. Lorsque leur capacité native de paramétrage n’est pas au top, car ce sont des outils très modélisés, cela vient ajouter une rigidité supplémentaire. Ce n’est plus le besoin métier qui dicte sa loi selon son besoin mais l’outil qui lui impose son propre mode de fonctionnement.
Ou alors tu te lances dans un paramétrage plus « sur-mesure » si l’outil le permet mais chacun sait à quel point c’est hasardeux, en gros tu vas essuyer les plâtres, chronophage et source de dérive budgétaire. Bref, des outils modélisés cela rigidifie aussi les processus métiers.
Tu as un dernier facteur qui vient de la normalisation des offres sur le marché, notamment de leur mode de commercialisation ou d’exploitation. C’est par exemple un peu le cas avec le SaaS et le cloud.
Il n’est pas question ici de nier les avantages du Saas pour l’entreprise cliente, il y en a. Mais il y en a aussi pour les éditeurs évidemment et c’est même peut-être là la raison pour laquelle le marché s’est tourné vers cela.
Bon d’abord le Saas c’est des revenus récurrents donc ça améliore la valo et la prévisibilité, mais c’est un autre sujet. Ça favorise surtout une offre one-to-many, plus facile à maintenir pour l’éditeur et cela améliore sa propre rentabilité.
Parce que l’éditeur cherche aussi à améliorer sa productivité productivité, donc lui aussi il industrialise, mutualise et externalise, dans le cloud par exemple. Mais cela contribue aussi à moins de souplesse pour l’entreprise cliente donc à rigidifier ses processus.
Autant de facteurs liés au digital qui si on les additionne viennent contribuer ou amplifier une rigidification des processus de l’entreprise. Or, cette dernière est potentiellement source de mal-être au travail.
En résumé, les outils informatiques sont sources de productivité mais ils peuvent aussi contribuer à amplifier la réduction des marges de manœuvre et le décalage entre travail prescrit et travail réel, ces deux conséquences sont sources de sentiment d’impuissance.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire