Stratégie, prospective et tout le toutim

Dans cet épisode, nous allons clarifier certains exercices qui rythment la vie des entreprises.

Notre stratégie, c’est simple. Gagner du fric. Pour gagner du fric, crois-moi, ce qui est stratégique, c’est d’avoir un coup d’avance sur les autres. Et moi, je prévois tout parce que je suis un visionnaire.

Monsieur prévoit… et sa prévision, qui est tout sauf prospective, est stratégique parce qu’elle est importante… On voit surtout le mélange des mots… On dirait à peine un mémoire d’étudiant.

Dans le genre, la réponse au problème c’est la solution. Je vois… A défaut d’avoir une vision, si on clarifiait ces termes ça ne ferait pas de mal. Alors, stratégie, prospective et tout le toutim, c’est quoi l’histoire ?

Si on commençait par le début, une entreprise a une raison d’être, c’est-à-dire ce pour quoi – en un mot ou deux comme tu veux – elle existe. C’est sa mission. Et sur cette mission elle se donne une ambition, sa vision.

Pour la mener à bien elle se donne souvent un cadre de valeurs, ce qui guide ses actions. Bref, la trilogie classique – mission, vision, valeurs – qui est son cadre pérenne, durable.

C’est ce qui relève de sa politique, au sens fort du terme, et qui ne change pas tous les 4 matins. Mais il ne s’agit, au fond, que d’une intention. Dit autrement, ce que nous aimerions être ou faire.

Seulement voilà, le monde extérieur et le temps qui passe font leurs effets. D’ailleurs depuis la nuit des temps, qu’est-ce qui a guidé les choix humains si ce n’est, au fond, une certaine idée qu’on se fait de l’avenir ?

C’est là où la prospective entre en jeu. A côté de ce que nous aimerions être ou faire – le cadre pérenne de la politique – on pose celui de ce qui pourrait bien se passer à l’avenir.

C’est en effet cela le registre de la prospective. Poser des hypothèses sur ce qui peut advenir, concernant le monde et nous, et identifier des scénarios d’actions qu’on ajustera en cours de route. S’il se passe cela, voici ce qu’on pourrait faire ; si c’est ceci qui arrive, voilà ce qu’on pourrait faire aussi.

La démarche prospective aide en quelque sorte à identifier ce qu’on pourrait faire.

On en arrive donc à deux éléments : d’un côté, ce que je voudrais faire dans l’idéal et de l’autre, ce que je pourrais faire en l’espèce. Mais il va bien falloir décider de ce que l’on va faire pour de bon.

C’est cela finalement le Business Model. Passer le champ des possibles – ce que tu pourrais faire donc la démarche prospective – au filtre de ton intention politique, ce que tu veux faire car c’est ton cap pérenne.

Il en résulte un modèle d’affaires, ou, dit autrement, la manière dont tu vas durablement créer de la valeur. Entre ce que je pourrais faire et ce que je veux faire, voici ce que nous allons faire. Et on s’y tiendra. Le Business Model, là encore, on ne le changera pas tous les jours.

Mais je ne suis pas seul en ce monde. Il y a des consommateurs, des concurrents, des solutions de substitution etc. – bref on vous renvoie aux 5 forces de Porter comme l’une des grilles d’analyse du contexte (Porter M.E, 1985).

Il faut bien décider d’une stratégie pour le mettre en œuvre ce Business Model. Comment vais-je agencer mes forces, mes faiblesses, mes caractéristiques au regard de la configuration en présence pour y arriver ?

« L’ensemble des règles de conduite d’un acteur lui permettant d’atteindre ses objectifs et son projet » comme le rappelle Michel Godet, spécialiste de la prospective (Godet Michel, 2007).

Pour la mettre en œuvre, l’entreprise se donne un horizon auquel elle estime raisonnablement pouvoir formuler des prévisions. 5 ans ? 3 ans ? En continu ? Elle se fixe des objectifs dans le temps et alloue des ressources pour y parvenir.

C’est le plan stratégique, ou la traduction circonstanciée et bornée dans le temps, de la stratégie pour voir si ce que l’on a décidé de faire porte les fruits escomptés.

La manière dont ce plan stratégique sera mis en œuvre demande de décrire les actions concrètes que l’on va mener, les ressources qu’elles vont mobiliser et la manière dont on les emploie pour un résultat escompté. Il s’agit du plan d’action.

Il est par nature changeant et très conjoncturel. Schématiquement, c’est là où tu trouves ton budget annuel. Après tu vas suivre ce plan de route et voir s’il délivre les résultats prévus.

Mais évidemment, cela ne se passe jamais exactement comme ça. Le réalisé n’est jamais conforme aux prévisions, ou alors c’est un coup de bol. Une prévision au fond c’est presque par définition un mensonge.

C’est pour cela qu’on mesure les écarts au budget, le réalisé comparé au prévu. Et si on n’est pas trop con, on engage des actions correctrices quand on n’est pas au rendez-vous.

Mais c’est là, où une précision s’impose, selon nous. Cela peut être de petits écarts par rapport à ce qui était envisagé et dans ce cas, pas de panique, ce n’est pas la peine de renverser la table.

Il faut en effet engager des actions correctrices pour corriger le tir mais sans remettre en cause nécessairement les fondements de la feuille de route.

Mais, en revanche, si les résultats obtenus sont bien loin de ce qu’on espérait, ou si un évènement majeur comme une crise du type 2008 ou Covid, vient redistribuer les cartes, on ne peut pas se contenter de petites actions correctrices.

Il faut alors reprendre la démarche, en commençant par la prospective car la stratégie mérite peut-être d’être revue voire, parfois, le business model lui-même.

En résumé, de la prospective aux plans d’action en passant par la stratégie, l’entreprise mène des exercices reliés entre eux dans un cycle cohérent de l’intention à l’action, en s’ajustant au gré des soubresauts du réel. La cohérence, la fluidité et la fréquence de ce cycle est un facteur de succès.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.