Deux petites règles de communication

Dans cet épisode, nous allons évoquer deux petites règles simples à adopter en matière de communication pour éviter de grandes désillusions.

Communiquer, convaincre, persuader, … comment te dire ? Moi je suis le sachant. Le prof, l’expert, le chef, … alors autant te dire que tu vas m’écouter sagement de bout en bout, bien attentivement, en prenant des notes. Ainsi, tu seras instruite et tu me remercieras.

Oui chef. Tu as raison chef. Mais ton argument d’autorité, tu sais où je me le mets ? D’abord, pendant que tu péroreras comme un coq sur son tas de fumier, bah moi je serai sur mon smartphone et je ne t’écouterai que d’une oreille… très distante.

« Je vous demande de vous arrêter » comme avait tenté le Premier Ministre Edouard Balladur pour faire taire les sifflets quand il annonçait les résultats du premier tour de la présidentielle en 1995…

Et oui chef, je n’étais pas née, mais comme quoi l’autorité ça ne marche pas toujours. Communiquer est un art bien difficile, semé d’embûches. Mais on va tenter d’en éviter quelques-unes. Alors, deux petites règles de communication, c’est quoi l’histoire ?

Tu m’emmerdes, tu m’emmerdes, tu m’emmerdes, tu m’emmerdes, qu’est-ce que tu m’emmerdes, je t’aime bien quand même, mais qu’est-ce que tu m’emmerdes.

Oh il m’a dit qui m’aimait bien…

Bah voilà. Tout est dit et vous avez compris.

Ce que le destinataire retient de ce que vous dites n’est pas exactement ce que vous aviez dit.

C’est là l’une des premières évidences : l’information se perd en cours de route au fur et à mesure qu’elle s’y promène. Il y a au moins trois sources de déperdition.

Ce qui est lié à moi, l’émetteur : ce que je dis n’est pas la traduction conforme et audible de ce que je veux dire. Je m’exprime mal, je confonds ma vessie avec des lentilles parce que maîtrise mal ma langue, je formalise mal ma pensée parce qu’elle n’est pas claire etc.

Euh on dit « prendre des vessies pour des lanternes » chef… Bref, on avait compris quand même, l’émetteur est lui-même source de déperdition d’information et d’altération du message.

La deuxième raison vient du système qui achemine cette information déjà biaisée à tes destinataires. Je te donne un exemple. Tu es à la messe, le sermon du curé que tu entends par vague au fond de l’église parce que c’est un vieux système audio pourri et que le curé balade son micro devant son nez comme les enfants de chœur agite un encensoir…

Bon moi à la messe… Comment te dire ? … C’est un peu le mariage de la carte et du machin. Mais je vois l’image. Enfin j’entends ton propos, le système de communication est aussi une cause.

Euh… C’est la carpe et le lapin qui se marient chef… Mais tu as raison, l’eau impropre de ta communication se perd aussi dans les tuyaux qui l’acheminent à ton robinet.

La troisième raison vient du récepteur. Il a ses propres filtres. Il n’entend pas tout.

Comment ? Qu’est-ce que tu dis ? … Le récepteur a en effet ses filtres. Cela peut-être des filtres acoustiques s’il entend mal en effet, mais au sens plus large, il a ses biais de compréhension, il parle mal la langue que tu emploies, etc. Il y a plein de raisons.

Ah tu veux dire que l’expert ferait bien de ne pas utiliser un langage d’expert s’il veut être compris de profanes ? Pas con en effet.

Il y a donc en substance 3 raisons pour lesquelles le récepteur ne reçoît pas tout ce que l’émetteur veut dire. 1. Les pertes d’information dues à l’émetteur, 2. Les pertes d’information dues au système de communication et 3. Les pertes d’information dues au récepteur.

Donc constat numéro 1 : ton destinataire ne retiendra qu’une petite partie des messages que tu voulais lui transmettre.

Tiens, quand tu fais une conférence par exemple. C’est dingue comme parfois ce que les gens ont retenu c’est une formule choc qui n’a rien à voir avec le fond important du message que tu voulais transmettre. Donc tu t’es planté.

Surtout qu’en plus, ces bougres ils ne font pas que recevoir un bout de ton message. D’abord il l’interprète à leur sauce. Tu leur as dit que le soleil était beau, chaud, lumineux et jaune.

Ils n’ont entendu que : le soleil est jaune. C’était le 1er constat. Mais en t’écoutant ils regardaient le ciel, et se sont fait la remarque qu’il était bien bleu aujourd’hui.

En sortant certaines ont retenu de ton intervention une question existentielle : est-ce que l’herbe est verte parce que le soleil est jaune et que le ciel est bleu ? …

Un autre exemple. Tu as dit que le soleil était jaune et chaud. Et ils ressortent et mettent des lunettes de soleil en se disant qu’on leur a dit que le soleil était jaune et aveuglant.

Dit autrement, et c’est le constat numéro 2 : le récepteur ajoute des informations à celles que tu lui transmets.

Par conséquent, entre la partie du message initial qui n’est pas arrivée au destinataire et les ingrédients qu’il ajoute lui-même à ta sauce, autant te dire que le plat final n’aura pas le même goût que celui que tu imaginais en cuisine.

Compte-tenu de ces deux constats, il faut donc se donner deux règles simples.

Ce n’est pas la peine de tout dire puisque tout ne sera pas reçu. Élague donc ton propos et évite d’empiler les messages.
Essaye de tenir compte de ton interlocuteur et de sa manière de penser puisque tu sais qu’il va, de fait, ajouter ses propres informations à tes messages.

Et dans l’idéal, si la situation le permet, demande-lui ce qu’il a retenu et compris de ce que tu as dit pour amender ou compléter si besoin.

En résumé, quand on veut communiquer, 2 règles, nécessaires mais pas suffisantes, s’imposent : 1. Simplifier les messages car le récepteur n’en recevra qu’une partie et 2. tenir compte de ses représentations car il ajoutera inévitablement ses informations à tes messages.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.