Revalorisation des bas salaires et politique salariale

Dans cet épisode nous allons parler de la revalorisation des bas salaires et de ses conséquences sur les politiques salariales.

Dans cet épisode nous allons parler de la revalorisation des bas salaires et de ses conséquences sur les politiques salariales.

Le coût de la vie augmente donc il faut revaloriser les salaires. C’est normal non ? Ou alors on laisse les gens se paupériser… et dans ce cas, ce n’est plus dans la gamelle qu’ils vont taper !

Mû par une intention louable, on donne donc la priorité à celles et ceux qui subissent le plus cette augmentation du coût de la vie, celles et ceux qui sont marginalement les plus affectés car ils n’ont que très peu de marges de manœuvre, c’est-à-dire les bas salaires.

L’intention est louable, et certainement légitime, mais elle n’est pas sans conséquence sur un périmètre plus étendu. Alors revalorisation des bas salaires et politique salariale, c’est quoi l’histoire ?

En période de forte inflation, à laquelle les esprits ne sont pas préparés, les mesures en faveur des bas salaires constituent une réponse des autorités qui s’impose aux entreprises. C’est par exemple le cas en France par l’intermédiaire des augmentations du SMIC.

Ces augmentations imposées ont d’ailleurs un impact significatif sur l’évolution du salaire moyen comme le montre une étude de la Banque de France, portant sur une longue période:  « du fait des coups de pouce dont il a bénéficié, le SMIC a connu une croissance plus élevée que le salaire moyen sur chacune des décennies de la période 1970-2009. Les estimations réalisées montrent par ailleurs que l’impact sur le salaire moyen des revalorisations du SMIC est fort »[1]

Le salaire moyen étant ici regardé au travers de 2 indicateurs : le salaire horaire de base des ouvriers et le salaire mensuel par tête. S’ajoutent en effet à ces obligations sur le salaire minimum, tout ce qui résulte des négociations de branche et d’entreprises.

Ces dernières sont en effet, en de telles périodes, soumises à une pression à laquelle il est difficile de se soustraire au risque de s’exposer à des conflits sociaux d’autant plus pénalisant que la pénurie de main d’œuvre constitue une contrainte supplémentaire, y compris sur des métiers dont les salaires sont bas.

Ainsi, pour prendre l’exemple de l’année 2022, ces augmentations « négociées » varient selon la Banque de France « en moyenne entre 2,5% et 3,5% selon les secteurs contre 1% depuis 2014 »[2].

Aucun secteur, aucune n’entreprise n’échappe à la règle, et les montants accordés peuvent prendre des proportions auxquelles les entreprises n’étaient plus habituées depuis longtemps, notamment lorsque des rattrapages structurels de plusieurs années viennent s’ajouter à la pression conjoncturelle de l’inflation.

Il n’est pas question de discuter ici de la légitimité ou non de telles mesures en faveur des bas salaires mais simplement de constater l’une de leur conséquence, qui n’est pas si facile à gérer pour la fonction RH.

En effet, en augmentant marginalement plus les bas salaires que les autres, cela conduit inévitablement à un tassement de l’échelle des salaires de l’entreprise.

Nous ne parlons pas ici des écarts entre la rémunération de dirigeants et le salaire moyen des ouvriers, dont on sait les indécences qu’ils peuvent parfois présenter. En revanche, la structure des salaires entre le bas des classifications et le haut est modifiée de fait, parfois de façon significative.

Logiquement, deux possibilités s’offrent alors à l’entreprise. La première consiste à ne pas accepter ce tassement et par conséquent à répercuter des hausses comparables sur les autres populations. Ce qui est socialement difficilement acceptable en l’état.

La seconde c’est d’accepter ce tassement au motif qu’il répond à un souci d’équité et d’ordre social.

Cette seconde hypothèse a un effet induit qui n’est pas anodin : cela peut remettre profondément en cause la structure rémunération / classification des emplois de l’entreprise. Or, toujours dans cette hypothèse, c’est le plus généralement ouvrir une boîte de Pandore dont les conséquences sont toujours difficiles à maîtriser, surtout dans les secteurs d’activité où les marges de manœuvre sont faibles.

Derrière cette question, il y a bien sûr celle de l’alourdissement des charges récurrentes qui pèsent sur les comptes des entreprises dans une période durant laquelle l’ensemble des contraintes qui pèsent sur leur activité ne cesse de croître.

Mais le fait de favoriser significativement les bas salaires pour qu’ils soient moins impactés par l’inflation sonne aussi comme un dilemme pour la fonction RH.

  • Soit elle accepte le tassement de l’échelle des salaires qui en résulte. Cela oblige alors à une révision de l’équilibre contribution / rétribution et des méthodes de gestion qui le régule, avec ce que cela suppose de charge de travail sur des chantiers loin d’être prioritaires au regard des enjeux opérationnels de la fonction.
  • Soit on fait le choix de ne pas privilégier les bas salaires pour ne pas mettre à mal des équilibres établis depuis longtemps, fruits de longues et épineuses négociations, mais on crée alors le terreau de ruptures sociales qui seront d’autant plus difficiles à résorber que d’autres facteurs y contribuent activement.

Les praticiens RH les plus créatifs trouveront certainement une troisième voie mais, quelle qu’elle soit, elle exigera une très grande pédagogie auprès des populations concernées.

En résumé, privilégier les bas salaires dans les augmentations pour compenser celle du coût de la vie car ils sont plus impactés que les autres conduit inévitablement à un tassement des échelles de salaires. Ce tassement peut constituer un véritable dilemme lorsqu’il exige une révision en profondeur de l’équilibre contribution / rétribution et les classifications d’emplois qui le régissent.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.

[1] https://publications.banque-france.fr/publications-economiques-et-financieres-documents-de-travail/les-effets-des-hausses-du-smic-sur-le-salaire-moyen

Documents de travail n°366 :

Les effets des hausses du SMIC sur le salaire moyen

Par Cette Gilbert

[2] https://www.latribune.fr/economie/france/augmenter-les-salaires-en-periode-d-inflation-une-equation-insoluble-923247.html