La formulation positive en entreprise, en mode pile ou face

Dans cet épisode nous allons nous demander si c’est une bonne idée d’employer des formules positives pour dire les choses en entreprise … ou pas

Dans cet épisode nous allons nous demander si c’est une bonne idée d’employer des formules positives pour dire les choses en entreprise … ou pas

Bon, ce n’est pas l’histoire du verre à moitié plein ou à moitié vide. En l’occurrence ce dont on veut parler ici c’est de cette technique, recommandée par certains, qui consiste à privilégier l’emploi d’une formulation positive pour dire ce que l’on veut dire.

En gros c’est me dire que « tu prendrais beaucoup de plaisir à écouter la beauté du silence » plutôt que « tais-toi tu parles trop » … ou que je te dise « peux-tu me laisser finir ma phrase s’il te plaît ? » plutôt que « bon t’arrêtes de me couper la parole sans cesse »…

Et c’est bien de dire les choses avec délicatesse, en veillant à ce que les propos ne brusquent pas l’autre ou développe en lui quelque chose de bien… ou pas… Alors, la formulation positive en entreprise, en mode pile ou face, c’est quoi l’histoire ?

La formulation positive ça fait penser à la pensée positive et à la psychologie positive. Or, ce n’est pas la même chose. La « pensée positive », c’est un mouvement des années 50 qui affirme qu’en se répétant des pensées positives, façon méthode Coué, cela transforme ton bien-être.

Et la psychologie positive en revanche c’est une discipline reconnue de la psychologie qui repose sur des études scientifiques. Mais notre objet n’est pas ici ce débat même s’il peut éclairer notre sujet.

Oui parce qu’au fond l’idée que ce que l’on pointe du doigt chez l’autre c’est justement ce qui va se développer en lui c’est un principe assez partagé. Pour caricaturer, si je te répète à longueur de journée que tu es un abruti chef, cela va finir par influencer l’image que tu as de toi.

C’est ce que dit Lacan quand il affirme que “ce que je cherche dans la parole, c’est la réponse de l’autre”. Alors si tu pointes en permanence un doigt culpabilisateur sur l’autre cela finira bien par l’affecter profondément.

Et c’est dans cette perspective que certains recommandent d’utiliser des formulations positives. La pédagogie Montessori, par exemple, la recommande comme posture de l’éducateur.

On comprend bien le principe et on en voit les bénéfices. Cela inspire donc aussi le monde de l’entreprise qu’il s’agisse de s’adresser à des clients ou aux collaborateurs. Tiens, sincèrement je déteste recevoir une « convocation » à une formation !

C’est vrai pourquoi ne pourrait-t-on pas t’envoyer une invitation si elle n’est pas obligatoire ?

Le langage administratif a en effet souvent ce défaut … celui de s’adresser à toi de façon comminatoire ce qui est détestable. Et c’est pareil avec tes clients.

Je me souviens de mon fournisseur d’eau qui m’envoie un courrier du genre « vous devez êtes chez vous tel jour à telle heure » ! Et ça te dérange de venir chez moi quand ça t’arrange toi ? Tu ne pouvais pas au moins avoir la politesse de me dire : « nous serions très heureux si vous pouviez vous libérer à tel moment et dans le cas contraire veuillez nous contacter » …

… par une plateforme téléphonique a 10000kms de là où on t’imposera un autre créneau obligatoire ! Non je rigole… Bien sûr qu’il vaut mieux dans ces situations adopter une formulation positive. C’est poli, plus agréable et fait mieux passer les choses.

Je préfère amplement qu’on me dise « en saisissant vos notes de frais sur notre plateforme nous pourrons vous rembourser au plus vite » plutôt que « le remboursement de vos frais est soumis à validation de votre manager après que vous ayez dûment saisi » …

Alors oui communiquons en entreprise en privilégiant des formulations positives. C’est bien.

Oui c’est bien. Sauf qu’enfin merde de temps en temps il faut aussi appeler un chat un chat. Tiens prends des gens qui attendent tout, tout cuit, en te regardant avec des yeux de merlans frits et qui ne font pas le moindre effort… à un moment il faudra bien qu’ils prennent conscience non qu’à force de ne faire aucun effort ils iront dans le mur…

C’est sûr qu’à force de brosser les gens dans le sens du poil en leur disant qu’ils sont super géniaux « absolutely awesome » quand ce sont juste des fainéants professionnels, ce n’est pas forcément bien pour eux ! Ca risque même de leur faire très mal quand ils se « cogneront sur le réel » pour reprendre les mots de Lacan

Cette manie en entreprise de dire que tout est « oh my god it’s so great » surtout quand c’est objectivement de la daube. C’est bien l’école des fans mais ça n’aide pas à progresser, quand on est adulte en entreprise.

Alors que ce que l’on doit viser c’est d’aider à grandir, en sachant souligner ce qui est bien mais en n’occultant pas ce qui doit s’améliorer. Et cela n’empêche pas de le dire avec les bons mots.

Être bienveillant et rester juste ! La formulation positive ne doit pas anéantir l’esprit critique mais y aider en rendant réceptif !

Pire encore c’est quand cette manie de tout positiver conduit à pervertir la réalité de façon grossière. Genre on te pipeaute et on t’enrobe ça de formulations positives…

Je m’en suis fait la réflexion dans une chambre d’hôtel. Impossible d’ouvrir la fenêtre et un panneau « pour votre confort cette fenêtre ne s’ouvre pas » mais où tu as vu que c’était mon confort ? Tu te fous de moi ou quoi ? En vrai, c’est que tu ne veux pas prendre de risque et que tu préfères le sacrifier mon confort. Tu m’aurais dit « pour la sécurité de certains clients », à la limite…

Là en vrai on se fout ouvertement de ta gueule. Et la formulation positive en l’occurrence ça devient une insulte car on te prend pour un con. Genre la double peine : tu m’annonces un truc qui me déplaît et en plus tu me prends pour un imbécile ! Bingo le combo !

En résumé, la formulation positive en entreprise pour favoriser la qualité des relations et nourrir une représentation positive des choses c’est bien mais cela ne doit pas masquer la réalité, au risque d’empêcher tout progrès voire d’obtenir le résultat inverse en exaspérant ses interlocuteurs. En mode pile ou face.

J’ai bon cheffe ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire