J’ai bon chef(fe) ?
Dans cet épisode nous allons nous demander comment contrecarrer un argument d’autorité.
Alors, soyons clairs. Lorsque je parle, tu écoutes. Je sais donc tu suis. Je suis – chef, professeur, patron, docteur, que sais-je… donc je sais. En résumé : je suis donc je sais, je sais donc tu suis. Tu me suis ?
L’argument de l’autorité. Le fameux chef à plumes, qui espère convaincre par la taille et le nombre de ses plumes. « La compétence sans autorité est aussi impuissante que l’autorité sans compétence » disait Gustave le Bon.
Ah le bon Gustave… et que dire de l’autorité sans la compétence ? Le dernier argument, quand tu n’en as plus, certes, c’est l’autorité. Après tout, dans ton contrat de travail il y a un lien de subordination. Donc à la fin le chef décide. Que ça te plaise ou non.
Mais le premier argument, je doute que ce soit celui de l’autorité si tu veux me convaincre. Pourtant, combien en usent et en abusent, trop flemmards pour argumenter vraiment ? Mais comment réfuter cet argument de l’autorité ? J’ai bon chef(fe), c’est quoi l’histoire ?
Che(fe), j’ai l’impression qu’on se mélange les crayons là : « J’ai bon chef », c’est à la fin de l’histoire.
Sauf quand le titre du podcast c’est précisément « j’ai bon chef ? »… Parce qu’au lieu de m’asséner ta vérité parce que tu es chef, je te demande de m’en raconter l’histoire, juste histoire d’argumenter… Chef.
L’argument d’autorité c’est vieux comme le monde. Et ce n’est pas le monopole du chef. En fait, il s’agit de convoquer celle ou celui qui, par son statut, que ce soit celui du sachant ou celui de la vedette du coin, en impose aux autres.
Et comme il ou elle en impose, on prend ses dires pour argent comptant. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Albert Einstein. Là ça fait mouche. Le gars il n’était pas trop bête, il me semble, et en plus scientifique. Donc difficilement réfutable.
Toute la force de l’argument de ce type vient à la fois de la qualité de la personne, l’entreprise ou l’institution qu’on convoque, aux yeux de celles et ceux à qui on s’adresse.
Ce n’est donc pas seulement l’expert ou le sachant reconnu mais celui ou celle qui est reconnu par le public concerné. Quelle qu’en soit la raison d’ailleurs. Les influenceurs par exemple.
Ou la star à laquelle tu t’identifies. C’est l’avis de Machin Chose, grand joueur de tennis quand tu t’adresses à des passionnés de tennis. Même si Machin Chose parle d’autre chose que de tennis.
La question est donc simple, ce qui fait autorité à mes yeux n’est pas forcément autorité en soi. Voilà tout le débat. Convoquer Einstein pour parler de science cela ne fait aucun débat, invoquer un footballeur célèbre pour parler de football non plus.
L’inverse, moins… Donc cela signifie que si l’autorité qu’on utilise a peu de crédit auprès de celles et ceux auxquels tu t’adresses, même si cette autorité est éminemment reconnue par d’autres, cela ne marche pas.
C’est notamment là tout le problème du statut hiérarchique ou du grade, qui ne te donne pas, de fait, une quelconque autorité…
« Pour avoir quelque autorité sur les hommes, il faut être distingué d’eux. Voilà pourquoi les magistrats et les prêtres ont des bonnets carrés. » écrivait Voltaire. Les plumes, encore les plumes, les perruques et les jabots.
S’il fallait être compétent pour être chef, ça se saurait non ? Je blague. Heureusement, il y en a qui sont aussi compétents. Hein chef ?
Pourtant, on le disait, le recours au statut comme argument, en entreprise c’est malheureusement fréquent. On impose souvent au lieu d’embarquer. La pub, fait cela très bien aussi, quand on prend une vedette pour porter une marque ou un produit.
Alors ne restons pas bras ballants, l’autorité, cela se conteste. A commencer par désacraliser l’autorité en question. Tu vois, du genre : j’ai bon chef ? Oui tu as bon, mais on ne va pas en faire toute une histoire.
Histoire que le coq descende de son piédestal. A hauteur du sol. Là où nous sommes, nous. Là, il ou elle redevient plus accessible, à portée de tirs, ceux d’une joute où l’on va inviter le raisonnement comme argumentation.
Quand par exemple, le professeur ou le médecin qui se présente à toi, en affirmant son statut : « bonjour Professeur machin » « Docteur bidule »… Réponds simplement « salut moi c’est Mahé ».
Baisse d’un ton Johnny ! On réfute d’abord en contestant l’autorité même, en lui donnant une importance moindre.
Tout dépend de ce qui confère cette fameuse autorité. Tiens, prends l’exemple de l’autorité intellectuelle qu’on invite, pour parler d’un sujet que ladite autorité ne pratique pas. Quand bien même puisse-t-elle avoir un avis intéressant sur le sujet, attaque là où ça fait mal.
L’autorité intellectuelle ne fait pas autorité sur tous les domaines en effet. Il ne suffit pas de savoir penser avec intelligence pour savoir ce qui se passe sur le terrain. On avance le contre-argument, c’est hors sol.
Le consultant qui se croît au-dessus des autres, par exemple… À force de se croire au-dessus des autres, il s’éloigne de la réalité du terrain.
Au fond, si j’ose dire, la seule véritable réponse est simple. Elle repose sur la nécessité du raisonnement. La nécessité de revenir au fond. Oui, chef, tu as raison ! Raconte-moi donc l’histoire, puisque tu as raison.
Comme disait Warren Buffet, même si cela n’avait rien à voir avec notre sujet, c’est quand la marée est basse qu’on voit ceux qui nagent à poil ! Ou pas.
En résumé, face à l’argument d’autorité, on peut toujours tenter de la décrédibiliser mais c’est attaquer le sujet. La seule véritable réfutation consiste à demander une explication de fond, qu’elle saura développer ou pas…
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.