C’est quoi l’esprit critique ?

Dans cet épisode, nous allons nous intéresser à ce qu’est l’esprit critique.

Dans cet épisode, nous allons nous intéresser à ce qu’est l’esprit critique.

L’expression « soft skills » résonnent à nos oreilles maintenant depuis quelques années, comme si on retrouvait les vertus oubliées des compétences comportementales ou des démodés savoir-être. Au premier rang d’entre elles, on nous cite souvent l’esprit critique.

C’est vrai qu’à observer certains univers professionnels, je me demande si ce que nous appelions en effet l’esprit critique, au sens noble et philosophique du terme il y a 20 ans, ce n’est pas être un dangereux révolutionnaire ou rebelle, en essayant de faire preuve simplement … d’hygiène de raisonnement !

Et pourtant c’est désormais une compétence prisée ! En 2020, par exemple le World Economic Forum [1] plaçait l’esprit critique, ou « critical thinking and analysis », dans les 10 compétences à développer pour 2025.

Il faut avouer que pour certain·es, 5 ans pour arriver à faire preuve d’esprit critique, ça risque d’être bien court … Louis Pasteur disait « ayez le culte de l’esprit critique ». Bon je ne sais pas, à titre personnel, si le culte et l’esprit critique ça va bien ensemble mais néanmoins il a bien raison. Mais, en vérité, c’est quoi ce fameux esprit critique ? C’est quoi l’histoire ?

Commençons par la base, la critique vient du grec Kritike qui désigne « l’art de critiquer ».

En revanche, il n’est pas question ici de porter un regard malveillant sur le travail d’autrui, son œuvre ou sa réalisation. L’esprit critique se distingue bien de l’esprit de critique.

L’esprit de critique c’est celui du critique dont Sacha Guitry disait qu’elle « se nourrit de petits fours », cette posture qui use de moqueries, plus ou moins fondées, pour dérouter un adversaire dans une joute verbale ou à celle d’une personne que rien ne satisfait et qui se complait dans la plainte perpétuelle et non fondée.

Oui exactement, alors que dans l’expression « esprit critique » dont nous parlons ici, la critique désigne la capacité de raisonner, de discerner, de questionner. En fait, il s’agit de la recherche de la vérité.

En d’autres termes, faire preuve d’esprit critique consiste à ne pas prendre pour argent comptant une information telle qu’elle nous est donnée sans s’interroger sur sa véracité. Il s’agit plutôt de la confronter au réel, en la croisant avec d’autres éléments, de l’exposer au crible de la logique.

C’est en effet ce qu’on pourrait finalement appeler faire passer un « examen logique ».

Oui mais attention, faire preuve de logique, si c’est nécessaire, ce n’est pas suffisant.

Tu as raison. D’ailleurs DeVito et Tremblay en 1993 expliquaient que le « penseur critique » possède en effet une vingtaine d’habiletés qui relèvent de la logique dont la capacité à cerner un problème, à ordonner ses pensées, à tirer des conclusions… mais surtout, qu’il ou elle doit également « adopter l’attitude appropriée ».

Être capable de logique ET être disposé·e à le faire.

L’esprit critique serait donc un sifflet continue qui nous invite à user de nos habiletés de réflexion, une sorte d’éveil permanent, un appel à la recherche du vrai.

Cependant, l’esprit critique, considéré comme un examen logique continue, se confronte à deux limites : l’incomplétude du savoir et la nécessité d’agir.

Socrate nous l’a dit il y a bien longtemps « tout ce que je sais c’est que je ne sais rien »

Chercher à établir des liens entre les choses et les concepts, être en quête perpétuelle de compréhension du monde n’exclue pas, néanmoins, d’avoir conscience, dès le départ, de cette impossibilité. Il s’agit en fait d’une mise en mouvement permanente.

Et le mouvement nous amène à la deuxième limite de l’esprit critique, le besoin d’agir. La critique et la remise en question pourrait être infinie. Mais bon, à un moment il faut bien passer à l’acte, décider ! Se pose donc la question de savoir quand … arrêter de s’en poser sans pour autant s’arrêter vraiment de se questionner !

Oui, le questionnement doit rester moteur, il doit nous pousser à avancer, à nous mettre en mouvement. Il ne doit, en aucun cas, devenir le sable mouvant dans lequel nous nous enlisons. Travailler, créer, construire, mais aussi simplement vivre, nécessite de prendre des décisions, d’agir, de faire. Alors, esprit critique et actions ne peuvent s’opposer.

Si l’esprit critique est nécessairement un questionnement perpétuel, il faut avoir également conscience de ces deux limites pour ne pas s’enfermer dans une quête du Graal qui nous paralyserait. La pensée critique se distingue en cela de l’hyper-criticisme qui rejette à tout prix l’affirmation, un peu comme un dogme.

Il s’agit finalement, selon les mots de notre ami Patrick Bouvard : « d’attribuer à chaque chose le degré de « certitude » qui lui convient ; ni plus, sinon cela devient de la croyance ; ni moins, sinon cela devient de la bêtise. »

En résumé, être doté·e d’esprit critique désigne les personnes qui sont en capacité de faire preuve de logique pour démêler le vrai du faux mais qui sont également disposées à le faire, de façon continue et régulière. Tout en ayant cependant conscience de deux limites : l’impossibilité de tout savoir et la nécessité, à un moment, de décider et d’agir.

J’ai bon cheffe ?

Oui tu as bon, mais on ne va pas en faire toute une histoire.

Références :

Boisvert, J. (2000), La formation de la pensée critique : théorie et pratique, Bruxelles, De Boeck Université.

[1] https://www.weforum.org/agenda/2020/10/top-10-work-skills-of-tomorrow-how-long-it-takes-to-learn-them/