Manager ou leader ?
Dans cet épisode nous allons expliquer ce qui se trame derrière le débat que certains entretiennent entre manager et leader.
Dans cet épisode nous allons expliquer ce qui se trame derrière le débat que certains entretiennent entre manager et leader.
Combien de fois avons-nous entendu ces dernières années que nous n’aurions plus besoin de managers de proximité et qu’il fallait remplacer les managers par des leaders !
Oui et combien de fois avons-nous entendu aussi que les dérives de ces mêmes managers étaient l’une des principales causes de la démotivation des uns et du mal-être des autres ! Dans cette grande tradition qui consiste à tuer le messager quand le message ne nous convient pas !
Alors on en a besoin ou pas des managers ? Faut-il les transformer en managers 5.0 happy et agiles grâce au design thinking et augmentés grâce à la réalité virtuelle et à l’intelligence artificielle ? Ou faut-il les remplacer par des leaders ? C’est quoi la différence entre manager et leader ? Avons-nous oublié l’histoire ? C’est quoi l’histoire ?
Pour comprendre cette injonction à se passer de managers au profit de la figure charismatique de leader, il faut revenir à ce que l’on reproche aux managers. Ce qui est visé ici est une dérive du management, qui n’a pas pris les mêmes proportions d’ailleurs dans toutes les formes d’entreprises.
Oui c’est en quelque sorte une condamnation d’un management presqu’exclusivement centré sur le « command and control », avec ce que l’on sait d’excès de reporting en tout genre, de suivi et de contrôle pointilleux et un sous-jacent destructeur, au moins sur la motivation des personnes, de réduction de l’autonomie individuelle.
Oui au fond c’est le manager garde-chiourme, contrôleur des poids et des mesures qu’on vise ici, une sorte de pousse-crayon ou de rond-de-cuir servile tâtillon. Les petits chefs qu’évoquaient Maurice Thévenet n’étaient pas forcément comme ça avant en vérité, ils sont peut-être simplement devenus ce qu’on leur a demandé d’être !
Autrement dit, le système de contraintes auquel les managers sont confrontés les a aussi conduit à ces dérives. Ils n’en sont pas la cause unique, loin s’en faut, et c’est précisément pour cela que ce phénomène de bureaucratisation du management n’est pas le même dans tous les types d’entreprises
Absolument. Cette dérive est frappante dans les entreprises qui ont poussé le modèle taylorien, mécaniste, ultra-processé, siloté, à son paroxysme. C’est le cas des entreprises privées ou publiques où il y a un réel déséquilibre entre les intérêts des parties prenantes, en l’occurrence ici celui du « propriétaire ».
D’ailleurs ces dérives du manager petit chef, les sociologues les ont pointées du doigt depuis bien longtemps, que ce soit Nicolas Bouzou et Julia de Funès récemment ou François Dupuis il y a plus de dix ans.
Oui absolument et plutôt que de pointer les managers du doigt on ferait mieux d’essayer de comprendre les causes profondes de cette évolution, mais c’est un autre sujet, qui renvoie à celui de la financiarisation des entreprises. Mais comme toujours quand on observe les effets négatifs d’une évolution on appelle à la ré-volution. Quand on a envoyé le balancier dans un sens, trop loin, on le renvoie dans l’autre sens, trop loin aussi. Bref on jette le bébé avec l’eau du bain.
Et on ne veut plus de managers on veut des leaders qui éclairent, inspirent, donnent un cap, du sens et de l’envie de s’y engager ! Bref on ne veut plus des managers mais des leaders inspirants. En oubliant peut-être que c’est précisément là l’une des missions du manager !
Absolument, la dérive managériale qu’on évoquait a finalement conduit à ce que cette dimension de leadership, qui a toujours fait partie du management, soit occultée. En d’autres termes, ce qui est critiquable ce n’est pas le rôle de manager en tant que tel mais une certaine manière de l’exercer, dont on aurait gommé l’une des facettes essentielles, à savoir celle du leadership.
Oui, un manager ce n’est pas une gare de triage et un contrôleur de processus ! Ce n’est pas une boite aux lettres qui distribue les consignes et vérifie qu’elles sont appliquées à la lettre ! Sauf précisément quand on a réduit son autonomie à zéro et c’est bien là le problème.
Oui le rôle manager, y compris de proximité, a finalement 2 grandes dimensions : une dimension de gestion et une dimension de leadership. Et même la première, la dimension de gestion, ne se réduit pas à ce que tu as décrit, à savoir la gare de triage. Et surtout, la seconde, celle de leadership, est fondamentale, et on l’a étouffée dans certaines entreprises.
La première dimension, de gestion, d’une équipe, suppose aussi une autonomie du manager dans sa capacité à organiser le travail au mieux pour atteindre les objectifs collectifs en tenant compte de ce que la réalité des situations exige, et ça veut donc dire organiser le travail, c’est-à-dire déléguer des zones d’autonomie et créer les conditions pour que les résultats attendus soient au rendez-vous, et cela renvoie au développement des compétences, au feed-back, à la reconnaissance etc. mais ce sont d’autres sujets.
La seconde dimension, celle de leadership, consiste finalement d’une part à donner le sens de cette organisation du travail, le sens du projet collectif, ou autrement dit faire la pédagogie permanente du lien entre ce que nous visons collectivement, la contribution de l’équipe et celle de chacun ! et d’autre part c’est incarner et faire vivre les valeurs et l’ambition collective comme bien commun. En d’autres termes, une forme d’exemplarité. Je crois qu’on ne le répètera jamais assez « être au-dessus des autres est une obligation de plus pour les servir, pas pour les asservir »
En résumé, opposer le manager au leader est une représentation qui ignore ce que devrait être un manager et qu’il a été avant qu’on observe une dérive vers un excès de contrôle dans certaines entreprises. Etre manager comporte bien deux dimensions, une dimension de gestion qui suppose d’organiser le travail au mieux en fonction des objectifs collectifs et des contraintes du terrain et une dimension de leadership qui suppose d’incarner et faire vivre le projet et les valeurs.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon cheffe mais on ne va pas en faire toute une histoire.