IA et RH, la question clé de l’organisation

Dans cet épisode nous allons parler du rôle de la fonction RH face à l’IA sous l’angle de l’organisation du travail.

Comme toujours lorsqu’on voit un eldorado apparaître, les chercheurs d’or cavalent aussi vite que le vent, et, l’histoire le montre, la plupart reviennent bredouilles.

Le vent médiatique de l’IA, depuis la prise de conscience du grand public avec l’IA générative, pose aussi des défis pour la fonction RH, qui n’échappe pas aux grands engouements de l’histoire.

Et puis, ce serait has been… Donc il faut s’y cogner. Or, en la matière, au-delà des gesticulations médiatiques, l’une des clés c’est évidemment celle de ses conséquences sur le travail des gens.

Qui dit travail dit en effet organisation du travail. C’est cet angle que nous allons explorer. Alors, IA et RH, la question clé de l’organisation, c’est quoi l’histoire ?

Deux thèmes constituent des leitmotivs des vagues technologiques. Le premier, ce sont les inévitables gains de productivité qu’on peut en attendre, le second, qui est en quelque sorte son corollaire, celui des conséquences sur l’emploi.

Gageons donc que la fonction RH soit au moins concernée par le second. Précisons d’abord un point, celui des confusions souvent un peu hâtives qu’on fait sur le sujet, notamment quand on réduit la productivité d’une entreprise à celle de la productivité individuelle.

On fait aisément l’expérience de la productivité individuelle avec l’iA générative, celle qui a pointé son nez auprès du grand public, mais la productivité d’une entreprise est une résultante bien plus complexe évidemment.

Par ailleurs, combien d’entre nous réduisent-ils le sujet à sa seule dimension des robots conversationnels alors que le cœur du sujet c’est une combinaison bien plus vaste d’IA, de robotisation et d’automatisation ?

Le sujet de l’entreprise et de l’IA ne se limite pas à chatGPT, en effet ! Dernière mise au point rapide, la question de l’emploi. Quand on la prend de façon si générale, la probabilité la plus élevée c’est que l’IA ne détruira pas tous les emplois.

En revanche, elle mettra peut-être sur le bas-côté ceux qui ne la maîtrisent pas bien dans leur métier, mais c’est une autre histoire.

Pour ce qui concerne la fonction RH, les enjeux relèvent peut-être de deux plans. Le premier c’est celui de l’utilisation de l’IA au quotidien qui exige acculturation, développement de l’esprit critique, éducation etc.

Le second, qui nous intéresse ici, c’est la manière dont l’IA peut affecter le travail, donc son organisation mais aussi les compétences pour l’exercer, qu’elles soient hard ou soft pour prendre une terminologie contemporaine.

Or, comprendre les faits majeurs qui affectent l’activité et le travail qu’elle suppose, c’est le cœur de métier de la fonction RH. C’est notamment ce qui donne corps et matière à toute démarche de type GEPP ou GPEC, appelez-ça comme vous voulez.

On est là dans une démarche classique de prospective des métiers. Dit autrement formuler des scenarii sur la manière dont les métiers évolueront en fonction de l’idée que l’on se fait de la manière dont le futur peut advenir.

Les fondamentaux de la démarche prospective s’appliquent bien ici c’est une évidence. Or, ce qui fait le lien entre l’activité, la manière dont elle est conduite, d’une part, et les métiers et les compétences qu’ils exigent, d’autre part, c’est bien l’organisation.

L’exercice à conduire sur le sujet de l’IA est donc bien celui-ci. S’interroger sur la manière dont l’IA pourrait modifier l’activité, donc s’intéresser à l’organisation du travail, telle qu’elle est et telle qu’elle pourrait être bouleversée, pour mieux cerner les conséquences potentielles sur les compétences.

En première lecture, on pourrait se dire deux choses. La première c’est que l’exercice est soumis à trop d’aléas et qu’il est donc vain. La seconde, c’est que la fonction RH n’a pas en charge la réflexion prospective sur l’activité, sur le business et sa chaîne de valeur.

Ne pas faire parce que c’est trop incertain, on balaye vite le contre-argument. C’est irresponsable.

Quant au second, c’est précisément là une des contributions stratégiques de la fonction RH, à savoir participer à la réflexion prospective en amont de la définition d’une stratégie. D’autre part, si on n’attend pas d’elle qu’elle fournisse des réponses, peut-être est-ce à elle de porter la démarche ou du moins l’initier et la faire vivre.

La démarche dont il s’agit consiste à balayer toute l’activité de l’entreprise et sa chaîne de valeur en se demandant en quoi et comment une généralisation et / ou une accélération de l’IA sous toutes ses formes peut les affecter.

Une réflexion sur la chaîne de valeur dans son ensemble, d’une part, et sur les processus métiers, d’autre part. Le global puis les maillons de la chaîne.

La fonction RH a donc là, selon nous, 3 responsabilités.

La première c’est celle de l’acculturation des décideurs métiers à l’IA, ses principes fondamentaux, pour mieux en appréhender la portée mais aussi les limites, de manière à éviter les utopies décevantes et contre-productives.

La deuxième c’est celle d’être force de proposition et motrice dans le lancement et l’animation de cette réflexion prospective. Les opérationnels n’en ont pas toujours le temps, ni l’envie, ni la conscience.

Enfin la troisième, c’est la traduction des résultats de cette réflexion en conséquences d’ordre humain, qui entrent pour le coup dans son champ de responsabilité directe, et en particulier en ce qui concerne la traduction organisationnelle en enjeux de compétences.

L’articulation entre tous ses sujets, qui forme au fond un sorte de cadre conceptuel commun, c’est l’organisation. Or, cela demande deux choses essentielles pour la fonction RH.

La première c’est de bien comprendre la chaîne de valeur de l’entreprise c’est-à-dire la manière dont elle crée de la valeur.

La seconde c’est la proximité métier pour bien saisir les enjeux d’organisation qui en découlent et qui, eux, se traduisent ensuite en besoin en compétences.

Deux champs de compétences qui relèvent traditionnellement de l’exercice de la fonction RH auxquels il convient donc d’ajouter un troisième, celui d’une compréhension réelle de ce que peut l’IA de ce qu’elle ne peut surtout pas faire, de manière à faire le tri.

Un tri qui portera sur l’organisation en tant que telle et la manière dont l’IA peut ou pas l’affecter. L’esprit critique sur le sujet de l’IA c’est donc aussi celui de la fonction RH, qui doit rester à l’écart des gesticulations techno-marketing sur le sujet.

Tout en plongeant dedans pour de bon pour en saisir la quintessence. Tout un programme !

En résumé, la fonction RH a 3 responsabilités face à l’IA. 1. Acculturer les décideurs sur le sujet, sa portée et ses limites, 2. engager et animer une réflexion prospective sur les conséquences sur l’activité et son organisation et 3. traduire cette réflexion en enjeux humains, notamment sur le plan des compétences.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.