Les réseaux de l’avenir sont ailleurs

Dans cet épisode nous allons parler d’information et de renseignements.

Ça y est les services secrets t’ont embauché ? Tu te prends pour James bond dans sa batmobile ?

Non je ne suis pas un numéro, ni 007, ni numéro 6, je ne suis prisonnier que de ce à quoi j’ai accès.

L’information, le renseignement, en entreprise comme ailleurs, c’est le nerf de la guerre, on le sait depuis la nuit des temps. Mais voilà ces dits-temps, non pas ceux de la valse qui n’en a que 4 si n’est 3, sont des temps qui changent.

Et la problématique de l’information avec. Alors les réseaux de l’avenir sont ailleurs, c’est quoi l’histoire ?

La grande promesse d’ouverture et d’accès au savoir… tu sais, la seconde partie des années 1990 et le début de la démocratisation du Web et les espoirs dont elle était porteuse.

Bon à voir les résultats 30 ans plus tard c’est plutôt à se demander si ce n’est pas un grand fiasco ou l’inverse de ce que on espérait qui s’est produit. On espérait de l’ouverture, et paf le bruit des bottes se rapproche. Mais ce n’est pas le sujet.

En revanche, au cœur de tout cela : l’information, notre capacité à la déceler et l’apprécier à sa juste valeur.

Au début des années 2000, avec Patrick Bouvard, je soulignais dans un ouvrage sur le Knowledge Management (Bouvard P, Storhaye P. 2002) qu’on changeait de paradigme en matière de renseignement.

Avant Internet, c’était les cadenas l’important, et donc la capacité à les déverrouiller. L’information utile, le renseignement de valeur n’étaient pas à portée de main. On savait peut-être où c’était mais se renseigner c’était apprendre les astuces d’Arsène Lupin.

Pour s’introduire là où il fallait et décadenasser ce qu’il fallait. Le problème c’était l’accès.

Mais Internet – ou son corollaire en entreprise et tout ce qu’il offre en matière de management des connaissances, en l’occurrence l’Intranet – posait les termes d’une nouvelle équation.

L’information était disponible mais il fallait la trouver dans le bordel ambiant. Réussir à distinguer la petite musique dans un bruit généralisé et assourdissant.

En substance, il fallait apprendre à chercher l’aiguille dans la botte de foin. Le problème n’était plus l’accès mais les capteurs.

Seulement, nous entrons désormais dans une ère qui risque bien de bouleverser à nouveau la donne.

À mesure que le Web est envahi de contenus générés par de l’IA et que les manipulations en tout genre prennent l’importance qu’on leur connaît, le problème central devient la capacité à distinguer le vrai du faux.

Or, la combinaison d’une dérégulation – genre on limite le fact checking – et de cette prolifération risque bien de rendre l’exercice des plus délicats.

Comment se renseigner quand on baigne dans une mer d’informations dont on n’arrive pas bien à apprécier si elle est vraie ou pas ?

On ne peut que citer Hannah Arendt : « quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n’est pas que vous croyez ces mensonges mais que plus personne ne croit plus rien. Un peuple qui ne peut plus rien croire ne peut se faire une opinion. Il est privé non seulement de sa capacité d’agir mais aussi de sa capacité de penser et de juger. Et avec un tel peuple, vous pouvez faire ce que vous voulez. »

On ne peut donc que se projeter, imaginer où tout ceci nous mène. Mais le pire n’est jamais certain.

Cela amène à une échelle plus petite à une autre conclusion assez simple : c’est le grand come-back des bonnes vieilles méthodes traditionnelle du terrain.

Quand on ne sait pas si ce qu’on nous dit est vrai ou pas, il faut avoir des capteurs qui carottent l’information du terrain. On a besoin d’infiltrés.

Un peu comme ces carottes de glace qu’on remonte pour lire l’histoire…

Ah oui la fameuse carotte glaciaire … bon ok je sors. Mais c’est exactement cela.

La force de demain, pour celui ou celle qui décide, quelle que soit l’échelle, c’est peut-être donc cette capacité à tisser des réseaux humains de confiance, proche du terrain et de ses événements.

Sous réserve d’avoir la capacité à privilégier des capteurs, certes de confiance, mais qui ne forment pas un biais précisément parce qu’on ne choisirait que des personnes qui pensent comme nous.

Les réseaux d’avenir, dont on aura toutes et tous besoin demain, c’est donc peut-être des réseaux humains, infiltrés là où il faut, suffisamment diversifiés pour nous ouvrir les yeux même si cela ne nous plaît pas, mais dont on a confiance en l’intégrité.

L’IA nous aura alors paradoxalement ramené aux bonnes vieilles méthodes d’antan. Comme quoi à la fin l’humain prend toujours le dessus.

En résumé, moins on sait si l’information dont on dispose est vraie ou pas, plus on a besoin de tisser ses propres réseaux de renseignement de terrain, diversifié et de confiance. C’est une compétence-clé ou un atout distinctif pour décider à l’ère de l’ia.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.

Bouvard P, Storhaye P. 2002, Knowledge Management Vademecum, EMS 2002

Mahé Bossu
consultante RH & Transformation à  | bossu.mahe@gmail.com | Site Web |  Plus de publications

Mahé Bossu est consultante RH & Transformation chez Sia Partners, cabinet de conseil en management. Diplômée de Toulouse Business School, elle a effectué son master RH en alternance en tant que chargée de recrutement et de projets RH chez Wavestone.

Patrick Storhaye

Patrick Storhaye est Président de Flexity, société de conseil en RH et digital, et Professeur Associé au CNAM, fondateur de RH info. Il a mené une carrière dans le management des RH, comme DRH dans de grandes entreprises et entrepreneur. Il intervient dans de nombreuses conférences et dans les milieux académiques, notamment à HEC Executive Education, Toulouse Business School, Audencia, Université d’Angers, Université de Lille 1.