L’entreprise n’est pas une équipe de foot
Dans cet épisode nous allons nous interroger sur les analogies entre l’entreprise et d’autres domaines, comme celui du sport.
Gérer une entreprise, je ne te dis pas que c’est simple. Mais je te dis que c’est comme gérer une équipe de foot. Alors, hop, Zidane, Messi ou Deschamps aux commandes !
La belle affaire ! On dirait les patrons qui ont réussi et qui nous disent qu’on devrait gérer un pays comme on gère une entreprise. Seulement voilà. Les affaires publiques et les affaires, ce n’est pas tout-à-fait pareil…
On aura ainsi comparé le management à celui d’une équipe de foot, ou au chef d’orchestre et un concert, bref des analogies.
Ces analogies sont souvent inspirantes mais elles ont peut-être aussi quelques limites. Alors, l’entreprise n’est pas une équipe de foot, c’est quoi l’histoire ?
On a toutes et tous vécus des interventions et témoignages inspirants, que ce soit celles d’athlètes de haut niveau, de chef d’orchestre ou autre. Des histoires, celles de vie, le plus généralement passionnantes.
D’autant plus inspirantes qu’il s’agit le plus généralement aussi de figures emblématiques qui ont réussi. Alors écouter leur histoire, c’est évidemment riche.
C’est d’abord riche pour le témoignage. On y apprend souvent des vertus qui rappellent que le succès c’est d’abord du travail, de l’abnégation et des efforts.
Un rappel utile pour celles et ceux qui auraient cette tendance à croire qu’ils admirent le talent là où en vérité ils admirent le succès et surtout pas les efforts, parfois les sacrifices, qu’il demande. Mais c’est un autre sujet.
La force d’une histoire c’est en effet d’inspirer. L’intérêt des histoires dans l’histoire c’est aussi d’ouvrir. Or, dans l’analogie entre deux domaines, il y a évidemment des idées intéressantes.
Des principes dont on peut en effet peut-être s’inspirer. Surtout lorsque les analogies dont il s’agit reposent sur un socle partagé, celui de l’humain et du collectif.
Il y a en effet des enseignements à tirer de toute expérience de gestion d’un collectif d’êtres humains. Pour deux raisons.
La première, c’est que de toute expérience personnelle sur un sujet, il y a des enseignements à tirer sur le dit sujet. C’est le principe même de toute transmission. Or, plus celle ou celui qui transmet fait autorité aux yeux de celles et ceux à qui il ou elle s’adresse, plus l’enseignement est crédible.
Notons au passage que ladite autorité est conférée par celui ou celle qui écoute. Et c’est comme cela que certaines et certains rejettent l’autorité de la compétence, celle du scientifique par exemple, au profit de celle en qui il ou elle croit, un influenceur de passage par exemple. Mais c’est un autre sujet.
La seconde raison de s’intéresser à ces témoignages, c’est l’existence d’un sujet commun, comme celui du management d’un collectif par exemple avec tout le charme et la complexité du facteur humain.
En cela, toute personne qui a été exposée à l’expérience de l’humain, dans sa dimension anthropologique, et à son management, dans sa dimension collective, et qui a su en tirer ses propres enseignements, a des choses à transmettre qui peuvent être utiles aux autres.
Qu’il s’agisse du corps médical, de militaires, de sportifs, de chefs d’orchestre, de spécialistes du monde du vivant. Par exemple.
Mais ce qui fait la force de l’analogie fait aussi sa limite. Ce n’est pas parce ça ressemble que c’est pareil. Ce n’est pas parce qu’il y a un terreau commun que le tout est similaire.
Avec le risque de la simplification abusive et des recettes de cuisine qu’on croit généralisables que cela comporte inévitablement. En l’occurrence deux remarques nous semblent devoir être faites.
La première relève de la posture. Entre ouverture d’esprit pour mieux s’inspirer et chercher ses propres solutions et croire en recettes duplicables il y a toute une différence. Cela questionne aussi ce qu’on va appeler les best practices et les benchmarks en tout genre.
Des sources, des points de repères, des idées, mais pas de solutions prêtes à l’emploi. Tout dépend de ce que l’on en fait et de notre esprit critique.
La seconde remarque a trait à la limite de l’analogie. Bien sûr il y a des similitudes mais elles sont soumises à des champs de contraintes qui n’ont souvent rien à voir.
Le champ de contraintes qui pèsent sur les affaires publiques ou le business ne sont pas les mêmes par exemple. Les exigences de prise en compte de l’intérêt général et du bien commun, la nature et l’origine des ressources consommées pour délivrer un service, la nature même des mandats qui sont donnés, etc. n’ont rien à voir.
Les contraintes qui pèsent sur une équipe de sport collectif ne sont pas les mêmes que celles qui pèsent sur une entreprise. Est-ce besoin de le rappeler ? Qu’il s’agisse de système concurrentiel, d’optimisation des ressources, de contraintes réglementaires etc.
Bref, des choses en commun bien sûr, souvent dans la gestion des femmes et des hommes, mais des systèmes de contraintes très éloignés. Or, le comportement des personnes, individuellement et collectivement, sont fortement conditionnés par le champ des contraintes qui pèsent sur eux.
Généraliser de telles analogies reviendrait donc à ignorer ces contraintes alors qu’elles constituent des facteurs qui structurent beaucoup de choses. Toute la limite de l’analogie.
Ce qui ne retire rien à la force inspirante des histoires, des témoignages, et des comparaisons lorsqu’on en tire des enseignements transposables sans s’aventurer à en faire des lois universelles.
En résumé, les analogies avec d’autres domaines pour tirer des enseignements sur la gestion des entreprises et le management est une source d’inspiration intéressante dont la limite est de croire qu’ils sont transposables en l’état ou universels, en faisant fi des contraintes spécifiques qui conditionnent un domaine.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.