Elaguer ce n’est pas couper aveuglément

Dans cet épisode nous allons parler d’économies de ressources et des confusions qu’elles peuvent entraîner.

Alors on ne va pas y aller par 4 chemins. Moi je suis le roi du cost-killing et du cost-cutting. Economiser les ressources autant te dire que ça me connaît. On coupe, puis on recoupe et on découpe.

La méthode coupe-coupe en somme quoi. Ou plutôt en soustraction. Genre un peu cowboy qui y va à la serpette. On taille dans le gras, puis dans le muscle et à la fin on désosse ? On dirait Raoul Volfoni dans les tontons flingueurs.

Raoul, il n’est pas cool, tu as raison, d’autant qu’il se trompe peut-être de cible. Comme souvent, tout dépend de ce que l’on vise. Alors, élaguer ce n’est pas couper aveuglément, c’est quoi l’histoire ?

On commence par le somptuaire. Certains vont jusqu’au sanctuaire. Et là, c’est le début du calvaire.

Quand il y a le feu au lac, on n’a pas le choix, certes. On n’a peut-être même pas le temps de la nuance, on pare au plus pressé donc là où il y a les postes de dépenses les plus importants.

Mais éteindre le feu, ce n’est pas cela qui fera que la forêt repousse. Lorsqu’on n’est pas en situation où il faut sauver les meubles, l’intention – légitime au demeurant – d’économiser des ressources ne prend plus la même tournure.

Du moins, elle ne doit pas la prendre. Car l’enjeu c’est d’assurer de la création de valeur durable. De la rentabilité maintenant, et demain. Or, c’est là où le sens des nuances et des équilibres est essentiel.

Pourtant malheureusement on envoie parfois un peu vite la cavalerie, rompue à tailler dans le vif, au risque d’assécher et appauvrir durablement. L’horizon sur lequel elle fixe son cap est déterminant car on a vite fait de tuer la rentabilité sur l’autel de la rentabilité.

Dit autrement, quand les coupes sombres du court terme insultent tellement l’avenir qu’on a mis ce dernier en péril.

Combien de fois les méthodes en la matière sont-elles dénaturées dans la pratique. On voulait faire du lean management par exemple. Bonne intention.

Une méthode inspirée du Toyotisme, avec ses préceptes d’amélioration continue et de chasse aux gaspillages. Il y avait un terme pour cela : le muda.

Une approche qui visait 7 grands types de gaspillage dont l’excès de charge (et donc les risques de RPS), le gâchis, les actions inutiles etc. On est très loin du cost killing sans discernement.

Pourtant, dans la tête de certains, lean rime avec cutting. Entre les deux, la différence ne tient pas à un cheveu mais à la finalité de ce que l’on vise. Couper d’accord, pourquoi pas, mais l’essentiel c’est quoi et surtout pourquoi ?

L’image de l’arbre qu’on élague est parlante en ce sens. Elaguer un arbre, c’est tout ce qu’on veut sauf couper aveuglément les branches qui dépassent !

Bien sûr on pourra tailler pour orienter la croissance parce qu’on veut un bel arbre, à la forme élégante. Mais ce n’est pas de cette perspective ornementale dont on parle. Même si élaguer vise toujours à préserver un développement harmonieux de l’arbre.

L’image c’est celle de l’élagage d’un arbre fruitier. Dont on espère bien tirer les fruits ! On élague pour avoir une belle récolte. Sans tuer l’arbre. En l’espèce, ce qu’on taille, c’est donc tout ce qui nuit à la récolte future.

Les vieilles branches qui donneront moins que les jeunes ? Bonne image qui va faire plaisir aux seniors…

Mais non, l’image n’est pas à prendre au pied de la lettre. C’est la phrase qui nous intéresse. Ou plutôt l’histoire non ?

Et c’est une histoire de discernement. En l’occurrence, celle qui consiste à préserver ce qui est utile au développement, ce qui aide à ce que cela pousse ! C’est bien différent que de couper aveuglément.

Or, en matière de coûts, tout est là. Apprécier ce qui est utile au développement, à la création de valeur dans la durée, de ce qui ne l’est pas. En la matière, des dépenses qui peuvent paraître superflues au premier regard sont parfois essentielle à la croissance de la valeur dans la durée.

Se débarrasser de tout poids inutile, voyager léger, d’autres aimeront bien les images d’agilité, de sobriété ou de frugalité. Le principe est là. C’est le même que celui de l’élagage.

Or, si de nombreuses méthodes existent en la matière, l’essentiel réside dans cette intelligence-là quand on les met en œuvre. Une intelligence qui dépend peut-être aussi de la finalité, avouée ou non, de ceux qui les déploient.

Sans préjuger des intentions, puisque ce serait un procès, on peut peut-être néanmoins souligner une priorité et une conséquence.

On dit souvent que la priorité c’est ce qui est somptuaire. Les dépenses de confort, qui ne servent pas l’efficience. Pourquoi pas, mais c’est à périmètre constant. La première des priorités c’est d’abandonner ce que l’on fait et qui n’est pas utile.

La méthode ASI utilisée en Allemagne dans les années 90 pour réduire les émissions dans les transports nous le suggère : Avoid (éviter) Shift (modifier) et Improve (améliorer). On commence donc par ne pas faire.

Le second point est une conséquence. « Ne pas faire » pour beaucoup c’est un énorme changement de paradigme dont le chemin est très long. Mais si c’est une longue histoire, c’en est une autre.

En résumé, une démarche d’économie de ressources suppose, à l’image de l’élagage d’un arbre fruitier, de s’atteler à couper ce qui nuit à la croissance durable de la valeur. Pas à couper les coûts aveuglément.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.