Quelques idées reçues sur la paie
Dans cet épisode, nous allons balayer quelques idées reçues sur la gestion de la paye.
Fous-moi la paix, tu ne vois pas qu’on est en pleine clôture de paie, on est sous l’eau là !
Oui mais c’est important ET urgent : le patron veut qu’on fasse un salary split pour un des nouveaux – là, maintenant, tout de suite, ASAP, pour hier. Donc tu me fais la moitié de son bonus en France, l’autre sur notre établissement à Luxembourg…
Tu crois que j’appuie sur un bouton et qu’il y a des petits oiseaux avec des biftons dans le bec et qui vont amener ça en « lousdé » sur un compte louche à Luxembourg, Jersey, Guernesey ou autre paradis du genre et tout cela le 24 du mois ?
Oh calme toi, la paie ce n’est pas la partie noble du métier hein ! Moi je m’occupe des cadres dirigeants et de la stratégie de développement RH alors autant te dire que tes trucs de boutiquiers administratifs et comptables, ce n’est pas de mon rang !
Ah le charme des fins de mois, qu’un comptable en clôture de fin d’année ne renierait pas, … et ce responsable paie que certains regarde d’un peu trop haut…
Pourtant je ne te dis pas les dégâts s’il fait mal son job. Autant te dire que ça débraie aussi vite que ce que tu mettras pour constater l’erreur sur ton compte bancaire.
Mais la paye n’a pas bonne presse et en plus on lui prête des qualités et des défauts qu’elle n’a pas. Alors, quelques idées reçues sur la paie, c’est quoi l’histoire ?
L’histoire d’une fonction essentielle et mal aimée, enfin surtout incomprise. Pourtant, c’est un métier qui est tout sauf simple, et il suffit de chercher un bon gestionnaire de paie ou responsable paie pour s’en convaincre.
Or, comme on la connaît mal, elle est l’objet de toutes les idées reçues… Le profane s’en fait une image. La première d’entre elles est simple, c’est qu’on pense que c’est simple. Il suffirait d’appuyer sur un bouton et le tour est joué.
J’avoue, mon premier job de DRH, je ne connaissais rien à la paie et je croyais que c’était simple en effet puis… j’ai soulevé le capot. Là j’ai fait « Ouh là ». J’ai refermé aussi vite et j’ai surtout remercié les Dieux d’avoir une responsable paie qui était au top !
En somme, tu découvres que c’est un vrai métier. C’est souvent le cas de ces choses obscures de l’arrière-cuisine que les chefs à plumes regardent parfois de loin sans appréhender la réalité technique qui est derrière.
D’où la deuxième idée reçue. Puisqu’on considère que ce n’est pas une activité à forte valeur ajoutée, on externalise et ce n’est pas compliqué. Et là, en partant comme cela, c’est le début des emmerdes.
Pour mille raisons. Commençons donc par préciser un peu les mots. Non la paie n’est pas « stratégique » cela ne veut rien dire. Il en va de même de la fonction RH d’ailleurs c’est un abus de langage. Mais c’est critique donc important.
Critique c’est simple à comprendre. Tu fais une erreur et cela peut te coûter des blindes. Un redressement Urssaf parce que tu as fait une erreur et pas payé ce que tu devais, n’est jamais une surprise agréable.
Sans compter le coût social. Imagine une paie qui ne sorte pas en temps et en heure… Tu as besoin d’un dessin ? Pas la peine de t’escrimer sur l’expérience collaborateur si tu n’assures pas les basiques.
Donc oui ce n’est pas stratégique mais oui c’est critique donc on n’a pas le droit à l’erreur. Non ce n’est pas, en soi une activité à forte valeur ajoutée, mais non cela ne s’externalise pas pour autant en claquant du doigt.
L’externalisation n’étant pas nécessairement toujours la bonne option. Cela dépend de nombreux facteurs. Mais c’est un autre sujet.
L’étude comparative sur les coûts pour mon patron j’ai dû à l’époque la refaire mille fois. Chaque année il remettait le sujet sur le tapis. Je ne te dis pas les interminables débats, entre les coûts réels, les coûts cachés, la maîtrise du processus, garder la main sur le référentiel, bref tout sauf simple.
Allez quelques conseils amicaux sur le sujet : d’abord on n’externalise pas quelque chose qui ne tourne pas rond chez soi en croyant que cela va tout résoudre. On toilette chez soi d’abord.
Tiens, par exemple, tu as plein de réglementaires différents et c’est le bazar ? Commence par toiletter tes réglementaires avant d’externaliser. Tu externalises ? Garde la main sur la connaissance de fond donc sur les réglementaires.
Donc un bon livre blanc de paie, à jour et maintenu, avec une connaissance interne. Et pense toujours à la clause de ré-internalisation. Just in case.
Attention aussi au CSP, le Centre de Services Partagés. Bonne idée dans certains cas, sans aucun doute, notamment pour mutualiser des moyens. Mais si tu crois que tu vas en faire un préalable à une externalisation complète sans que personne ne s’en doute, ne rêve pas.
Et fais aussi attention aux retours de bâtons. Genre le CSP que tu as mis au fin fond d’un bled où les loyers sont moins élevés, où le coût de la vie aussi, avec un bassin d’emploi qui fait que tes gestionnaires sont captifs car il n’y a pas beaucoup d’opportunités dans le coin…
Quand tu auras 2 départs en retraite tu seras bien emmerdé. Déjà que c’est difficile d’en trouver alors imagine dans un endroit pas attractif…
Une dernière idée reçue pour la route. Le digital, l’informatisation de la paie. C’est facile. Comment te dire ?
Si tu crois que c’est juste un logiciel comme un éditeur de texte, tu es un peu loin du compte. Qui parle de paie, parle de référentiel, d’organisation, de droits et de rôles, d’architecture, donc de SIRH donc de lien avec la politique RH…
En gros tu mets le doigt dans un sujet aussi vaste et profond que la mer ! Et tu as vite fait de t’y noyer.
Tu veux dire qu’il ne suffit pas de demander à un prestataire de faire ce que tu lui demandes ? Qu’un éditeur de solutions digitales n’a pas sa propre roadmap, ses propres contraintes, son business model etc.
Peut-être même que c’est un marché où l’offre fait plus la loi que la demande, mais c’est un autre sujet. Là, l’idée reçue, c’est de croire l’inverse. Que tu demandes ce que tu veux au fournisseur puisque tu es le client…
Je vois et je comprends mieux l’acronyme que beaucoup utilise pour décrire la paie, la règle des 3C pour complexe, coûteux et chronophage…
En résumé, la gestion de la paie est un domaine d’expertise technique complexe qu’il serait bien imprudent d’aborder avec des idées reçues simplistes du type « l’intendance suivra » au risque d’y laisser quelques plumes.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.