Grande mascarade ou simples incohérences ?

Dans cet épisode nous allons nous interroger sur certaines incohérences des entreprises en nous demandant ce qu’elles peuvent signifier.

« Celui qui reconnaît consciemment ses limites est le plus proche de la perfection » disait Goethe. Il y a là deux mots clés : « consciemment », d’une part, et, une fois cette conscience acquise, qui « reconnaît »…

Reconnaître ses erreurs, ses torts, faire amende honorable puis essayer de les corriger. Que demander de mieux ? Aucun doute que certaines entreprises s’inscrivent dans cette lignée.

Comme nous tous, l’entreprise est imparfaite. Elle commet des erreurs parce qu’elle est faite d’être humains imparfaits. Les incohérences qu’on y trouvera inévitablement ne témoignent donc pas nécessairement d’une quelconque intention.

Mais, parfois, on peut aussi se questionner sur ce que ces incohérences révèlent. Ou pas. Est-ce qu’elles sont le signe d’autre chose ? Alors, grande mascarade ou simples incohérences ? C’est quoi l’histoire ?

On connaît en effet l’adage, la perfection n’est pas de ce monde. A part moi bien sûr, ce qui me fait adopter ce mot de Marcel Aymé : « l’humilité est l’antichambre de toutes les perfections »…

Mais si l’imperfection est inévitable, est-ce que son existence témoigne d’une intention sous-jacente ? Nous ne répondrons pas à cette question pour une raison simple. Il est impossible de connaître l’intention. Donc on perd son temps.

Mais les incohérences sont parfois flagrantes. Peut-être aussi nombreuses… On ne pourra pas en dresser l’inventaire. Une fois n’est pas coutume, on partira donc de quelques exemples, pour illustrer le questionnement que cela peut poser.

Partir de l’exemple sur le plan de la rigueur intellectuel, c’est douteux en effet. Mais douter, c’est le principe même de l’esprit critique ? Alors doutons.

Partons d’une donnée générale par exemple. Les entreprises à partir d’une certaine taille, certes – mais ne doutons pas que cela ne cessera de baisser – sont soumises à une obligation, celle du bilan carbone.

Or, selon le rapport d’évaluation 2021 de l’Ademe, 65% des 4970 entités concernées n’ont pas respecté leur obligation à l’époque.

Pourtant, parmi celles qui ne l’ont pas fait, il y en a certainement un paquet qui déclare et communique sur une politique RSE ambitieuse.

C’est fou comme parfois le E de la RSE est malmené. On est concerné par le réchauffement climatique, il ne faudrait pas croire ! La planète est menacée, « notre maison brûle », mais n’ayez crainte : on a fait une animation sympa à la pause déjeuner pour sensibiliser.

Et le S… On pense quoi de ces grandes entreprises qui affichent une politique en matière de diversité et d’inclusion et qui les abandonnent au premier vent contraire, quand un groupe de pression ultraconservateur secoue les prévisions de vente ?

Aux Etats-Unis, John Deere en juillet 2024, Harley-Davidson et la distillerie Jack Daniel en août 2024 reculaient sur leur politique diversité

Le cours de l’action ou les valeurs ? On change vite son fusil d’épaule… C’est sûr que, par exemple, un mauvais Nutriscore, ce n’est pas bon pour les ventes.

Ce n’est pas grave vu que ce n’est pas obligatoire. S’il est bon, on le met, sinon, on ne le met pas. Et si ça change ou que les règles ne nous conviennent plus, on le retire. Danone l’a abandonné par exemple alors que l’entreprise en fut un fervent défenseur à l’époque. Allons donc savoir pourquoi.

Et ce ne sont pas les seuls, c’est le cas aussi par exemple de la marque Bjorg… Elle préférait apparemment une autre étiquette, le Planet-Score.

Le label, la certification, la norme. C’est bien tout cela. C’est supposé reconnaître ce qu’une entreprise fait de bien.

Mais c’est aussi parfois un avantage concurrentiel. Un bon label, c’est une barrière à l’entrée pour les autres. Il ne t’arrange plus ? Qu’à cela ne tienne, tu en changes puisque ce n’est pas obligatoire. Peut-être est-cela ce qu’on appelle l’agilité ? Non, je rigole bien sûr.

Starbucks se targue par exemple d’être un « leader en matière de durabilité ». Ils affirment qu’ils travaillent même en direct avec les éleveurs pour les aider à réduire leurs émissions.

C’est bien ça ! Alors ayons une pensée pour ces éleveurs et leurs efforts en faveur du climat quand ils ont appris que le patron de Starbucks a négocié d’aller au taf en jet privé.

Lorsqu’ils pensent à la planète en gambadant dans leurs prairies ensoleillées et qu’ils regardent le ciel. L’avion, l’avion, on le sait ça fait lever les yeux. Gageons que parfois cela ne soulève aussi un certain courroux…

Comment ne pas se rappeler de ces premières images du film « les dieux sont tombés sur la tête » où l’on voit une bouteille de Coca tomber en plein milieu d’un village Bushmen… Un film bostwanais et sud-africain.

Coca ? Ce n’est pas ce partenaire officiel des jeux olympiques ? Le sport, c’est la santé non ? Il y a deux chercheurs en santé publique, Trish Cotter et Sandra Mullin, qui ont publié dans la revue BMJ Global Health : « En continuant de s’associer avec Coca-Cola, le mouvement olympique risque d’être complice de l’aggravation d’une épidémie mondiale de mauvaise alimentation »…

Non on ne parle pas de cela. Mais du fait qu’ils s’étaient engagés à réduire l’utilisation de plastique à usage unique pendant les compétitions. On se souvient de la polémique quand ils revidaient des bouteilles dans des gobelets…

Personne n’est parfait disions-nous, aucune de ces entreprises non plus. Nous ne doutons pas de leurs bonnes intentions et ne tirons donc pas de conclusion hâtive.

Ce n’est pas parce que l’entreprise est une personne morale que ça la rend morale. Mais ce n’est pas non plus parce qu’elles font des erreurs qu’elles témoignent d’une intention douteuse. Ou pas.

En résumé, aucune entreprise n’est parfaite et les incohérences visibles dont elles peuvent faire preuve ne témoignent pas nécessairement d’une mauvaise volonté. Mais peut-être est-ce aussi parfois le cas quand l’appât du gain est plus fort que le reste.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.