Mépris et arrogance, bombes à retardement

Dans cet épisode, nous allons parler du mépris et de l’arrogance dont certains sont parfois capables, notamment parmi celles et ceux qui gouvernent ou dirigent.

« J’ai le droit, donc allez-vous faire foutre. Et si ça ne vous plaît pas, vous n’avez qu’à changer la loi, je le respecterai ». Voilà en substance ce que répondait le président d’une grande société française au sujet de sa rémunération…

Il est dans son bon droit ? Sans aucun doute. Mais quel combo… si peu de mots pour autant de mépris et d’arrogance. Comment ne pas citer Albert Camus : « le mépris des hommes est souvent la marque d’un cœur vulgaire. »

Mais ce qui est intéressant dans cette petite histoire, si médiocre à nos yeux, ce n’est pas ce qu’elle dit de l’auteur. Puisqu’on cite, citons donc Machiavel dans « Le Prince » : « Le mépris et la haine sont sans doute les écueils dont il importe le plus aux princes de se préserver. »

A croire donc que l’argent ne suffit pas à faire un prince. Tant pis pour les crapauds. En effet, ce qui est intéressant dans l’histoire, c’est la mèche qu’elle allume dans le cœur des autres. Alors, mépris et arrogance, bombes à retardement, c’est quoi l’histoire ?

En quelques mots, l’exploit de réunir mépris et arrogance. Car en effet, ce n’est pas pareil.

Le mépris c’est le fait de considérer que quelque chose ou quelqu’un ne mérite pas l’attention. C’est une attitude qui consiste à ignorer et le faire sentir. Hein petit scarabée, j’ai failli t’écraser.

Le mépris ignore l’autre, quand l’arrogance étale sa supériorité pour l’asservir. Par mon silence, je te montre que je t’ignore et par mon arrogance, je te mets à genoux. Chiure de gomme, je te balaie du revers de la main.

Donc en résumé, l’arrogance ça aide le con à comprendre plus vite à quel point il est méprisé et à quel point il doit fermer sa gueule, c’est ça ?

« C’est c’la oui », fameuse réplique dans le Père Noël est une ordure… Une pointe de dégoût et la distance qui sied avec le sol d’où viennent les effluves de merde…

Au-delà de ce que cela dit de celui ou celle qui adopte cette attitude, ce qui est intéressant disions-nous c’est le message que cela envoie aux autres, notamment à ces autres que tu ignores tellement que tu en as oublié que tu pouvais en avoir besoin.

Un patron et les salariés, un gouvernant et le peuple qui l’a élu, bref… A moins d’être seul dans sa tour d’ivoire et de faire ce qu’on veut du monde… cela risque bien de te revenir dans la tronche d’une manière ou d’une autre.

Le mécanisme est intéressant à décortiquer. Le mépris est un silence, certes, mais un silence est interprété. Or, moins le message est formalisé plus son interprétation repose par nature sur les a priori du récepteur.

Ce que je reçois de ce que tu ne me dis pas, je le comprends à l’aune de mes propres représentations. Or, quand la distance sociale qui nous sépare est, de fait, si grande, la probabilité que ces représentations implicites soient les mêmes est assez faible.

Dit simplement, comment prendre ça autrement qu’un mépris de classe ? Une volonté quasi affichée d’empêcher tout dialogue. C’est une posture que tu risques de payer cher un jour… quand le vent tournera.

D’autant qu’à ce mépris, tu as ajouté l’arrogance, celle qui laisse entendre à l’autre que tu te crois non seulement supérieur mais également que tu te crois intouchable. Vous ne pouvez rien contre moi, pauvres manants.

Impunité et arrogance vont souvent de pair en effet. C’est parce que j’éprouve ce sentiment d’impunité que je m’autorise l’arrogance. Ce n’est plus du mépris mais une belle méprise en l’occurrence…

Celle de croire que ton rang te permettrait de t’affranchir des autres. Après tout, je suis au-dessus donc je n’ai pas besoin d’eux. Je fais vivre tant de salariés moi.

En oubliant que ce sont eux aussi qui te font vivre. Alors quel message le salarié de ton usine a-t-il en réalité reçu ? Celui que tu l’ignorais – le mépris – et que sa réaction t’importait peu puisque tu n’as pas besoin de lui mais lui de toi – l’arrogance.

On ne peut que te souhaiter de n’avoir jamais besoin d’eux… Car si certains peuvent croire que tout s’achète, que l’argent peut suffire pour asservir, ils pourraient bien avoir la surprise de découvrir, un jour, que chez d’autres, l’honneur a une valeur, donc pas de prix.

Exercer le pouvoir, diriger, présider à la destinée d’une équipe, d’une entreprise, d’une nation, c’est une obligation de plus pour servir, pas pour asservir. Or, en la matière, le mépris et l’arrogance à l’égard de celles et ceux qu’on doit mobiliser laissent toujours des traces indélébiles.

Dans un discours dans une université en 1963, John Fitzgerald Kennedy avait prononcé ces mots : « quand le pouvoir pousse l’homme à l’arrogance, la poésie lui rappelle la richesse de l’existence. Quand le pouvoir corrompt, la poésie purifie. »

Et l’on pourrait ajouter que lorsque le poète meurt, la poésie perdure. Quoi de plus fort pour mobiliser les personnes, en effet.

En résumé, mépris et arrogance de celles et ceux qui dirigent sont de remarquables ferments de la haine de celles et ceux à qui ils sont destinés. Il n’est pas bien sûr alors que ce soit les marqueurs d’un véritable leadership.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.