Discrimination, rémunération et régression
Dans cet épisode, nous allons nous interroger sur la discrimination salariale et les méthodes qui permettent de la débusquer.
Le sujet des discriminations, de toutes sortes, est par nature difficile parce qu’il s’affranchit difficilement des émotions, des expériences personnelles et parfois de profondes souffrances.
Difficile aussi de ne pas le comprendre en effet. Le sujet devient encore plus complexe lorsqu’on en vient plus spécifiquement aux discriminations salariales.
Parce que la rémunération en soi est aussi une thématique porteuse d’une dimension affective importante, de tabous culturels, voire de représentations un peu hâtives.
C’est encore plus délicat donc quand on mélange les deux thèmes. Pourtant, pour lutter contre les discriminations salariales du mieux qu’on peut encore faut-il démontrer au-delà des ressentis. Même si ces derniers existent incontestablement pour celles et ceux qui l’éprouvent.
Se pose donc la question de la méthode. Comment faire ? Alors, discrimination, rémunération et régression, c’est quoi l’histoire ?
L’histoire est simple à raconter mais plus difficile à écrire. En l’occurrence, ce que l’on cherche à prouver c’est une éventuelle différence de traitement entre des catégories de personnes.
Et ce en fonction de critères indépendants de leur travail, leurs compétences, leurs résultats ou leurs performances. Bref, on ne parle pas ici d’égalité mais plutôt d’équité ou d’égalité de traitement.
C’est en effet le fond de l’affaire. Celles d’inégalités dans la manière de traiter les uns et les autres. Quand les règles des uns ne sont pas celles des autres. Lorsque c’est le cas, c’est normal que ce soit vécu comme une injustice car c’en est une.
Alors évidemment, on sera tenté de dire « à travail égal, salaire égal ». On le comprend et c’est une bonne intention. Le salaire égal ou pas cela se voit facilement. Mais à travail égal, ce que cela peut revêtir est plus difficile à montrer formellement.
En cela, comparer des salaires moyens entre deux populations, par exemple, c’est peut-être un indicateur mais cela ne démontre pas grand-chose. Dit simplement, cela doit inviter à vérifier qu’il y a une différence dans la manière de traiter les deux populations, ou pas.
Or, la moyenne ne te le dit pas. C’est une présomption mais il faut aller plus loin. C’est là où le domaine des statistiques peut nous offrir un début de réponse.
En effet, et on va le dire de la manière suivante, juste pour la formule, puis on expliquera ensuite : la discrimination est une régression, mais la régression peut aider à lutter contre la discrimination.
Ce que l’on cherche, c’est répondre à une question simple : est-ce que les règles qui ont présidé à la détermination des salaires des uns sont les mêmes que celles qui ont présidé à la détermination du salaire des autres.
Évidemment on va se réfugier derrière les règles formelles. Or, elles sont rarement discriminatoires. Ce dont il s’agit, ce sont les règles implicites. Dit autrement, quels sont les critères qui expliquent les salaires des uns et des autres dans les faits ?
Et, est-ce que ce sont les mêmes facteurs explicatifs d’une population à l’autre ? C’est là où le diagnostic de rémunération implicite peut aider. Cela fait appel aux techniques de régression.
D’où le titre et la formule. Le principe c’est d’identifier les facteurs qui expliquent les salaires. Par exemple, tu mets d’un côté les salaires de base et de l’autre l’âge et tu regardes s’il y a une corrélation entre les deux.
C’est une régression simple car tu ne regardes qu’un seul facteur explicatif. Cela prend la forme d’une équation de type Y=A*x+B ou Salaire=a x âge + une constante. Avec un coefficient de corrélation compris entre 0 et 1 pour t’indiquer l’intensité de la relation entre ces deux facteurs.
Tu peux donc t’amuser à faire pareil avec plusieurs facteurs : la responsabilité mesurée avec le poids du poste, avec une méthode comme la méthode Hay par exemple, l’ancienneté dans le poste, etc.
Cela devient donc une régression multiple car il y a plusieurs facteurs explicatifs. Cela prendra aussi la forme d’une équation de type salaire = a x le premier facteur, le poids du poste par exemple + b x le deuxième facteur, l’ancienneté dans le poste par exemple etc. et à la fin une constante.
On ne va pas rentrer dans le détail des indicateurs statistiques à vérifier pour interpréter correctement ce type de résultat, genre le T de Student, le test de Fisher etc. Mais on va retenir une idée simple ici.
Ce type d’analyse permet de cerner – avec plus ou moins de fiabilité mais cela se mesure – les facteurs explicatifs des salaires. Pas en théorie mais dans les faits. Or, c’est ce que nous cherchons précisément à faire.
Il convient donc alors de faire l’analyse sur une population A et une population B et voir si les facteurs explicatifs sont les mêmes, s’ils ont la même importance, etc.
C’est là où une différence importante devient problématique en matière de discrimination. Prenons une illustration pour simplifier le raisonnement. Dans telle entreprise par exemple, l’ancienneté dans l’entreprise est un facteur qui pèse plus dans la détermination du salaire des femmes que celui des hommes. Pourtant, les règles sont les mêmes.
Tu veux dire un ou deux congés maternité et des augmentations qui passent à la trappe ? Tiens donc !
L’exercice peut paraître fastidieux, technique et complexe, surtout si l’on se dit qu’on voudrait identifier tous les facteurs potentiellement explicatifs d’une part et, d’autre part, faire le test sur de nombreuses populations différentes.
Mais la méthode peut au moins être appliquée là où une différence de moyenne, sans dire ce qu’elle cache, invite à creuser ce qu’elle dissimule vraiment.
Comme quoi, en RH comme ailleurs, la maîtrise des données et des techniques permettant de les analyser correctement, ce n’est pas inutile.
En résumé, démontrer une discrimination salariale revient à démontrer que les mêmes règles, y compris implicites, ne s’appliquent pas de la même manière à toutes et tous. En cela, l’utilisation des techniques statistiques explicatives comme les régressions multiples peut y aider.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.