Le secret d’une bonne conférence

Dans cet épisode nous allons vous livrer le secret d’une conférence réussie.

On a toutes et tous été admiratifs, inspirés, secoués même, par des interventions en public de haut vol. On les garde souvent en tête comme des marques indélébiles.

On en a vu sur Ted.com, par exemple, je pense notamment à Hans Rosling, Elisabeth Gilbert ou Ken Robinson. Les uns avec d’ingénieux supports visuels, comme les graphes dynamiques de GapMinder, les autres à main nue si j’ose dire, comme un avocat avec sa plaidoirie. Et tous avec la force de leur présence.

Une performance en quelque sorte, qui marque les esprits et que beaucoup rêvent secrètement de reproduire. Parce qu’on aurait aimé être en haut de l’affiche, à embarquer les foules.

Mais c’est aussi le cas dans les petites pérégrinations de nos vies professionnelles où l’on ressort parfois d’un cycle d’interventions et de conférences, en se demandant ce que certains faisaient bien là.

Ou en ayant remarqué une intervention qui, elle, sortait vraiment du lot. Mais pourquoi donc ? Alors, le secret d’une bonne conférence, c’est quoi l’histoire ?

Le charme d’un secret, au fond, c’est qu’il est secret. Donc on ne va pas le dévoiler maintenant ce serait trop facile. Surtout qu’il ressemble un peu à « la lettre volée » d’Edgar Allan Poe. Elle est devant notre nez.

Tu les vois ces conférenciers qui ont suivi les mêmes cours de prise de parole en public, où on leur a bien expliqué que ce n’était pas terrible ce micro qui fait la vague tu sais parce qu’ils le balancent de droite et de gauche, au loin de leur bouche, comme on agiterait un lumignon.

Alors ils le tiennent bien droit comme des « i », scotché à leur menton. Au moins là ça ne bouge pas. Plus du tout même. Ça ne risque pas, tout est droit, figé, raide, de la tête au pied. Il ne manque plus que le balai. Pas facile d’avoir l’air naturel quand on se sent contraint avec un micro scotché au menton.

Le secret d’une bonne conférence n’est pas là. Même si, bien sûr, le naturel qui se dégage de toi, de la manière dont tu bouges, ta posture, bref tout ce qu’un professionnel du théâtre, les pieds bien ancrés, maîtrise à merveille. Cela ne peut que t’aider en effet.

Tiens, occupes l’espace par exemple. Ne reste pas comme un poteau au milieu du truc. Tout le monde va finir par s’endormir en te regardant comme un point fixe à l’horizon.

Mais ne passe pas non plus ton temps à aller de droite et de gauche comme un va et vient, qui lui met la gerbe à ton public qui se sent comme sur un bateau qui traverse le channel par temps gris et pluvieux.

Bouges, un peu, avec naturel. Simplement.

Mais alors le secret, n’est-ce pas la maîtrise de ton stress ?

Je me souviens d’un de mes patrons, terrorisé à l’idée de parler devant un public important. Le coach lui avait dit « ce sont les 15 premières secondes qu’il faut passer, après tout ira bien, alors apprend ta première phrase par cœur ». Ce qu’il avait fait. Il devait dire : « bonjour, je vous remercie d’être venu »

La belle affaire, le pauvre était tellement tendu comme un string à Ipanema qu’il a dit « Bonjour d’être venu »… Puis, se rendant compte de sa bévue, il a éclaté de rire et raconté qu’il avait appris sa première phrase par cœur parce qu’il était stressé.

Le public a ri. C’était bon, le grand patron était humain, stressé comme tout le monde. Il avait le public dans sa poche. Bon avoir la pétoche avant de commencer c’est normal, sinon c’est un peu la preuve que tu t’en fous non ?

Tu n’as pas le trac parce que tu as peur du public. Tu as le trac parce que tu as peur de ne pas lui donner ce qu’il mérite. De ne pas être à la hauteur de ce que tu veux lui offrir. Et puis un peu de trac, c’est positif, c’est de l’adrénaline.

Il ne faut pas qu’il te tétanise au point d’avoir une boule telle dans la gorge que tu ne peux plus parler. Bon, il doit y avoir des gens pour t’aider pour cela. Ce n’est pas le secret. J’ai vu des gens d’une timidité maladive, suer comme des boeufs en ânonnant leur texte, très mal à l’aise mais dont la fragilité et la sincérité avaient conquis le public.

Alors c’est quoi le secret ? Tiens, un jour après une conférence qui manifestement avait pas mal plu, une DRH est venue me féliciter à la fin, et elle avait ajouté, « vous utilisez quoi comme logiciel ? Powerpoint ? »…

Un peu comme ces gens qui pensent qu’il suffit d’un appareil photo qui coûte une blinde pour devenir bon photographe. Comme si le talent du jardinier c’était la bêche ! Sérieux ?

Un support multimédia, qui ajoute quelque chose, derrière lequel tu ne te réfugies pas, qui apporte un plus graphique qui renforce ton propos, diffuse une idée de second degré en même temps, illustre, façon Keynote de feu Steve Jobs, c’est bien aussi.

Mais ce n’est pas cela qui fait une bonne présentation. D’abord parce qu’utiliser un support multimédia cela ne vient pas masquer le reste et cela n’est donc pas systématiquement nécessaire.

C’est affaire de circonstance. Et combien d’orateurs et oratrices de talent s’en passent à merveille. D’autant qu’un support, Prezi, Powerpoint ou Canva aussi convenu qu’inutile, qui ne fait que faire joli, répète ce que tu dis, d’ailleurs tu ne regardes même plus ton public tu regardes ton écran…

Et bien cela fait l’effet inverse, c’est contreproductif. D’où le diktat de certains. On ne veut pas de Powerpoint hein ! Hey, doucement. On ne veut plus de supports de présentation de merde. Oui. En revanche un support de haut vol, cela peut, parfois, être un plus très utile et percutant.

Mais ca ne se substitue pas à l’essentiel. Cela ne masque pas les insuffisances. Parce qu’au fond, ce n’est pas ton support de présentation le secret.

Parce que le secret, je vais te le dire, c’est aussi simple que cela : le secret d’une bonne conférence et bien c’est d’abord d’avoir quelque chose à dire.

Mais tout le monde à quelque chose à dire non ? La preuve tout le monde ramène sa fraise sur tout.

Justement, c’est tout le sujet. Avoir quelque chose à dire, de pertinent certes, mais surtout d’utile pour celles et ceux à qui tu le dis. Quelque chose qui leur apporte de la valeur. Ce qui ne signifie d’ailleurs pas qu’il faille dire ce que les gens ont envie d’entendre.

Mais que tout commence par savoir si ce que tu penses devoir dire apporte vraiment quelque chose à celles et ceux à qui tu le dis. Voilà le premier secret. Parce que parler, c’est donner.

En résumé, la première condition d’une bonne prise de parole en public c’est d’avoir quelque chose à dire d’utile pour le public auquel on s’adresse.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.