Pour une marque employeur exclusive ?
Dans cet épisode, nous allons parler de marque employeur, d’exclusivité et d’inclusion.
Je vais vous livrer un scoop en toute exclusivité. D’un côté, on se veut unique, on marque sa différence de marque, parce qu’on veut être exclusif. Et de l’autre, on dit qu’on favorise l’inclusion.
Inclusif, exclusif… Je vais te le faire conclusif surtout : c’est l’art des paradoxes, du moins en apparence, car, au fond, peut-être n’est-ce pas si incompatible que cela. Surtout si ton exclusivité, c’est d’être inclusif, mais pour de bon.
Allez, on arrête les jeux de mots, les jeux de vilains, et on reprend la main. Alors, pour une marque employeur exclusive, c’est quoi l’histoire ?
On ne va pas revenir ici sur ce qu’est la marque employeur, une approche globale notamment destinée à attirer mais aussi retenir les collaborateurs.
Une affaire d’image en effet mais aussi de réalité, pour éviter le syndrome de la maison témoin. En somme, la promesse qui donne envie aux candidats de nous rejoindre. Et si la promesse est tenue, c’est ce qui leur donne envie de rester ! La promesse doit être connue et tenue !
Mais pour sortir du lot, pour se distinguer du tout-venant, pour qu’on entende la jolie petite mélodie de mon entreprise dans tout ce bruit ambiant, ce n’est pas si simple. Ici, en vérité, on ne va pas chercher forcément à parler plus fort que les autres pour couvrir leur voix mais bien à parler « mieux ».
En ce sens, afficher ses valeurs comme on afficherait un menu, c’est bien loin de suffire. Une marque employeur forte et attractive, c’est une marque employeur qui montre et qui démontre : les convictions de l’entreprise, sa raison d’être, sa vision, ses valeurs, ce qu’elle fait, comment chacun et chacune peut y contribuer et en sera reconnu etc.
Et plus on va se différencier de la masse en mettant en avant une identité propre, plus on prend le risque de cliver. En posant des mots sur ce qu’on est, sur l’identité de l’entreprise, sur ses valeurs, c’est un peu comme si on traçait une limite entre un monde du dedans et un monde du dehors.
Donc j’en déduis qu’une marque employeur forte est forcément anti-inclusion puisque la ligne ainsi tracée contribue à exclure ?
Ce n’est pas ce que je dis ! Là, c’est toi qui t’exclues en ne m’écoutant pas. En fait, ce que je dis c’est qu’une identité forte et affirmée va par nature exclure certaines personnes, à commencer par ceux qui ne partagent pas ces valeurs que tu affiches ou qui ne se reconnaissent pas dans cette identité affirmée. On va prendre quelques exemples.
On commence par exclure les personnes dont on pense qu’elles n’ont pas les compétences pour nous rejoindre. C’est un critère normal de recrutement. Si notre marque employeur affirme que nous visons l’excellence en tout ce que nous faisons, on monte la barre. On cherchera à recruter des gens excellents, ou au mieux dont on pense qu’on peut les rendre excellents. Et personne ne peut nous le reprocher.
Un processus de recrutement exclue de fait puisqu’on choisit. Aucune entreprise censée ne dira « je recrute tous ceux qui frappent à ma porte »… ne serait-ce que parce que le nombre de postes est limité que ta marque employeur soit affirmée ou non.
Mais si elle l’est, cela va renforcer ce marqueur. L’objectif pour l’entreprise c’est d’attirer plus de monde, pour avoir plus de choix mais in fine… choisir c’est aussi renoncer donc exclure.
Et le premier facteur d’exclusion vient peut-être même du projet en lui-même. Entre celles et ceux qui ont envie d’y contribuer et celles et ceux qui ne s’y intéressent pas. Or, une marque employeur repose avant tout sur le projet d’entreprise. On met en valeur la mission, la raison d’être de l’entreprise, ses valeurs.
Renforcer sa marque employeur en mettant tout cela en avant, c’est écarter celles et ceux qui n’y adhèrent ou ne s’y retrouvent pas. Donc on les exclue ! Et non seulement ce n’est pas grave et en plus c’est normal.
Si l’argument du projet ne suffit pas, alors tu vas aller chercher d’autres leviers pour attirer. Tu sais l’inflation des avantages : plus de pognon, la semaine de 4 jours, des avantages en nature à n’en plus finir, etc.
Super, il faut peut-être le faire, même si c’est dangereux car le désir des gens est infini et nos moyens pour y répondre sont limités. Mais c’est un autre sujet.
Prenons un exemple : je suis à la tête d’une start-up de la greentech, je vais naturellement aller chercher des collaborateurs qui s’engagent pour l’environnement, qui ont une conscience écologique. En mettant en avant essentiellement mon projet et sa raison d’être, j’exclue les climatosceptiques. Est-ce que c’est grave docteur ?
Bah non parce que si je recrute des climatosceptiques en interne, ça va m’empêcher de mener à bien mon projet.
Oui mais on pourrait se dire aussi qu’avoir des climatosceptiques dans l’équipe ça enrichirait le débat interne, ça permettrait d’aiguiser nos arguments donc ça renforcerait notre projet. C’est ça aussi la diversité, et moi je suis inclusif, alors… j’accepte tout le monde. Et on le sait, les anciens voleurs font de bons serruriers.
OK si tu veux. Mais à ce moment-là, il faut que tu trouves les arguments pour les attirer parce que naturellement les climatosceptiques ne viendront pas forcément frapper à ta porte spontanément. Tu feras donc peut-être des concessions sur d’autres choses. Qui feront que tu déçois les premiers qui sont venus te rejoindre et qui, eux, se sentiront alors exclus.
Et encore une fois, ce n’est pas grave si c’est de ça dont tu as besoin. Mais il faut y réfléchir, il faut le faire en étant conscient des impacts de ce que l’on fait. Il faut être cohérent. Et cela commence peut-être par savoir qui on veut attirer.
A partir du moment où on crée un collectif avec des gens qui en font partie et des gens qui n’en font pas partie, on exclue de fait. Une marque employeur met en avant le projet : ceux qui n’ont pas envie d’y participer, ceux que ça n’intéresse pas, vous n’en voulez pas. Ceux qui n’ont pas les compétences, ceux qui ne partagent pas les mêmes valeurs ou les comportements adéquats ne vous intéressent pas non plus.
Se poser ces questions est nécessaire pour une marque employeur affirmée et authentique, qui se différencie. Mais aussi pour s’assurer que celles et ceux qu’on exclue de fait le sont bien pour les raisons objectives que l’on visait et qu’on assume.
Faute de quoi, c’est la discrimination rampante qui vient se loger dans tous les interstices. En acceptant d’exclure certaines personnes, on regarde les choses en face et on agit avec une meilleure prise de conscience.
Au fond, c’est peut-être un moyen de favoriser une réelle diversité lorsqu’on se rend compte qu’on attire toujours les mêmes profils et qu’on gagnerait à élargir ou modifier notre spectre.
Cela donne des vraies pistes concrètes, bien plus fortes que de simples intentions.
La première étape est bien toujours la prise de conscience, la seconde la volonté de faire bouger les lignes.
En résumé, une marque employeur forte et affirmée est de fait exclusive. Le nier, c’est prendre le risque d’une discrimination tacite, indirecte et inconsciente. En prendre conscience, c’est se donner les moyens de favoriser une réelle diversité.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire