L’inclusion en mode pile ou face
Dans cet épisode, nous allons parler d’inclusion, en mode pile ou face !
Ici ils ont affiché le message « Venez comme vous êtes » parce qu’ils ne font pas de différences, ce qui compte ce sont les résultats. Là, ils prônent la richesse de la différence, ils en font une valeur
La preuve, c’est qu’on n’en parle jamais ! On est inclusif ! La diversité, la discrimination tout ça, ce n’est pas un sujet ici.
Et si le fait que ce ne soit pas un sujet en était justement un ? L’inclusion en mode pile ou face, c’est quoi l’histoire ?
Côté pile, l’inclusion dont tout le monde semble parler, du moins de premier abord. L’inclusion, qui ouvre les bras à l’autre, malgré ses différences, au-delà de ses différences. Toutes les différences. L’inclusion devenue synonyme de lutte contre la discrimination, trop négatif, et de diversité, trop franc.
Mais l’inclusion, au fond, c’est quoi ? Revenons justement aux définitions. Le dictionnaire nous dit que c’est « l’état d’une chose incluse dans une autre » c’est-à-dire « l’appartenance d’un ensemble à un autre ensemble ».
En mathématique, il y a inclusion quand un ensemble possède des propriétés qui sont contenues dans un autre ensemble.
Par exemple, le sous-ensemble « trompettes » est dans l’ensemble « instruments à vent » quand violon – « instruments à corde » n’est pas inclus dans l’ensemble « instruments à vent ». Mais les deux ensembles, « instruments à corde » et « instruments à vent » sont tous deux inclus dans l’ensemble plus grand des « instruments de musique ».
Eux-mêmes inclus dans l’ensemble des « trucs qui font du bruit » je vois le principe : derrière la notion d’inclusion il y a en fait celle d’appartenance.
Ce n’est pas tout que les autres me disent « tu fais partie du groupe », encore faut-il que moi j’en sois convaincue aussi. C’est le sentiment d’appartenance. Je me sens appartenir au groupe, parce qu’on partage quelque chose de commun, mais aussi parce que je me sens reconnue et acceptée pour ce que je suis.
Et c’est cela, la véritable inclusion : accepter l’autre pour ce qu’il est, dans toute sa diversité en s’appuyant sur ce qui nous rassemble, les fameuses propriétés communes.
Mais le dictionnaire précise que l’inclusion c’est : « l’état d’une chose incluse naturellement ou accidentellement dans une autre ».
Naturellement ou accidentellement : là c’est une question d’intention. Est-ce que le groupe m’accepte de fait, ou parce qu’il n’a pas le choix, ou parce qu’il en a envie ou parce que ça lui est utile ? Est-ce qu’il est venu chercher l’individu, ou est-ce que l’individu se trouve là par hasard ?
Moi un jour, mon manager m’avait bien dit quand je questionnais le processus de recrutement que je venais de terminer : « non mais toi on ne sait pas pourquoi tu es là, tu n’aurais jamais dû passer la première étape du processus ». Et pourtant, j’étais là, incluse dans le collectif, par accident.
Donc il y a bien une question d’intention au départ qui peut complètement changer la nature de l’inclusion ensuite. Parce que l’inclusion, toujours d’après le dictionnaire, c’est aussi la « présence d’un corps étranger dans un ensemble homogène auquel il n’appartient pas ».
Et là, celui qui est inclus… devient le mouton noir ! Celui qui ne passe pas inaperçu, il dénote.
Si on continue de considérer celui ou celle qu’on veut inclure comme l’étranger à intégrer au sein du collectif, alors notre inclusion risque bien de virer au cauchemar.
C’est le côté face ! Des expressions comme « issu de la diversité » montre bien que nous sommes encore loin du compte. Car on considère encore que la diversité c’est l’Autre, celui qui ne me ressemble pas, celui que je regarde non pas comme mon semblable mais au travers de ce qui nous oppose.
Si vous faites de l’inclusion en repeignant votre logo au couleur de l’arc-en-ciel un mois dans l’année. En jurant croix de bois croix de fer que tout le monde a les mêmes chances chez vous sans s’assurer que c’est une réalité. Alors, le diagnostic est simple, c’est du washing !
On voit le genre… On veut bien des gens différents mais pas trop quand même pour qu’ils ne dérangent pas… L’inclusion c’est une noble cause, mais à condition de s’attaquer en profondeur à ce qui l’empêche.
Et la lutte contre les discriminations commence là. Remettre à plat nos biais, nos préjugés et nos réflexes. Déconstruire nos systèmes de représentation pour les reconstruire ensuite. A commencer par s’interroger sur le sens des mots que nous utilisons : inclusion, diversité, discrimination. Par rapport à qui, à quoi, pourquoi ?
L’inclusion ce n’est pas chercher à intégrer coûte que coûte des personnes différentes. C’est chercher à favoriser le métissage, tisser des liens, manager la diversité.
Et l’un des enjeux est sans conteste de passer au crible l’ensemble des processus RH : recrutement, formation, détection des potentiels, promotion et mobilité interne. Et les questionner réellement : en s’intéressant aux critères affichés mais aussi aux critères tacites, ceux qui comptent mais qui ne sont jamais énoncés.
Et se demander si ces critères-là sont réellement ceux que l’on souhaite.
Parce qu’attention, nos processus sont nécessairement discriminants – au sens de « qui établit une distinction ». Dans un processus de mobilité ou de recrutement par exemple, on ne choisira pas tout le monde. C’est comme dans Koh Lanta, à la fin il n’en reste qu’un.
La question est de savoir si les critères sur lesquels la personne qui reste à la fin sont des critères solides, communicables à tous et surtout aux intéressés et dont on n’a pas à rougir.
En résumé, l’inclusion c’est accueillir des personnes aussi diverses soient-elles mais attention à ce que le terme ne soit pas une façade derrière laquelle on considère la différence comme étrangère. Ce qui compte, ce sont les intentions et la manière dont on les rend possibles.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire