Indifférence, condescendance et mépris au travail
Dans cet épisode, nous allons parler d’attitudes et de comportements aux effets ravageurs sur les personnes : indifférence, condescendance et mépris.
Vous serez gentille, ma petite, de m’apporter le microphone pour qu’on enregistre ce podcast.
Oui bien sûr, Monsieur le Président, et avec un café peut-être aussi… Oh ça va bien chef ? Tu pètes plus haut que ton cul là… C’est quoi cette attitude condescendante ? Celle du con qui descend de son piédestal comme un coq de son fumier ?
Ah oui cheffe, j’aurais dû t’ignorer, avec cette indifférence dont Joseph Joubert disait qu’elle « donne des faux airs de supériorité ». Bon salut, moi c’est Patrick, cheffe… Les micros sont bien installés…
Pour aborder un sujet qui ne nous laisse pas indifférent… Alors, indifférence, condescendance et mépris au travail, c’est quoi l’histoire ?
C’est en vérité une histoire vieille comme le monde et qui se concrétise par des attitudes et comportements aussi grossiers que vulgaires, ridicules surtout, mais dont les effets sont dévastateurs…
On ne va pas jouer sur les mots pour le coup, parce que là il s’agit de véritables maux. D’attitudes qui blessent. On pourrait en faire un dictionnaire entier. Le bréviaire du petit con. On va en lister 3 pour, ensuite, en tirer un enseignement.
“Qu’importe le temps Qu’emporte le vent Mieux vaut ton absence Que ton indifférence” chanter Gainsbarre… Je marque ostensiblement mon désintérêt à ton égard, je t’ignore et te le fais sentir, je te montre que tu n’existes pas, à mes yeux. Je t’invisibilise.
Je marque ma supériorité en t’accordant une faveur, avec une pointe de mépris. Je te montre à quel point tu n’es qu’un subalterne à mes yeux, indigne d’intérêt, surtout du mien. Je suis ton supérieur. Tu es donc mon inférieur. Je condescends, je m’abaisse en me faisant prier… Dis-moi merci.
Le dédain qui accompagne cette condescendance est l’expression d’un mépris, à peine dit mais si bien senti par celui ou celle qui en est l’objet, prisonnier du geste soi-disant bienveillant que le supposé supérieur a consenti…
Le mépris enfin, je te juge indigne de mon attention, de mon intérêt. Bref, tu es une merde. Et la merde ça me dégoûte, avec cette petite moue aux coins des lèvres qu’adoptent si bien les pédants, les suffisants, les fats, imbus d’eux-mêmes, imbuvables des autres… Ce mépris dont Montesquieu disait qu’il ne vaut que… mépris.
J’arrive en retard à notre rendez-vous ou je te fais volontairement attendre pour bien te faire sentir que mon temps est plus important que le tien… Ce retard, certains l’organisent savamment, parce que cela soumet l’autre. François Mitterrand en était un champion par exemple.
Ce bonjour qu’on te dit deux fois à 10 minutes d’intervalle, pour bien te rappeler que je t’ai oublié aussi vite que j’ai prononcé le mot. Ce prénom sur lequel je me trompe, t’appelant Paul quand tu t’appelles Jacques.
Cet ex-collègue qui t’a ostensiblement ignoré dans un cocktail, évitant ton regard avec soin, tête haute, rayonnant et souriant mais uniquement devant celles et ceux aux yeux desquelles il veut briller. Et qui t’a bien montré que tu n’existais pas, puisque tu ne lui sers pas.
Ces mails auxquels ton responsable ne répond pas. Cette réunion à laquelle tu pensais naturellement présenter le fruit de ton travail et où un supérieur hiérarchique a brillé à ta place en se les appropriant, et en ne manquant pas d’ajouter « vous ne pensiez tout de même pas y assister mon petit »
Bah si, justement, ça me paraissait normal… Cette phrase lancée à la cantonade et qui rabaisse de quelques mots les personnes présentes et leur fait bien sentir leur rang. Chacun son pré et les vaches seront bien gardées.
La « racaille », les « sans-dents »… tu n’as qu’à « traverser la rue » pour entendre ces petites phrases assassines, prononcées avec mépris, qui remettent l’autre à la place que tu daignes lui accorder…
Rappelle-toi Chirac en débat télévisé pour les présidentielles, disant à Mitterrand qu’il allait l’appeler Monsieur Mitterrand puisqu’à ce moment il n’était pas lui Premier Ministre et Mitterrand Président mais deux candidats…
« Mais vous avez tout à fait raison, monsieur le Premier ministre ! »
Cet art destructeur de l’indifférence au mépris ne ridiculise au fond que ceux qui l’adoptent. On le sait bien, plus le singe monte haut dans l’arbre, plus il montre son cul. Le propre de l’homme, si j’ose dire…
On pourrait n’y voir que les traits de l’hommerie dans toute sa connerie et pas de quoi en faire une histoire.
Mais quand c’est un groupe qui en méprise un autre, la caste ou la classe… En entreprise, on a alors là une formidable machine destructrice.
Ca commence souvent par cette manière ridicule de se présenter aux autres en assénant d’abord son statut… Ah tu me diras parce qu’entre pairs il faut bien se reconnaître… C’est cela l’ordre. Pas celui de la discipline, celui qui trace une frontière entre nous et les autres.
Bonjour Docteur Machin, Professeur Bidule, Président trucmuche…
Euh salut moi c’est Mahé… ça suffira…
Tu leur demandes ce qu’ils font, ils te répondent par leur grade… C’est quoi ton job demande le profane… « Cadre B2 »… OK d’accord. Mais c’est quoi ton job ?
Puis ça se regroupe, entre soi, donc contre les autres. Heureusement pas toutes et tous bien sûr, dans chaque catégorie, il y a la même proportion de gens bien et de fats… Mais des fats méprisants, il y en a aussi…
Le chef de service qui prend les infirmières pour des bonniches, parce que tu comprends il ou elle est un grand professeur de médecine… Le professeur d’université qui délimite bien la frontière avec le personnel administratif,
Le personnel soignant avec les agents de service hospitalier, les têtes pensantes du siège et les besogneux des établissements, les opérationnels métiers et les services supports…
Le mépris de classe n’a rien de nouveau, il a nourri de nombreuses luttes. Castes et classes, explicites ou implicites, France d’en bas France d’en haut, Paris province, on connaît la rengaine. Mais en entreprise, où l’on se plaint à longueur de journée du mal-être au travail, de désengagement,
Et de celles et ceux qui ne veulent plus d’un travail pénible, de la pénurie de main d’œuvre, de ces gens qu’on n’arrive plus à ramener au travail, à ce sens au travail qui disparaîtrait… Et bien dans l’entreprise, de l’indifférence de l’un au mépris de l’autre, il ne faudrait pas que cela devienne un mépris de classe…
Faute de quoi il ne faudra pas s’étonner…
En résumé, les attitudes d’indifférence, de condescendance et de mépris en entreprise peuvent être le signe d’un mépris de classe plus général, source de réelles souffrances pour celles et ceux qui en sont victimes. Et c’est bien peu propice à la bonne marche de l’entreprise dans son ensemble.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire