Pour une approche décloisonnée de la formation professionnelle

Dans cet épisode nous allons expliquer pourquoi il serait pertinent de décloisonner la formation professionnelle en entreprise.

Dans cet épisode nous allons expliquer pourquoi il serait pertinent de décloisonner la formation professionnelle en entreprise.

Tu as un métier. Alors exerce-le correctement ! Et ça commence par ton expertise métier. Développe-là, peaufine-là. Tu reviendras me voir quand tu seras véritablement expert de ton domaine et que tu en maîtriseras tous les outils et les méthodes.

Ah dans de nombreux domaines, c’est fou comme la formation professionnelle est guidée par une visée utilitariste focalisée sur l’acquisition de méthodes et de techniques avec une attente de retour sur investissement, de préférence le plus immédiat possible !

Et c’est alors qu’on conçoit le plus souvent la formation de manière segmentée et cloisonnée, c’est-à-dire découpée en domaines technico-professionnels que l’on estime a priori homogènes.

Même si ce découpage peut former efficacement aux techniques, cela ne permet pas de transmettre la perspective dans laquelle ces dernières doivent s’inscrire. Pour ce faire il faut voir plus large. Alors, décloisonner la formation professionnelle, c’est quoi l’histoire ?

D’abord, ce découpage en domaine techniques homogènes qu’on évoquait précédemment, ce qu’on pourrait appeler des expertises techniques, cela relève à mon avis bien plus de conventions et d’habitudes que de réalités professionnelles essentielles.

En outre, le retour sur investissement en matière de formation, c’est une attente légitime de l’entreprise, cela participe d’une logique normale d’optimisation emploi/ressources. Notre objet n’est pas de remettre cela en cause mais en revanche de voir ce que cela demande.

Enfin, il n’est pas non plus question de faire croire qu’il faut un socle important de culture générale pour être un bon professionnel. On peut en être un dans son métier sans avoir fait ses « humanités ». On peut être un opérationnel épanoui et efficace en ne connaissant de Montaigne que l’avenue ou devenir un chef de projet performant et heureux en ne connaissant de Picasso que la voiture.

Mais, en revanche, 2 nécessités nous semblent devoir être soulignées dès lors que l’on vise une certaine forme de professionnalisme dans l’exercice d’un métier.

La première réside dans le fait que plus la complexité des problèmes à résoudre augmente, ce qui est le cas de la plupart des domaines professionnels, plus il est nécessaire d’avoir une compréhension globale des propriétés structurantes et des conséquences des solutions qu’on manipule.

Et la seconde réside dans le fait que plus l’organisation favorise un fonctionnement transverse, moins hiérarchique, en mode projet, plus les collaborateurs ont besoin d’une vision globale, au-delà de leur strict périmètre d’activité.

Si l’on traduit, cela signifie qu’il est donc nécessaire de concevoir des formations qui ne visent pas uniquement à « rendre les participants capables » d’une meilleure maîtrise de méthodes professionnelles morcelées mais bien de « donner des clés aux participants » pour qu’ils puissent également façonner leur propre culture professionnelle dudit métier.

Cette exigence est d’ailleurs d’autant plus essentielle pour les disciplines transverses (management, RH, informatique, par exemple) qui appellent par nature une compréhension synthétique de toutes les composantes de l’entreprise, de son activité et de son devenir, c’est-à-dire d’en saisir le sens et l’intelligence.

Alors au classique développement de compétences métiers au travers de formations destinées à enseigner la sophistication des concepts, des méthodes et des outils, il faut adjoindre ce qui permet de comprendre les liens logiques et transverses qui les unissent.

On pourrait presque appeler cela une forme de culture métier, voire de culture générale de l’entreprise qui pourrait avoir une double finalité complémentaire.

En premier lieu, relier la pratique professionnelle en question aux grands mécanismes auxquels elle contribue dans l’entreprise pour que celui ou celle qui l’exerce lève le nez et puisse exercer son métier avec l’intelligence du tout. C’est un peu cela qui doit lui permettre de faire ses arbitrages en autonomie.

En deuxième lieu, comprendre intimement les rapports logiques qui unissent les techniques entre elles car chacune d’entre elles est une note d’une partition plus vaste. C’est ce qui permet en effet de comprendre le chemin qui mène de chacune de ces techniques à cette finalité plus large à laquelle elles contribuent.

Ces 2 consciences complémentaires, à savoir 1. à quoi on contribue, à quel projet collectif notre métier sert-il ? 2 les liens logiques entre les techniques métier pour en saisir le chemin avec le projet collectif, permettent toutes deux à l’expert de mieux saisir le sens et la contribution de son expertise.

Et c’est ce qui en fait l’efficacité in fine. C’est d’ailleurs pour cela qu’il ou elle sera mieux à même de cerner les comportements appropriés qui favorisent une mise en œuvre efficace de son expertise technique.

Prenons un exemple simple. Tu travailles dans un supermarché et tu dois t’occuper de préparer les commandes clients du Drive. Pour se faire, tu dois maîtriser certaines compétences techniques pour être efficace.

Par exemple, savoir où sont les produits, les retrouver vite dans les rayons, le cas échéant grouper plusieurs préparations par zone dans le point de vente pour optimiser ton circuit, etc.

Mais lorsque tu dois mettre des fruits au poids dans ta commande par exemple, tu fais quoi ? Tu essayes d’en glisser quelques-uns pas terrible dans le lot ou au contraire, tu les choisis comme si c’était pour toi et les manipule avec précaution…

Parce que tu as compris d’une part qu’un fruit c’est un produit vivant donc fragile et d’autre part que le choix que tu as fait est clé dans la satisfaction du client final. Et qu’un client insatisfait du Drive c’est peut-être aussi un client qui ne reviendra pas dans le point de vente parce qu’il se sera fait une mauvaise image de l’enseigne.

Il ne s’agit donc pas en l’occurrence de seules compétences techniques auxquelles on ajoute quelques compétences comportementales mais bien de saisir un tout qui te permet d’exercer un métier avec intelligence !

Et pour saisir ce tout il faut décloisonner les approches de formation qui sont bien souvent pensées de manière trop silotées en fonction de ces seules expertises. Et cela vaut pour tous les métiers !

En résumé, exercer un métier avec professionnalisme ne réside pas que dans la maîtrise de compétences métiers et de compétences comportementales. Cela demande de comprendre ce à quoi le métier contribue pour inscrire son action en intelligence avec le projet collectif. Il faut donc penser la formation de manière décloisonnée.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire