L’empathie une affaire de perception
Dans cet épisode, nous allons définir ce qu’est l’empathie.
Dans cet épisode nous allons définir ce qu’est l’empathie.
“I feel your pain” avait dit à plusieurs reprises Clinton lors de sa campagne de 1992. Et cette phrase a été tournée en dérision aux Etats-Unis où finalement on lui reprochait son manque de sincérité et de… réelle empathie.
De la même manière, en France, quand De Gaulle en 1958 à Alger scande « je vous ai compris » et que personne n’est réellement sûr de savoir ce qu’il a justement compris. Il semblerait qu’être empathique ne se limiterait pas à dire que nous le sommes. Mais alors c’est quoi l’empathie ? L’empathie, une affaire de perception, c’est quoi l’histoire ?
On entend trop souvent que l’empathie c’est se mettre à la place de l’autre, de ressentir les émotions de l’autre… Même le Larousse nous induit en erreur quand on le lit trop vite. Il nous dit je cite « faculté intuitive de se mettre à la place d’autrui ». Mais entendons-nous bien… ce n’est pas possible parce que justement l’autre… est autre.
Cette expression « se mettre à la place de l’autre » est dangereuse. Finalement, elle prive l’autre de son altérité. Le droit d’être réellement autre donc d’être lui-même. En utilisant cette expression, implicitement, on ne considère plus l’autre pour ce qu’il est : un Être à part entière, doté de raison, capable de ressentir ses propres émotions.
Mais on prend sa place… du moins on le prétend et alors la frontière est franchie : plus rien ne nous empêche de réfléchir et de décider pour lui, à sa place. L’autre n’est plus Sujet, mais Objet. “Oh moi le grand chief happiness officer je sais ce qu’est ton bonheur à ta place !” Mieux que toi petit vermicelle ! Les injonctions dictatoriales ne sont jamais très loin !
Vous l’aurez compris, l’empathie ne peut donc pas être définie comme la capacité d’un être humain à se mettre à la place d’un autre être humain. Poursuivons la définition du Larousse : « Faculté intuitive de se mettre à la place d’autrui, de percevoir ce qu’il ressent. ». La deuxième partie de la proposition nous parait en effet plus juste.
L’empathie est une affaire de perception. Je ne suis pas l’autre. Je suis moi, à côté de l’autre et je perçois ce que l’autre émet comme information.
Finalement, l’empathie c’est rencontrer l’autre, c’est-à-dire être en présence de l’autre. Réellement en présence de l’autre, pas seulement partager un lieu et un temps commun avec lui mais une présence commune : être en proximité.
Et dans cette présence, l’être se déploie. C’est ici qu’il s’exprime, complètement. Mon ami Patrick Bouvard m’a un jour mis en garde en me disant : essaie de saisir cet être, de le figer et tu rompras cette proximité et en précisant je cite « du fait même de cet arrêt, nous ne permettons plus à notre œil que de voir une forme vide d’une présence que nous n’avons pas su recueillir. »
Finalement ce qu’il faut en comprendre c’est qu’être empathique réside justement dans cette capacité à recueillir la présence de l’autre. Il s’agit de créer les conditions de cette présence commune. Et nous voyons ici trois points à souligner.
La première étape, sans laquelle rien n’est possible, c’est de permettre à l’autre de s’exprimer, d’émettre des informations qu’elle qu’en soit la nature (par la parole, des gestes, de l’ordre de l’explicite ou du tacite etc.) La communication peut évidemment prendre une infinie variété de formes, simultanément. Parfois aussi contradictoires quand tous les signaux que la personne émet semble contredire ce qu’elle dit.
Et ici, on voit l’importance de notions clés comme la confiance, l’écoute, le respect…
Ensuite, il faut être en capacité d’accueillir cette présence. C’est-à-dire que nos propres capteurs doivent être suffisamment aiguisés et ouverts pour capter les informations émises. Il est donc là encore question d’ouverture et d’accueil des informations de l’autre. Prêter attention, c’est bien mettre de soi à la disposition de l’autre pour un temps, certes déterminé.
Nous le répétons ici, mais lorsque l’on parle d’accueil on ne parle pas d’imagination ou de projection, il ne s’agit pas d’imaginer ce que l’autre ressent ou de le ressentir à sa place. Mais bien de recevoir les informations que l’autre accepte de nous transmettre.
Et cela suppose d’être suffisamment lucide, c’est notre troisième point : faire la différence entre soi et l’autre. Ne pas prendre possession de l’autre en l’enfermant dans une case, en lui collant une étiquette, une description, un « je sais qui tu es » qui lui interdit toute évolution future.
Cette lucidité nécessite un travail sur soi, prendre conscience de ses biais de perception (qui sont nombreux) et rester alerte pour ne pas y succomber.
Un travail sur soi et ce qu’il faut de distance. Regarder l’autre en tant qu’Autre, différent de soi, tout en se plaçant suffisamment proche pour l’entendre et le comprendre.
En résumé, faire preuve d’empathie ce n’est pas se mettre à la place de l’autre ou ressentir les émotions de l’autre car cela n’est pas possible. Mais c’est essayer de percevoir au mieux ce que l’autre ressent et pour être empathique il faut dont créer les conditions de cette perception : 1 pour que l’autre exprime ce qu’il ressent 2 être suffisamment sensible pour capter cette expression et 3 avoir la lucidité et la distance nécessaire pour les interpréter avec le moins de biais possible.
J’ai bon chef ?
Oui mais on ne va pas en faire tout une histoire