La culture du risque et de l’incertitude comme preuve de prudence
Dans cet épisode nous allons vous parler de notre rapport aux notions de risques et d’incertitude.
Dans cet épisode nous allons vous parler de notre rapport aux notions de risques et d’incertitude.
La crise sanitaire de la Covid nous a rappelé que l’impensable pouvait arriver. Elle nous a rappelé que, précisément, l’impensable ne pouvait être pensé, que l’incertitude était simplement… incertaine.
Oui et c’est ce que nous rappelait Pierre Dac, avec humour comme toujours, quand il disait que « rien n’est moins sûr que l’incertain ».
Ces notions ont toujours été structurantes pour nos attitudes et nos comportements, individuels comme collectifs. C’est particulièrement le cas dans certaines activités ou métiers, comme la banque d’investissement par exemple ou les assureurs aussi.
Oui et aussi ceux qui justement les rassurent et donc les réassureurs ! Bref, on voit bien que la nature du rapport que nous entretenons avec ces notions de risque et d’incertitude est structurante … Alors la culture du risque et de l’incertitude, c’est quoi l’histoire ?
Le thème du risque s’inscrit dans la double nécessité d’efficience et d’adaptation pour nos entreprises. Cette double exigence est en soi un autre sujet mais il nous permet d’éclairer la difficulté que l’on a face à ces notions.
En effet, l’efficience repose le plus souvent sur la mise en œuvre de modes d’organisation dérivés du Taylorisme dans lesquels la prévisibilité est une clé de voûte. On met en place des modèles, des processus, un travail prescrit qui par nature sont pensés à l’avance et donc ne peuvent pas être changés si facilement et si vite que cela.
Ils donnent donc leur pleine mesure quand on peut prévoir les éventuels ajustements nécessaires mais face à l’imprévu, ils sont un peu perdus ! Cette culture taylorienne invite davantage à considérer que tout choix concernant le futur doit reposer sur une analyse fine des risques et de leur maîtrise.
Pourtant, le principe même de l’incertitude est bien d’être incertaine… et donc de ne pas pouvoir être maîtrisée. Il convient d’ailleurs de distinguer risque et incertitude, mais c’est un autre sujet.
C’est bien pour cela que la tendance générale repose surtout sur une forme de modélisation permanente. On cherche à maîtriser tous les processus en s’appuyant sur des principes rationnels, c’est l’illusion du contrôle !
C’est ce qu’Yvon Pesqueux (2010) désigne lorsqu’il dit, je cite « la gestion des risques s’inscrit dans le droit-fil de l’utopie du « management scientifique » : la recherche d’une exhaustivité dans la détection et la maîtrise des risques sur la base d’un jugement d’expert ».
Et pourtant, quid du hasard ? De la chance ? Faut-il réellement tenter de tout maîtriser à l’aide de probabilités ? Et alors de prendre le risque de rester bouche-bée si l’improbable arrive ?
Ne vaut-il pas mieux prendre le risque d’entreprendre ? De faire ? D’avancer ? Et de se préparer à rebondir ? Dans un monde où l’on sait que la transformation devient permanente, où l’adaptation constante est de fait une nécessité de plus en plus fréquente ?
Ce que nous défendons ici, sur un plan managérial, ne relève pas de l’incitation à la prise de risque comme modèle de décision. Encore moins à l’idée de se prouver quoi que ce soit dans un jeu de « cap ou pas cap » visant à repousser ses limites.
Non, il s’agit au contraire d’un rapport de prudence, ce rapport au risque qui découle d’un principe simple et fort que Saint-Exupéry a résumé en disant : « l’avenir, tu n’as pas à le prévoir mais à le permettre ».
C’est exactement la réponse à la question que tu posais ! Transformer notre vision du risque revient par conséquent en quelque sorte à ne pas chercher systématiquement à prévoir mais à se préparer.
Oui, et il s’agit d’abandonner cette vaine utopie que l’on pourrait tout contrôler, au profit d’une posture sur le fond prudente qui consiste à se mettre en condition de savoir réagir dans les meilleures conditions lorsque les aléas se réaliseront.
En d’autres termes, il faut développer dans les entreprises, et ce à toutes les strates managériales de l’organisation, une véritable capacité à anticiper, mais ça c’est un autre sujet.
La prévisibilité appelait une solution juste et apprise, c’est-à-dire une organisation en fonction d’un seul futur possible, car prévu à l’avance. C’est la différence d’ailleurs entre prévision et prospective, mais c’est un autre sujet.
Alors que l’imprévisibilité, elle, impose par nature l’expérimentation, le jeu de l’essai-erreur, ce que nos amis anglo-saxons appellent « test & learn », c’est d’ailleurs une affaire de culture, mais c’est un autre sujet.
A vouloir tout maîtriser, c’est notre avenir qui finira par nous échapper. L’incertitude est inhérente à la vie. L’incertitude n’est pas le problème mais une donnée du problème. Il convient donc non pas de ne pas en tenir compte, mais de ne pas chercher à la rationaliser systématiquement.
Là où il y a de la vie, il y a de l’imprévu, donc de l’incertitude et peut être même du danger. Vivre c’est prendre un risque.
Quand certains occidentaux moquent ce qu’ils appellent fatalisme chez certaines cultures qui leur semblent lointaines, avec la suffisance et la condescendance qui caractérisent ceux qui croient savoir, et bien ce qu’ils moquent est peut-être une preuve de sagesse. Accepter l’incertitude est une preuve de sagesse et d’humilité qui nous prémunit de l’hypertrophie des chevilles ou du melon qui nous laisserait croire que nous contrôlons tout ! Et se prémunir de ce risque-là est d’une grande prudence.
C’est cette phrase de sagesse de Marc Aurèle … « Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l’être mais aussi la sagesse de distinguer l’un de l’autre ».
En résumé, le risque est inhérent à la vie, il existe forcément. Vouloir le maîtriser totalement et s’en prémunir est une utopie. Plutôt que de chercher à tout prévoir, il convient de se préparer à rebondir en cas d’inattendu et ainsi répondre (en partie) à la double exigence de productivité et d’adaptabilité de nos entreprises.
J’ai bon cheffe ?
Oui, tu as bon, mais on ne va pas en faire toute une histoire ?