Risque, incertitude et danger

Dans cet épisode nous parlons de risque, d’incertitude et peut-être même de danger.

Retranscription de l’épisode

Dans cet épisode nous allons vous parler de risque, d’incertitude et peut-être même de danger.

Le discours sur l’agilité fait en effet régulièrement référence à un monde VUCA, Volatile Incertain Complexe et Ambigu pour justifier la nécessité de développer une capacité d’adaptation rapide à un monde de plus en plus changeant et incertain.

Oui et ce spectre de l’incertitude donne corps à des tendances ou des modes – comme le management agile ou le responsive management par exemple – aux termes d’ailleurs toutes deux empruntés à l’univers informatique comme par hasard. Et pourtant la gestion des risques est une expertise connue depuis longtemps. Alors de quoi parle-t-on ? Quelle différence entre le risque et l’incertitude ? C’est quoi l’histoire ?

Commençons par le début. C’est-à-dire par ce qui existe. Le danger. Quand on traverse la rue sans regarder, le danger c’est la voiture. Et le risque c’est de se faire écraser. Risque et incertitude sont deux notions qui nous renvoient inévitablement à la peur. Celle du danger. Si le danger c’est la voiture, traverser la rue sans regarder c’est risqué.

Oui et c’est con surtout. On connaît l’expression consacrée « la peur n’évite pas le danger » ! Ton exemple comme cette expression posent la question de notre attitude face à l’existence d’un danger. Certain, probable ou impensable.

Et ce danger n’est en effet pas toujours certain. Les gaulois d’Astérix n’avaient-ils pas peur de rien sauf que le ciel leur tombe sur la tête ? Pourtant, ca ne risque pas vraiment d’arriver ! C’est une peur irrationnelle. Pourtant imagine que le ciel nous tombe vraiment sur la tête, ça risque de nous faire vraiment mal non ?

Oui la conséquence serait grave si le ciel nous tombait sur la tête. Mais la probabilité que cela arrive ne semble pas très élevée en effet. En fait on a là deux choses différentes : la probabilité que l’aléa se réalise et les conséquences si cet aléa se réalise. Or, la peur du second peut facilement conduire au manque de lucidité sur le premier, toujours comme chez les Gaulois d’Astérix avec Goudurix qui avait peur de tout avant d’arriver chez son Oncle Abraracourcix.

La question est donc celle de la probabilité de réalisation du danger de manière à adapter notre attitude avec intelligence. Et c’est vrai que dans le langage courant, on fera peu de différence entre le risque et le degré d’incertitude qui est lié à ce risque.

Les 2 notions sont en effet liées. Le risque est en quelque sorte une incertitude prévisible. On peut estimer le risque à l’aide de probabilités parce que la situation dont il s’agit entre dans notre champ de conscience, c’est dans le domaine du pensable, dans le domaine de ce que nous connaissons et sur lequel nous avons pu établir des statistiques, même approximatives.

C’est un peu comme la météo par exemple. On encadre désormais assez bien le risque qu’il pleuve. En revanche, on encadre moins bien celui du ciel qui nous tombe sur la tête qui faisait peur au village d’Obélix ! Dit en d’autres termes, ce danger là est incertain, car il n’entre pas vraiment dans le champ de ce que l’on connaît. On ne peut pas estimer la probabilité que cela arrive.

La pluie qui tombe sur la tête, au doigt mouillé on le prévoit, mais le ciel qui nous tombe sur la tete bah « Ptet ben qu’oui Ptet ben qu’non » disent les Normands. Le risque et l’incertitude. Le risque qu’il pleuve et l’incertitude que le ciel nous tombe sur la tete. Le premier s’estime car il relève du domaine du prévisible, le second ne s’estime pas car il n’est pas dans le domaine de ce que nous aurions pu prévoir. Le risque est probable, l’incertain est improbable.

Toute la question par conséquent est de savoir la bonne décision à prendre. On peut imaginer qu’une bonne maîtrise du risque aide à parfaire nos décisions. La météo me dit la probabilité qu’il pleuve et ma décision intelligente c’est d’emmener un parapluie. Mais en revanche que faire face à l’incertitude ?

C’est tout le problème. L’incertain c’est précisément ce que l’on ne peut raisonnablement pas vraiment imaginer. Et là on a finalement deux situations. Ce qu’on peut penser, ou se représenter par l’imagination, même si l’on a dû mal à détailler ce que cela veut dire, et ce qui est au-delà de notre champ de conscience, l’impensable. Ce que la raison peut concevoir et ce qui lui échappe.

Quand la raison peut concevoir, même si l’on ne peut pas estimer la probabilité que cela arrive, on a au moins la possibilité de se dire que cela peut arriver. Ou pas. Mais au moins on imagine un possible. Alors que si cela échappe totalement à notre champ de représentation, on ne peut pas. Alors quelle attitude avoir dans ce cas ?

C’est là où cela nous renvoie à un autre sujet. La prévision quand on peut prévoir. Face au risque. La prospective quand on ne peut pas prévoir mais qu’on imagine le champ des possibles.

Et quand on ne l’imagine pas ? On s’asseoit sur un banc, on regarde le ciel et on attend patiemment qu’il nous tombe sur la tête ? Ou pas. Ou on le regarde parce que c’est beau. Puis on se lève et on avance, en acceptant l’idée de ne pas tout maîtriser.

Exactement. Ne pas chercher à modéliser l’irrationnel mais au contraire le prendre comme une donnée du problème. Accepter l’existence de l’incertitude. Donc prendre un risque. Celui de vivre, sans tout contrôler.

En d’autres termes, ce qu’on appelle fatalisme chez certains c’est finalement peut-être une preuve de sagesse, celle de savoir qu’on ne sait pas, celle d’accepter l’existence même de l’incertitude, quand bien même nous déplaise-t-elle !

En résumé, le risque est une forme d’incertitude dont on peut apprécier la probabilité de survenue, là où l’incertitude ne se prévoit précisément pas. On répond donc au risque par la prévision et à l’incertitude qu’on ne peut pas prévoir mais qui relève d’un possible que l’on peut penser par la prospective. Quant à ce qu’on imagine même pas, il est plus sage d’en accepter l’augure.

J’ai bon chef ?

Oui mais on ne va pas en faire tout une histoire.