Manager de proximité : une affaire de pédagogie

Dans cet épisode nous allons parler d’une des facettes les plus importantes du rôle de manager de proximité ou de l’encadrement intermédiaire, à savoir la pédagogie.

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Dans cet épisode nous allons vous parler d’une des facettes les plus importantes du rôle de manager de proximité ou de l’encadrement intermédiaire, à savoir la pédagogie.

Alors on veut nous remplacer le manager de proximité par des leaders inspirants, d’autres appellent de leurs vœux des managers augmentés, et on y invite de l’intelligence artificielle ou du design thinking ou je ne sais quelles réunions debout ou en marchant. Sommes-nous bien raisonnables ?

On peut se le demander en effet oui. D’autant qu’on a peut-être plus que jamais besoin de ce management intermédiaire, qu’on qualifie parfois de courroie de transmission. Transmettre, ou faire acte de pédagogie. Mais de quelle pédagogie s’agit-il ? C’est quoi l’histoire ?

Revenons à ce qui fait que les personnes s’investissent dans leur travail. Il faut au fond qu’elles adhérent à un but, à un projet collectif qui donne sens à leur effort, qu’elles disposent d’un minimum d’autonomie pour y apporter leur contribution et qu’elles en retirent une reconnaissance, morale et financière, qu’elles ressentent juste.

Oui et d’ailleurs dans certaines entreprises, qui s’inspirent des modèles comme celui de l’entreprise libérée, dans lequel on donne la part belle au projet comme force motrice, un projet le plus souvent incarné par un ou une dirigeante charismatique, et dans lequel par ailleurs on laisse une grande liberté d’action. On y stipule en filigrane que l’on n’a pas besoin vraiment de managers intermédiaires. Et on y confond peut-être aussi liberté et autonomie mais ça c’est un autre sujet.

Oui et c’est une source de confusion. Le projet comme soleil qui éclaire les âmes ne se suffit pas à lui-même. Le quotidien en ronge l’éclat très vite, comme l’éloignement d’ailleurs. Les propriétés du fil d’ADN de ce projet et bien elles s’estompent à mesure qu’on l’étire par exemple d’un siège social, dans une grande tour de Manhattan ou de La Défense jusqu’au terrain, jusqu’au concret, dans une usine lointaine dans l’Alentejo ou à Saint Etienne ou ailleurs.

Et c’est bien là le rôle de courroie de transmission de l’encadrement intermédiaire. Porter le projet, ce que les anglo-saxons appellent « mission, vision, valeurs » au plus près du terrain, au plus près des opérations. En gros, les managers ne seraient donc que de simples messagers ?

Non ce ne sont pas des perroquets, bien au contraire. Leur rôle est ici très concret et on peut appeler cela faire la pédagogie du projet. C’est-à-dire faire en sorte que chaque personne de l’équipe puisse comprendre sa contribution personnelle.

C’est donc la pédagogie du sens dont il s’agit. Traduire le projet de l’entreprise à l’échelle de de l’équipe d’abord pour que chacun et chacune s’approprie sa contribution personnelle ensuite. Et cette contribution se matérialise par une zone d’autonomie qu’on a déléguée. C’est expliquer au fond, comme dans l’anecdote des 3 tailleurs, le lien qu’il y a entre la pierre que l’on taille individuellement et l’édifice que l’on construit collectivement, c’est-à-dire l’œuvre qui motive la coopération.

Oui exactement. C’est expliquer le projet collectif, le lien avec la contribution de l’équipe et chacune des contributions individuelles. C’est en quelque sorte donner le sens du travail de chacune et de chacun.

Mais alors il suffirait de ne le faire qu’une fois non ? ou simplement quand le projet collectif évolue, ça suffirait bien non et alors on pourrait se passer de managers dans la durée ?

Peut-être, sauf que, bien que le projet collectif en tant que finalité ne change que très rarement car il est par nature pérenne, les conditions de sa réussite changent régulièrement. Il faut bien prendre des décisions pour s’adapter au fil de l’eau en fonction des contraintes, des difficultés ou des opportunités qui ne manquent pas de survenir.

Et là le manager a aussi un rôle pédagogique tout à fait essentiel à jouer. En l’occurrence expliquer le sens des orientations et des décisions qui sont prises que ce soit à l’année, au mois, à la semaine ou même parfois à très court-terme. Là encore, les gens ne sont pas idiots, ils comprennent même qu’on puisse se tromper, encore faut-il pour cela qu’ils puissent mesurer pourquoi on s’est trompé et pourquoi la situation exige de changer son fusil d’épaule !

Non seulement les gens peuvent comprendre qu’on se trompe mais ils ne comprendraient surtout pas qu’on ne change pas quand la situation l’exige. Au fond, ce qui importe à une grande majorité de personnes, pour préserver le Bien Commun que représente l’entreprise et son projet, c’est de voir que les décisions qui sont prises, même si elles doivent changer, s’inscrivent précisément dans l’intérêt de ce Bien Commun et pas pour satisfaire la carrière d’une personne qui brigue un haut poste dans l’administration, une promo interne ou tout simplement un bonus de fin d’année !

Cette pédagogie a donc 2 dimensions : faire en sorte que chaque personne comprenne intimement le sens de sa contribution, là où elle est. Et dans la durée, faire la pédagogie des décisions temporelles qui jalonnent la vie de l’entreprise et qui affectent par nature le travail de chacun et chacune.

Oui faire la pédagogie, ici et maintenant, hic et nunc, d’abord toi ce qui concerne ta mission, ici, et ce qui se passe, là, maintenant. Il n’y a rien de plus récurrent que cela, et il faut bien des managers pour transmettre cela au quotidien.

Et cette pédagogie-là n’est pas une affaire d’autorité, d’autant plus que se développe une forme de rejet de la verticalité de l’exercice du pouvoir dans la société civile, mais c’est un autre sujet.

La pédagogie par le sens renvoie aux fondamentaux de la rhétorique pour convaincre.

Entre l’Ethos, l’argument d’autorité, le Pathos, le recours à l’émotion et le Logos, la force du raisonnement, c’est bien le dernier dont il s’agit et qu’on attend d’un manager. C’est peut-être bien cela, tout simplement, donner du sens au travail, bien plus que de « ré-echanter » l’entreprise comme on l’entend ici ou là et qui repose surtout sur une fibre affective, par nature déresponsabilisante.

En résumé, les managers intermédiaires jouent un rôle important parce qu’ils font non seulement la pédagogie du projet de l’entreprise pour que chaque personne comprenne intimement la contribution qui est la sienne, mais aussi parce qu’ils font la pédagogie des décisions et des orientations qui sont prises pour que chaque personne en comprenne les justes motivations et se les approprient en connaissance de cause.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire