Compétences clés, critiques et stratégiques

Dans cet épisode nous allons explorer différents types de compétences pour mieux cerner à quoi elles servent.

Les gens des ressources humaines, vous avez le chic pour inventer tout un tas de trucs auxquels les managers ne comprennent jamais rien.

C’est vrai que les experts du métier, portés par le purisme de leur expertise, oublient parfois d’être compris par celles et ceux à qui ils s’adressent mais ça c’est une autre histoire.

Une longue histoire même. Aussi longue que les différents types de compétences dont on entend parler… Compétences métiers, compétences techniques, compétences transverses, hard skill, soft skill, mad skill, on en perd son latin et même son anglais.

Alors essayons de clarifier un peu. Et comme tu ne les as pas nommées, allons-y… Compétence clé, critique et stratégique, c’est quoi l’histoire ?

On ne va pas entrer ici dans un long débat pour définir la notion de compétence en tant que telle, il faudrait un ouvrage en entier. On vous renvoie notamment à Guy Le Boterf si vous voulez creuser ce sujet. On va juste rappeler ici une première idée simple.

Une compétence peut être individuelle ou personnelle bien sûr mais elle peut aussi être collective. On va dire les choses simplement, dans le deuxième cas, c’est une compétence dont l’entreprise dispose même si ce sont, in fine, en grande partie des personnes qui les détiennent.

Mais ce n’est pas aussi simple. D’ailleurs, parfois, il y a en effet des confusions. On confond par exemple la personne et la compétence, dans le genre « je recrute un talent », on confond parfois le potentiel et les potentiels, etc.

Là, ce dont on parle c’est, au fond, de compétences collectives qui font la richesse de l’entreprise.

On va commencer par la notion la plus fréquemment entendue. La compétence clé. C’est un concept introduit dans les années 90 par Prahalad et Hamel et qu’ils nomment « core competence » (Prahalad & Hamel, 1990). On est là dans une logique simple.

Certaines compétences dont dispose l’entreprise lui donne un avantage concurrentiel. Un ensemble de compétences qui est une source durable de différenciation par rapport aux autres. Bref, un atout distinctif qu’il faut entretenir.

Par différents leviers car ladite core competence est une combinaison bien sûr des compétences des personnes mais aussi de technologies, d’habitudes de travail ou ways of working, d’organisation etc. Une sorte de super pouvoir de l’entreprise en quelque sorte.

A une époque, le Toyotisme, fait de combinaison de lean management et d’amélioration continue fondés sur toute une culture, était une compétence clé de Toyota.

De la même manière, le design hyper optimisé et une supply chain au top mondialement chez Ikéa c’est certainement un atout distinctif difficile à reproduire. C’est une compétence clé.

Les auteurs à l’époque citaient aussi, par exemple, Volvo et la sécurité ou Honda avec les moteurs.

La notion de compétence critique, c’est autre chose. C’est toujours une capacité de l’entreprise mais en substance une capacité plutôt difficile à acquérir certes mais surtout dont on ne peut pas vraiment se passer.

Critique car si on la perd on est dans la merde pour faire court. On n’a donc pas d’autre choix que de la maintenir et la cultiver.

Certains auteurs la définissent comme une compétence indispensable pour arriver à un niveau minimal pour exister sur un marché. Dit autrement, ce n’est pas clé, c’est même plutôt basique.

Des compétences essentielles mais pas différenciantes en tant que telles. La compétence critique est une sorte de condition sine qua non. Nécessaire mais pas suffisante pour faire la différence.

Le ticket d’entrée dont tu ne peux pas te passer. Sans une maîtrise avancée de la chaîne logistique, par exemple, ne rêve pas de devenir Amazon. La logistique est une compétence critique.

Mais pour avoir un atout concurrentiel face à eux, cela ne suffit pas.

Ce qui fait qu’Amazon est inimitable, ce n’est pas que l’excellence logistique. C’est certainement aussi la maîtrise de la techno, la culture, la capacité à passer à l’échelle, bref, un ensemble plus vaste, qui en l’espèce fait la compétence clé, pour le coup, d’Amazon.

Certains auteurs ont introduit cette différence. La compétence critique pour exister, la compétence clé pour avoir un avantage compétitif. C’est presqu’une question de seuil.

Il n’en reste pas moins que la compétence critique doit être maintenue parce que pour dire les choses simplement, sans son entretien, tu disparais.

Donc c’est stratégique alors ?

Voilà encore un gros mot valise. Ce n’est pas parce que c’est important voire vital que c’est stratégique. Est stratégique ce qui relève de la stratégie, ou y participe si tu veux, pour simplifier.

Une compétence stratégique c’est donc une compétence que l’entreprise doit avoir et donc développer pour réussir sa stratégie.

A un moment de son histoire, dans un contexte donné, l’entreprise a une stratégie. Pour la mener à bien, elle met l’accent sur une compétence ou un ensemble de compétences qui lui permet de soutenir cette stratégie.

Donc c’est clé ? Bon je blague.

Au fond, la question est de savoir ce qui permet de créer de la valeur durablement. Un modèle intéressant de ce point de vue c’est le modèle de Jay Barney, baptisé VRIN puis VRIO. En résumé, ce sont les cases qu’une compétence doit cocher pour être considérée comme source d’un avantage durable.

En l’occurrence, est-ce qu’elle est créatrice de valeur, rare, inimitable et non substituable. C’est un modèle dérivé de la théorie des ressources ou resource-based view. Mais c’est une autre histoire.

Bref, on joue certainement un peu sur les mots et les subtilités dans tout cela mais, après tout, si un chat c’est un chat, il y a quand même plein de chats différents.

En résumé, une compétence clé est une compétence de l’entreprise qui la dote d’un avantage concurrentiel durable, une compétence critique c’est une compétence vitale dont elle ne peut se passer et une compétence stratégique c’est une compétence qui sert à soutenir sa stratégie.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.