HRBP ou RRH, le faux débat
Dans cet épisode nous allons éclairer le débat sur la différence entre HRBP, Human Resources Business Partner et RRH, Responsable Ressources Humaines.
Les praticiens et les praticiennes de la fonction RH comme celles et ceux qui la commentent – surtout s’ils ont quelque chose à lui vendre – ne sont pas avares de débats.
Nombre d’entre eux ont d’ailleurs la tête du serpent de mer : ils viennent, on les oublie un temps, puis ils reviennent inlassablement.
Comme si chaque génération redécouvrait ce que l’on sait déjà tous, y allant de son avis affirmé sur les choses.
Il en est ainsi de questions comme « le recrutement fait-il partie de la fonction RH ? » … On voit là tout le caractère fécond de la question… Bref.
Ou encore, « la fonction RH va-t-elle disparaître ? » qu’on remet au goût du jour depuis 40 ans, quand arrive le web en 2000 ou 25 ans plus tard avec la démocratisation de l’IA.
L’un de ces débats – vous l’aurez compris – porte sur une différenciation entre 2 titres de fonctions de RH de terrain. Alors, HRBP ou RRH, le faux débat, c’est quoi l’histoire ?
Les titres de fonction, comme les galons et les barrettes, diable qu’on aime ça. Un trait plein sous ton titre dans l’organigramme et voilà que tu regardes de haut celui qui n’est que souligné de tirets et pointillés… La nature humaine et ce qui fait son charme… ou pas.
Comme on aurait pu l’imaginer facilement les défenseurs du HRBP souligneront, d’un trait ferme et définitif – un point c’est tout – comme il se doit pour que leur avis ne se détache pas en petits tirets qui s’envolent au vent…
Bon tu arrêtes de filer les métaphores là … Va au but. Les HRBP donc soulignent que…
Dans HRBP il y a BP.
Merci, de la précision, on vient de faire un pas de géant. Et donc ?
Le Business ! Business Partner tu vois un peu le grade que tu prends d’un coup. Le RRH ne serait qu’un rond-de-cuir pousse-crayon administratif caché dans la pénombre des bureaux et les obscurs méandres du droit du travail…
Quand l’autre, auréolé du qualificatif de Business Partner en sortirait pour briller de mille feux à la lumière des affaires, c’est-à-dire ce qui compte.
« Tu comprends, nous on est proche du Business » donc du pouvoir mais ça, on ne le dit pas.
On caricature bien sûr mais le débat se résume bien souvent à cette différence. Le HRBP serait en résumé une évolution du RRH vers une fonction beaucoup plus tournée vers le Business. Soit.
Il ne s’agit donc pas, du moins si l’on écoute les arguments en jeu, d’une opposition entre les tenants de langue de Molière ou de celle de Shakespeare mais bien d’une conception de la fonction qui ne serait fondamentalement pas la même.
Avant que cela ne fasse des histoires, revenons donc un instant sur l’histoire pour raconter cette histoire du HRBP ou du RRH.
L’expression « Business Partner », on reviendra peut-être un jour sur ses effets pervers mais c’est une autre histoire. En tout cas elle date des années 2000.
On la doit à Dave Ulrich dans son ouvrage « HR champions » en 1997 (Ulrich D., 1997). Je me souviens de son show sautillant au Palais des Congrès à Paris, je crois que c’était en 2000. Toujours la même histoire.
Qui, des parties prenantes, mettre en premier ? Business First ! Oui mais tout dépend de ce qu’on entend par-là … L’entreprise et son projet ou l’actionnaire ? … On voit bien l’évolution de stakeholder first à client first puis la symétrie des attentions… Bref, c’est un autre sujet, celui de vouloir mettre l’une des parties prenantes en priorité sur les autres.
La popularisation de l’expression Business Partner vient de là. Des années 2000. Avec une fonction RH qu’on invectivait à mieux servir le Business, et avec la désormais bien connue matrice d’Ulrich.
Pour la petite histoire c’est assez amusant d’avoir vu certaines transpositions ou traductions à l’époque de « Business Partner » en « partenaire stratégique » … Tout était dit… On clame, ou on réclame, son rang de stratège en oubliant que c’est le Business qui nous le confère. Là encore une autre histoire.
Revenons à nos moutons, à savoir le débat HRBP-RRH. On veut bien un instant, et encore c’est très discutable, entendre l’idée selon laquelle la fonction RH était peut-être moins proche des opérations avant les années 2000.
On dit discutable pour une raison simple. Dans certaines entreprises, chez certains professionnels de la fonction, la pratique consistait bien à être au côté des opérations pour mieux les servir. On en voyait aussi dans les années 90.
Est-ce qu’il y aurait une confusion entre une fonction qu’on estime d’une part comme insuffisamment au service des opérations et, d’autre part, comme trop administrative dans ses pratiques ou son mindset ?
Cela pose une autre question. Jusqu’où – ou à quel point – doit-elle être « au service de » ou, et c’est le corollaire, servir le projet d’entreprise en veillant aussi à certains équilibres ?
En vérité, le débat HRBP-RRH est caduque, il témoigne le plus souvent d’une méconnaissance de l’histoire de la fonction et surtout de celles et ceux qui l’ont exercé avec intelligence.
Le métier de RH de proximité, de RRH, de HRBP – quel que soit le titre dont on l’affuble – s’exerce évidemment en partenariat avec les opérations, au service du projet de l’entreprise, avec le Business et la création de valeur en ligne de mire constante. C’est une évidence.
Cela suppose, et a toujours supposé, de comprendre l’activité, la chaîne de valeur, la manière dont cette dernière se crée, donc les processus, l’organisation et les métiers.
C’est une autre évidence qu’HRBP ou RRH c’est servir le business et l’activité mais cela ne signifie pas être au service des opérationnels quoi qu’il en coûte. Servir l’entreprise, son activité ce n’est pas être asservi.
C’est une autre évidence, enfin, que de tout temps, les personnes qui exercent la fonction le font plus ou moins bien, avec plus ou moins de compétences, de hauteur de vue ou avec un état d’esprit plus ou moins tourné vers les affaires.
Mais c’est une affaire de personnes et de culture, pas un distinguo quant à ce qu’est la fonction en tant que telle. Il y a des HRBP dont le titulaire ne comprend pas le Business ni l’activité et encore moins ce qui compte comme il y a des RRH qui, à l’inverse, sont parfaitement et pleinement impliqués pour le business.
En vérité, quel que soit le titre, l’essentiel c’est de faire le job, de bien le faire et en l’espèce cela signifie avoir le sens des priorités comme celui des justes équilibres.
En résumé, opposer la fonction de HRBP à celle de RRH au motif que cette dernière serait supposée être moins tournée vers le Business et les opérations c’est omettre le fait que c’est le sens même du métier de RH de proximité, indépendamment du titre dont on l’affuble.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.