Pratique et politique de rémunération

Dans cet épisode nous allons expliquer la différence entre une pratique et une politique de rémunération.

La rémunération. Les uns en disent que c’est le nerf de la guerre oubliant les vertus et la puissance de la reconnaissance morale, les autres y voient un prétexte à vociférer leur jalousie à l’égard du monde.

On en parle dans les diners en ville comme à la machine à café, le plus souvent en ayant recours à l’idée qu’on se fait de ce qui est bien ou de ce qui est mal, transformant ses valeurs personnelles en morale universelle.

L’entreprise, quant à elle, tente de poser les bases de pratiques solides, rationnelles, avec des méthodes et des outils, pour préserver l’équité, assurer un minimum de compétitivité. Bref, c’est un métier, la rémunération.

Mais c’est un métier qu’on ne peut pas pratiquer en faisant abstraction de l’existant et de l’histoire qui y a conduit. Et c’est là où aligner ce qui est avec ce que l’on veut, ce n’est pas si facile. Alors, pratique et politique de rémunération, c’est quoi l’histoire ?

Ce qui est pratique avec la pratique c’est qu’on peut l’observer. Plus ou moins bien d’ailleurs. En l’espèce, la pratique de rémunération c’est quoi ?

C’est la réalité des rémunérations. Telles qu’elles sont dans les faits, qu’on peut donc, en effet, observer.

La politique c’est en quelque sorte la pratique que l’on vise. Dit autrement, la politique de rémunération c’est ce qu’on veut faire. Un ensemble de règles et de principes qu’on voudrait voir respecter.

Tout l’enjeu donc c’est d’aligner les deux c’est-à-dire faire en sorte que la pratique – les rémunérations dans les faits – soient le plus conformes possibles avec ce qu’on voudrait, la politique.

Entre les deux, on prend des décisions pour faire en sorte que la pratique tende vers la politique. On va prendre un exemple tout bête.

La politique de mon entreprise est tournée vers les responsabilités exercées, le poids du poste par exemple évalué avec une méthode comme la méthode Hay, la performance, et d’autres critères du même ordre.

Sauf que dans les faits, il y a une règle interne liée à l’ancienneté, du genre 1% de ton salaire de base par année d’ancienneté dans l’entreprise, avec un plafond. Une règle qui n’a rien à voir avec les principes politiques qu’on a évoqués.

Donc on fait sauter la prime d’ancienneté, qu’on réintègre dans les fixes. Dit comme cela, c’est aussi bête que simple. Mais en vérité, comme toujours, c’est un peu plus complexe que cela.

Commençons par le début. Une politique de rémunération c’est 3 questions :

  1. ce qu’on paye, des valeurs comme la responsabilité ou la performance par exemple,
  2. comment on le paye, c’est-à-dire avec quel support de rémunération
  3. combien.

Le tout étant régulé par deux grandes contraintes : l’équité interne et la compétitivité externe.

Donc aligner pratique et politique, en l’occurrence, c’est de s’assurer que les montants réels des rémunérations traduisent bien ce qu’on a appelé le quoi, à savoir ce que l’on veut payer.

Voilà en quoi l’exercice devient plus complexe que de toiletter des règles internes. Tout commence par conséquent par savoir ce que l’on paye dans les faits. Dit autrement, observer la pratique de rémunération pour comprendre ce qui la détermine.

En la matière, deux grandes approches statistiques classiques. La première vise à décrire ce que l’on observe avec des statistiques descriptives, avec des indicateurs statistiques simples du type moyenne, médiane etc. calculés plus ou moins finement. Ce qu’on appelle les tris à plats et les tris croisés.

Puis la seconde vise à essayer d’identifier des relations de causes à effet pour mieux comprendre comment les rémunérations se constituent. C’est là où l’on fait appel à des techniques statistiques plus évoluées, avec notamment le diagnostic de rémunération implicite.

Concrètement, cela signifie chercher à identifier les facteurs explicatifs des rémunérations telles qu’elles sont, comme la responsabilité, l’âge, l’ancienneté, bref tout ce que tu veux. Pour cela on utilise des techniques de statistiques explicatives comme des régressions multiples.

C’est grâce à ce type d’approches statistiques, par exemple, que tu trouveras peut-être que l’ancienneté dans l’entreprise est un facteur très explicatif quand bien même il n’y ait absolument aucune règle en interne liée à l’ancienneté.

Mais peut-être une habitude des managers de donner une prime variable normalement liée à la performance pour compenser le fait de ne pas avoir augmenté depuis un certain temps. Au lieu de payer de la performance, ils ont en réalité payé l’ancienneté.

Grâce à ces techniques donc on peut mieux cerner ce qui explique les rémunérations et donc se poser une question simple : est-ce que c’est conforme avec notre intention politique et si non, quelles mesures correctrices apporter ?

En mettant en place ces mesures, on est en outre jamais sûr qu’elles seront bien appliquées. Donc on continuera l’exercice de type diagnostic de rémunération implicite pour le vérifier, comme le ferait un programme d’apprentissage d’IA.

De mesures correctrices en mesures correctrices alors on se rapprochera progressivement de la politique que l’on vise. Mais on le voit, la démarche est soumise à une condition et une contrainte.

La condition c’est une analyse circonstanciée et approfondie de la pratique telle qu’elle est et cela exige un minimum de culture d’analyse des données.

La contrainte c’est qu’il ne suffit pas d’édicter d’une règle pour qu’elle soit respectée ou bien appliquée dans son esprit, et qu’il faut par conséquent vérifier en continu ses effets sur l’évolution de la pratique.

En résumé, la pratique de rémunération correspond à la réalité telle qu’elle est et la politique telle qu’on aimerait qu’elle soit. Il faut donc un examen approfondi et régulier de la première pour s’assurer que les décisions correctrices prises permettent de rapprocher la pratique de l’intention politique.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.