Le facteur humain en répliques
Dans cet épisode, une fois n’est pas coutume, nous allons raconter le facteur humain en entreprise au travers de quelques répliques glanées ici et là.
L’entreprise est supposée être un espace de rationalité guidée par le souci de l’efficacité et de la performance.
Oui bien sûr, d’ailleurs, c’est pour cela qu’elle essaye de tout maîtriser, y compris les risques auxquels elle ne pense même pas, c’est te dire…
Dans cette grande mécanique horlogère dont aucun poil ne dépasse, la vie respire et s’échappe pourtant par tous les petits espaces de liberté que la nature humaine lui ouvre.
La nature humaine et son esprit, dont il fait des traits et des mots. Certes tout le monde n’est pas de Gaulle, Guitry ou Churchill, mais en entreprise aussi on voit parfois fleurir de bons mots…
Traits d’esprit, mots assassins, petites méchancetés… Alors, le facteur humain en répliques, c’est quoi l’histoire ?
La vie de l’entreprise, c’est celle des hommes et des femmes qui la font précisément vivre. Avec leurs grandeurs et leur génie, les solidarités d’usine comme les sourires du matin, mais peut-être aussi leurs prétentions et leurs petites médiocrités.
« Là où il y a de l’Homme, il y a de l’hommerie » disait François de Sales. Et il vaut mieux en sourire. Alors à tout seigneur tout honneur.
Dans une conférence durant laquelle un décideur pétant plus haut que son cul et convaincu que former les gens ne servait à rien lança à un de mes amis à la tribune à mes côtés un « moi monsieur je me suis fait tout seul »
Il lui rétorqua cet élégant mot d’esprit emprunté à Marcel Aymé : « vous déchargez-là Dieu d’une bien grande responsabilité monsieur ». Parfois, il faut savoir remettre les gens à leur place, et on peut le faire avec humour. Après tout, quand on pense s’être fait soi-même… On n’a plus d’excuse…
Ca me rappelle ce président, au début de la présentation d’un consultant aussi hors sol que pédant. Le titre de son intervention c’était « L’intelligence comme facteur de succès ». Le président me glisse à l’oreille, au moins il ne va pas parler de lui…
Comme ce DRH passablement énervé devant la présentation d’un consultant à 3000 euros la journée qui avait juste oublié de remplacer le nom de la société de la présentation qu’il avait copiée-collée d’un autre… Il y en a en effet qui ne doutent de rien !
Sentiment de supériorité, attitudes de cowboys, mais aveuglement aussi. Lorsque j’étais jeune consultant, sortant d’un comité de direction, je dis à mon patron mais ils sont complétement cons, ils vont droit dans le mur… Il m’avait rétorqué, « tu sais les dirigeants ne voient le mur que lorsqu’ils sont le nez dedans ».
Vrai ou pas, ça se discute. Parce que parfois ils sont aussi très lucides. Tiens je me souviens d’une patronne opérationnelle dans une réunion où un de ses collègues bien macho était en train de faire sa présentation.
Un des participants arrive en retard et se confond en excuse car c’était difficile de rentrer sans interrompre la présentation en cours. « Désolé, j’ai raté le début » dit-il pour s’excuser…
et elle de rétorquer « t’inquiète lui aussi »… Et paf dans le nez.
Mais celles et ceux qui dirigent ne sont pas les seuls à sortir un bon mot ou une réplique cinglante.
Je me souviens d’une commerciale d’une société de services informatiques me disant de son manager qu’il avait à peu près fait toutes les conneries qu’on pouvait faire. Sauf celles qui demandaient un peu de courage.
Joliment dit. Ou cette contrôleuse de gestion d’une société d’externalisation de service à propos du directeur commercial me disant « je ne sais pas comment il fait pour être à la fois aussi lourd et aussi vide ». J’avais adoré son mot d’esprit qu’elle m’avoua avoir emprunté à Emile Zola mais je n’ai pas retrouvé l’original.
Parfois on emprunte en effet les bons mots des autres, après tout l’esprit, ça se partage. Ou pas… Encore faut-il être compris. Parfois le deuxième degré chez certains c’est déjà la canicule.
Parfois ce sont aussi des lapsus. Comme Rachida Dati et l’inflation. Tiens, ce vendeur qui défend sa proposition à l’oral dans un appel d’offre et qui dit deux fois « extermination » au lieu d’externalisation…
C’est sûr que ça va rassurer le client sur le climat social qui en résultera ! A vrai dire, même quand les idées sont claires, les mots ne le sont pas toujours, ils se heurtent, sortent mal ou trop vite.
Comme ce dirigeant stressé de prendre la parole en public et qui apprend par cœur sa phrase d’introduction « bonjour, je vous remercie d’être venus » et qui dans le feu de l’action lâche un « bonjour d’être venus » qui lui a valu un bon fou rire et paradoxalement la sympathie de l’audience.
Révélateurs ou pas, le lapsus nous guette toutes et tous, paraît-il en moyenne une fois tous les 600 à 900 mots.
Donc autant la fermer non ? Mais ce serait se priver d’un espace et d’un moment de pure jubilation et peut-être aussi de liberté. Une légèreté qui fait mouche.
Un bon mot c’est ce qu’on pourrait appeler un pas de sens c’est-à-dire un pas de côté qui fait sens. Pas de sens… les mots, on en joue pour mieux s’enjouer ou se jouer… de l’autre.
Mais des maîtres en l’espèce – Sacha Guitry, Alexandre Dumas et autres Woody Allen – nous n’arriverons jamais à leur cheville.
Et ça tombe bien on y est.
L’humour dont Freud dit que c’est « un don précieux et rare » qui aide à se protéger ou s’évader de la souffrance face au réel, ça protège aussi en entreprise ? C’est à voir.
En résumé, les mots d’esprit, touches d’humour dans le quotidien de la vie en entreprise sont des espaces de liberté qui font parfois mouche en disant des vérités sur le ton de la légèreté. Ou pas.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.