RSE, la difficulté des interdépendances
Dans cet épisode nous allons parler de RSE et de la difficulté que pose la question des interdépendances entre les différents sujets qu’elle couvre.
Responsabilité Sociale ou Sociétale de l’entreprise, ce n’est pourtant pas compliqué à comprendre. Une bonne politique pour l’environnement, d’un côté, et bien s’occuper des gens, de l’autre, ce n’est pas plus compliqué que cela. J’ai bon chef ?
Tu as toujours raison chef. Sauf que l’entreprise est un ensemble, elle forme un tout. Les actions que l’on mène supposent donc une vision holistique, globale, parce que lorsque tu agis sur un sujet, cela a des conséquences quasi inévitables sur d’autres.
Tout est dans tout et inversement c’est ça ? Peut-être pas à ce point… mais on ne peut pas se contenter d’approches parcellaires. Alors, RSE et difficulté des interdépendances, c’est quoi l’histoire ?
On ne parle pas ici de l’effet papillon, image utilisée par un météorologue en 1972, Edward Lorenz, pour figurer la sensibilité du climat aux conditions de départ du système. C’est une métaphore souvent utilisée à tort pour illustrer la complexité de quelque chose.
Ce que nous visons ici c’est simplement le fait qu’il y a des liens logiques entre les sujets qu’on traite en entreprise. On parle plus d’anticipation des conséquences de ce que l’on fait que de complexité intrinsèque des sujets.
La RSE, cela peut inviter certaines entreprises à traiter d’un côté une dimension environnementale et, de l’autre, une dimension sociale. Or, indépendamment du fait que la notion de responsabilité de l’entreprise est plus vaste que cela, ces deux seuls sujets sont intimement liés.
La transition énergétique est complexe par nature, dès lors que l’on vise une certaine cohérence et non des actions ponctuelles et décorrélées les unes des autres. Verdir – si j’ose dire – toute une chaîne de valeur, c’est en effet complexe en soi, mais c’est un autre sujet.
En revanche, avant d’être complexes, tous les thèmes ou les pans de la vie de l’entreprise que la RSE mobilise ou concerne sont interdépendants. Il est par conséquent hasardeux de les dissocier ou de les aborder indépendamment les uns des autres.
Compte tenu de l’ampleur des défis que les entreprises ont à relever sur la seule trajectoire carbone, par exemple, il serait naïf de croire que cela pourra se faire sans investissements significatifs.
L’entreprise ne peut pas lutter sur tous les fronts simultanément. Des investissements en faveur de la transition énergétique, qui sont nécessaires sans aucun doute, cela impose de fait des arbitrages.
Ces arbitrages peuvent par ailleurs accentuer la pression sur la productivité de manière à préserver des marges de manœuvre. Cette pression sur la productivité est non seulement déjà très élevée dans de nombreuses entreprises mais elle s’exerce aussi le plus souvent dans un contexte social tendu sur le sujet.
On voit déjà poindre à l’horizon ce que cela peut potentiellement entraîner d’augmentation de la charge de travail prescrite et de contraintes sur les processus qui, poussés trop loin et trop fort, se transforment vite en injonctions contradictoires et en mal-être au travail.
Avec le lot d’absentéisme et de turn-over que cela entraîne, ce qui est synonyme de désorganisations sources d’inefficience, mais aussi, dans un marché « pénurique », de surcoûts de staffing et d’un recours plus important à une main d’œuvre temporaire…
Qui est marginalement plus coûteuse, plus difficile à retenir, qu’il faut parfois former sur le tas ce qui pénalise la productivité des équipes en place… Bref, ce qui affecte les marges et met encore plus de pression sur les enjeux de productivité, etc.
L’histoire qu’on raconte là est évidemment un raccourci rapide un peu simpliste bien sûr mais elle illustre les relations possibles entre le sujet de la transition énergétique et le sujet social.
La transition énergétique des entreprises – comme celui plus large de sa responsabilité devant le monde et la planète – pose une question simple dont la résolution est épineuse : celle de sa capacité à faire preuve de cohérence sur tout ce qu’elle fait.
Mais cela pose aussi en effet cette question des interdépendances dans la manière de les traiter et les mettre en œuvre. La dimension sociale est en l’espèce transverse car tout est question d’équilibres acceptables et acceptés. Or, en la matière, ils sont déjà fragiles et précaires.
Y compris dans leur dimension symbolique quand, par exemple, une bonne intention au regard du climat, pensée par un siège peut-être un peu hors sol, arrive sur le terrain et vient renforcer une image de déni de réel auprès des salariés
Qu’ils ont déjà forgé, si j’ose dire, par d’autres biais. Mais cela peut agir dans l’autre sens, des engagements sincères et cohérents, suivis de faits démontrables, en faveur du climat peut aussi contribuer à restaurer un collectif délité.
La difficulté est d’autant plus grande que l’on peut être parfois face à des antagonismes donc des choix cornéliens. C’est ce type de tiraillements qu’illustre bien la formule « fin du mois et fin du monde ».
La mise en œuvre des intentions est ensuite soumise à tout un tas de contraintes d’autres natures, qu’elles soient d’ordre légales, règlementaires ou normatives, qui ne cessent de s’amplifier et de peser sur les entreprises.
Alors non seulement tout est dans tout mais rien n’est simple ! Si ce n’est peut-être celui de s’engager pour l’avenir avec volonté et sincérité, c’est-à-dire faire être responsable.
En résumé, la RSE est un sujet qui ne peut être traité de façon séparée en distinguant, par exemple, la dimension environnementale de la dimension sociale car les deux sont intimement liées et agir sur le premier a des conséquences sur le second.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire