Le bashing du washing
Dans cet épisode, nous allons, une fois n’est pas coutume, basher… le washing
Purpose washing, green washing, social washing… Et vas-y qu’on déforme, qu’on affiche, qu’on contourne, tant que ça marche, genre pas vu pas pris, après tout business is business.
Ah oui genre business for good, enfin surtout good pour toi et ton porte-monnaie, alors qu’on n’a aucun scrupule à bafouer le bien commun en coulisse. Après tout trichons, si le rapport bénéfice / risque nous reste profitable.
Une façade rutilante qui dissimule une réalité moins reluisante. Le syndrome de la maison-témoin tiens ! Tu crois que ça marche encore ça de pipeauter et berner les gens ? Alors, le bashing du washing, c’est quoi l’histoire ?
Revenons un instant sur les mots pour commencer. « Washing »… Comment ne pas penser au vieux sketch de Coluche qui se moquait des lessives… qui lavent plus blanc que blanc…
« Moi j’ose plus changer de lessive, j’ai peur que ça devienne transparent après » disait-il, et c’est bien là le sujet. Le washing dont on parle, c’est un paravent qui masque bien ce qu’il y a derrière plutôt qu’un symbole de transparence !
On doit l’expression au début à celle de « greenwashing » (écoblanchiment en français). Elle vient d’un militant américain, Jay Westervelt, qui dénonçait l’hypocrisie de certaines entreprises, dans les années 80.
D’ailleurs, c’est une pratique visée par la loi depuis 2021, et encore renforcé en 2023 avec la loi « climat et résilience ».
Malheureusement pipeauter, mentir, empapaouter, duper, couillonner, embobiner, ripoliner, carotter c’est vieux comme le monde et tant qu’il y a des crédules, il y a des menteurs.
« L’histoire de la crédulité est peut-être la branche la plus étendue, et, à coup sûr, l’une des plus importantes de l’histoire morale de l’espèce humaine » écrivait Eusèbe de Salverte. L’expression washing s’est donc étendue à tous ces domaines où certaines entreprises, et heureusement ce n’est pas la norme, s’évertuent à masquer la réalité : purpose washing, social washing etc.
Tiens par exemple quand les si doux et démagogiques messages du happy working s’écrasent sur le mur de la réalité du travail, tu sais celui qui fait mal et qu’on nomme pudiquement « expérience »…
La mascarade n’est jamais bien loin. Mais au fond comment peut-on avoir l’idée de maquiller la réalité aux yeux de celles et ceux qui la vivent ? Ce n’est pas sûr que ce soit un grand gage de crédibilité ça !
Ceux qui vivent la réalité, ils la connaissent, puisque justement ils en font « l’expérience »…
La tentation est peut-être plus grande chez certaines entreprises d’user de cette vieille ficelle malhonnête sur des sujets moins visibles, du moins de la part de certains publics, surtout s’ils n’en sont pas connaisseurs. Peut-être en se disant que sur le lot on va bien en berner quelques-uns.
Comme Jean-Claude Duce dans les Bronzés font du ski… « On sait jamais, sur un malentendu »… C’est un peu niais non de croire qu’on ne se fera pas gauler ?… Ou alors c’est la politique de la terre brûlée. On pipeaute, on prend, on se tire !
« C’est un peu court jeune homme » comme disait Cyrano. Et en matière de nez qui s’allonge à la manière de Pinocchio, il en connaissait un rayon. Allez c’est une pratique d’un autre temps.
Bien sûr il y aura toujours des menteurs et des crédules, c’est la loi du genre. Mais gageons que l’attention et la crédulité des différents publics de l’entreprise ne sont certainement plus les mêmes qu’avant.
Plus informés, plus désinformés aussi, moins dupes, moins critiques aussi parfois… Difficile à dire mais en tout cas ayant accès à plus de sources, même si ce ne sont pas toujours les bonnes. L’entreprise qui pipeaute se fait vite rattraper par la patrouille aujourd’hui.
Et Dieu sait que l’exposition médiatique qui s’en suit fait des dégâts considérables. Alors certaines entreprises seront donc peut-être toujours tentées d’user de la vieille ficelle de la récupération mais elles constateront inévitablement que c’est inefficace et contre-productif !
Même dangereux tant les effets boomerang sont rapides et violents, avec la caisse de résonance des réseaux sociaux.
Tiens, prenons un exemple simple. Quelle entreprise irait dire aujourd’hui qu’elle se contrefiche des enjeux climatiques ? Pas bien vendeur ça hein ? Même tes actionnaires tirent la tronche sur le sujet, c’est dire.
Et pourtant 65% des entreprises françaises soumises à l’obligation légale du Bilan d’émissions de Gaz à Effet de Serre, le bilan GES, ne l’ont pas fait en 2021 selon l’Ademe.
Bah faut bien un peu de temps pour s’y mettre non… Sois indulgent. Ce n’est pas nécessairement une volonté de tromperie qui motive cela enfin.
Oui et cela peut-être plus subtil… L’art de la conformité dans les reporting on connaît depuis longtemps, certains en sont des champions, ou les mots suffisamment vagues pour induire une idée dans la tête du consommateur mais sans se faire taper par le législateur.
Ou attirer l’attention sur un petit truc bien que tu fais vraiment pour qu’on oublie d’aller fouiller ailleurs. Genre regardez j’achète des légumes bio, je trie mes déchets et je pisse dans la douche… mais j’investis mon portefeuille d’actions dans les énergies fossiles… Bref, la palette de la souille et de l’incohérence est plus que vaste.
Enfin une autre forme de washing… Celle qui consiste à être sincère et authentique dans ce que tu fais dans un domaine mais totalement incohérent avec d’autres. J’ai une super politique RSE, les actions que j’engage – et que je peux prouver – témoignent vraiment de ma responsabilité à l’égard de la planète, du monde et du vivant.
Mais je terrorise mes petits fournisseurs en allongeant les délais de paiement ou en leur mettant une pression insoutenable sur les prix, j’optimise tout ce que je peux en matière fiscale, oh légalement bien sûr, mais en me fichant éperdument de la société civile qui paye ses impôts elle, je fais de la shrinkflation…
Pas facile d’être cohérent hein ? On attend de l’authenticité, de la transparence et de la cohérence. Et c’est bien. Mais aucune entreprise ne peut être parfaite.
En effet, tout cela est une affaire de seuils et d’intention. Intention de tromper ou pas, petite incohérence, qui relève de l’oubli, de la maladresse ou de l’incompétence, ou gros paquet de cochonneries planquées sous le tapis… C’est sûr ce n’est pas la même chose.
En résumé, la ficelle qui consiste à s’afficher plus beau que l’on est, on veut bien en accepter l’augure, mais elle ne doit pas confiner à la tromperie. Le washing, les publics de l’entreprise y sont de moins en moins dupes et le retour de bâton peut être très destructeur.
J’ai bon chef ?