Management, coopération et pédagogie des contraintes
Dans cet épisode, nous allons parler de coopération et expliquer en quoi elle suppose une véritable pédagogie des contraintes, à 360°.
Moi je fais mon boulot. J’ai une équipe, je manage et crois-moi ça délivre le résultat attendu. Je vais te dire : ce n’est pas compliqué. Tu me dis ce qu’il y a à faire, un bon objectif SMART et on se met en ordre de marche, tout le monde bien aligné dans mon équipe et hop on délivre.
Oui mais est-ce que tu le délivres dans des conditions favorables pour les autres, en particulier celles et ceux qui s’appuient sur ce que ton service réalise ? Ou est-ce que tu as fait ce qu’on te demandait mais avec des œillères ? Sans lever le nez et tenir compte d’une perspective plus large et, notamment, des autres …
On dit souvent que la solution, c’est la coopération alors qu’en vérité c’est plutôt le problème. On coopère mal. Et l’un des aspects pour mieux y arriver relève encore de la pédagogie. Alors, management, coopération et pédagogie des contraintes, c’est quoi l’histoire ?
Manager une équipe exige en effet une grosse dose de pédagogie. Celle du projet d’entreprise, celle de la stratégie qu’elle met en œuvre pour le réussir, celle de la contribution de l’équipe à ce dispositif global et enfin jusqu’à celle des personnes, c’est-à-dire la délégation de responsabilités.
Mais c’est aussi expliquer les contraintes auxquelles on est confronté, à commencer par celles du réel car elles sont rarement conformes à ce que l’on avait planifié et elles légitiment les décisions que l’on prend.
Sur un plan managérial, on comprend aisément l’histoire. C’est au fond une bonne partie du sens que les collaborateurs appellent de leurs vœux. Comprendre pourquoi on fait les choses.
On le sait, la grande mécanique des modèles d’organisation a besoin d’être ajustée à la réalité des situations. Et cette réalité, les collaborateurs la connaissent bien, ils la vivent au quotidien. Il faut donc en effet expliquer ce qui en jalonne le quotidien, à savoir les décisions qui découlent du contexte et ses contraintes.
Rien de bien nouveau là-dedans. On est dans le registre des fondamentaux du management d’une équipe. C’est d’ailleurs de même nature en matière de management fonctionnel. Mais cela ne suffit pas. Combien de fois les managers ou les responsables de projet râlent sur les choix qui viennent du dessus !
Le manager aussi peut être victime d’un déficit de pédagogie de la part de ses donneurs d’ordre. Et là soit on attend et on subit ou alors on est proactif. Donc, s’il faut expliquer les contraintes du contexte aux équipes, il faut aussi expliquer les contraintes du réel à celles et ceux qui sont au-dessus.
Parfois, cela ne change pas grand-chose, c’est vrai. Quand ils estiment ne pas avoir le choix et qu’ils n’en tiennent pas compte ou qu’ils ne veulent pas en tenir compte, dans le registre ça passe ou ça casse.
Mais parfois la strate du dessus est simplement déconnectée de la réalité des opérations, ou n’en a qu’une vision très parcellaire, un peu hors sol. Cela sert au moins à cela. Il faut donc expliquer les contraintes du contexte plus général vers le bas et celles du réel vers le haut.
Ah le monde d’en bas et celui d’en haut, quelle représentation des choses… Le traditionnel découpage vertical issu du Taylorisme entre ceux qui pensent le travail et ceux qui le réalisent… Mais c’est un autre sujet.
Le Taylorisme c’est aussi un découpage horizontal, celui de la chaîne de valeur, qui d’ailleurs à la fin se matérialise par sa plus petite unité de compte, le poste. En d’autres termes, cette équipe que tu manages, c’est aussi un maillon dans une chaîne plus large.
Et c’est là où la notion de coopération prend encore plus son sens.
Ta chaîne de valeur c’est en quelque sorte une succession de petits systèmes où, à chaque fois, il y a un truc qui rentre, une activité qui est réalisée et un truc qui sort. Ce qui pose donc deux questions.
- Est-ce que ce qui sort de chez les autres et rentre chez toi te mets en plus ou moins bonnes conditions pour que ton équipe soit performante ?
- Est-ce que ce que tu délivres en sortie mets les autres dans de bonnes conditions à leur tour pour qu’ils soient eux aussi performants ?
Bref l’image des passes dans les lignes arrières d’une équipe de rugby… Il y a le passeur et le receveur.
Or, le receveur qui court trop vite ne vas pas être dans le tempo ne met pas le passeur en condition de passer correctement le ballon. Comme le passeur, s’il fait une passe de maçon, il envoie le receveur au carton.
Coopérer dans ce cas c’est évidemment ajuster les deux. Et cela passe aussi par un exercice de pédagogie, et ce, sur deux plans.
D’abord, expliquer les contraintes de ton département ou de ton équipe à celles et ceux qui l’alimentent en amont pour qu’ils en tiennent compte.
Et tu peux prendre le pari que si ce n’est pas le cas, ce n’est pas toujours une question de mauvaise volonté mais simplement d’ignorance de tes besoins et des tes contraintes.
Et tu dois faire de même avec celles et ceux à qui tu délivres quelque chose, pour essayer du mieux que possible de tenir compte de leurs propres contraintes.
Là encore, s’ils ne le font pas, va à la pêche de l’information, tu comprendras mieux ce que tu as à faire et surtout comment.
On peut partir du principe que chacun fait ce qui l’arrange dans son coin et n’a pas grand-chose à faire ni des autres ni de l’entreprise en tant que bien commun. C’est une vision non seulement pessimiste de l’entreprise mais aussi peu conforme à la réalité. C’est très réducteur.
Il y a aussi plein de gens qui essayent de faire leur travail du mieux qu’ils peuvent. En toute bonne foi et toute bonne volonté. On peut même partir du principe que lorsque quelqu’un décide de quelque chose, il est généralement sincèrement convaincu que c’est une bonne décision.
On ne va pas nier des réalités comme l’absence de sens, la réduction de l’autonomie, les injonctions contradictoires, tous ces traits constitutifs d’un certain mal-être au travail. Mais l’entreprise c’est aussi un lieu où les gens font de leur mieux.
Mais parfois, malgré la meilleure volonté du monde, ils n’ont simplement pas toujours une vision complète des choses. Il faut donc la leur donner ou aller la chercher, car nous sommes tous interdépendants.
En résumé, expliquer ses contraintes et comprendre celles des autres c’est une dimension clé de la coopération. Il s’agit d’un exercice à 360 degrés, tant avec ses équipes qu’auprès de sa hiérarchie mais aussi avec tous les services avec lesquels on travaille en interdépendance.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire