Sphères de mobilité, parcours métiers et matching
Dans cet épisode, nous allons aborder un sujet technique dans sa mise en œuvre et ultra simple dans sa finalité, le matching pour identifier des sphères de mobilité et des parcours de carrière.
Le matching… ça y est tu vas nous la jouer swipe sur Tinder pour trouver un job, en mode ça « matche » puisque t’as le fit.
To match : ça correspond. Ce n’est pas to fit, ni to suit ! Ni too much mais to match. Et on ne parle pas de ton outfit mais peut-être bien de ton prochain job.
Pas celui que tu lorgnes pour être calife à la place du calife, mais celui auquel tu pourrais raisonnablement prétendre. On parle donc de mobilité, de filière métier, de parcours de carrière, et on n’y va évidemment pas le nez au vent, ni au doigt mouillé.
On va donc entrer un peu dans la technique pour mieux comprendre le sujet. Alors, sphères de mobilité, parcours métiers et matching, c’est quoi l’histoire ?
Commençons par une précision avant d’entrer dans le vif du sujet. Qu’on parle de poste, d’emploi-repère ou de fonction ce sont des conventions de langage qui varient d’une entreprise à l’autre.
La notion dont on parle ici – et que nous appellerons « poste » par convention est un agrégat conceptuel, la maille la plus fine du découpage de la chaîne de valeur, généralement utilisé comme point d’entrée dans une classification avec des évaluations de poste. Vous pouvez appeler cela emploi-repère si vous préférez.
Alors, comment ça marche ces histoires ? Sur quels éléments s’appuyer pour identifier d’une part des parcours de carrière possibles et souhaitables et d’autre part, ce à quoi moi je pourrais prétendre ou ce vers quoi je pourrais m’orienter en me développant.
C’est là où la notion de matching intervient. En d’autres termes, une méthode de correspondance entre deux choses. Et il y a 3 types de matching.
Le matching POPO, PEPO et POPE. POPO c’est de POste à POste. En gros les proximités entre les postes qu’on peut appeler des sphères de mobilité. C’est à partir de cela qu’on peut imaginer des parcours de carrières.
Les deux autres, PEPO et POPE ce qu’on compare c’est une Personne et des POstes. PEPO c’est de PErsonne à Poste : on part de la personne et on se demande quel poste est suffisamment proche pour qu’elle puisse raisonnablement l’envisager. Et POPE c’est l’inverse, on part du poste pour trouver la personne. C’est le staffing classique quoi : qui pourrait raisonnablement occuper le poste ?
On se doute bien que ce type de matching repose sur un algorithme de correspondance entre deux choses. Mais comment ça marche ? En l’occurrence, il y a deux grandes méthodes. La première : on se fonde sur les compétences requises pour exercer les postes. La seconde : on se fonde sur la preuve par l’exemple.
On va parler ici du matching à partir d’une correspondance établie à partir des compétences métiers requises pour exercer les postes. Et voir que ce n’est pas si simple.
2 notions sont à prendre en compte : d’une part, une notion de distance en termes de compétences, et, d’autre part, une notion de difficulté à parcourir cette distance. Si le premier terme peut reposer sur une équation, le second relève d’une appréciation plus complexe.
En d’autres termes, c’est une chose de savoir si c’est loin ou pas et une autre que de savoir si cela va être compliqué d’y aller et combien de temps cela va prendre. Revenons d’abord sur la première clé, la notion de proximité de compétences.
On va s’intéresser ici, pour simplifier le raisonnement, aux seules compétences métier requises pour exercer un poste et ce avec deux paramètres : la nature de la compétence d’une part et le degré de maîtrise nécessaire d’autre part.
Se pose alors la première question simple : comment déterminer cette notion de distance ? Le nombre de compétences communes, le degré de maîtrise de chacune d’entre elles, faut-il pondérer l’un par rapport à l’autre et si oui comment ?
Vaut-il mieux avoir un degré de maîtrise plus bas mais sur plus de compétences ou moins de compétences mais un degré de maîtrise qui correspond mieux sur certaines d’entre elles ? Est-ce la même règle quels que soient les postes et les filières métiers ?
Cette seule question pourrait faire l’objet d’une recherche à part entière. Retenons que l’on peut par exemple faire un scoring avec un pourcentage allant de 0% quand je ne maîtrise aucune des compétences jusqu’à 100% quand je les maîtrise toutes et au bon degré de maîtrise pour toutes.
C’est une équation qui peut permettre d’établir l’intensité du recouvrement de compétences. Une fois qu’on a posé cela, se pose la seconde question : la difficulté du chemin à parcourir.
Est-il réaliste dans la pratique ? Chaque saut dans ta courbe en escalier est-il le même ? La difficulté, ou le temps nécessaire, pour passer d’une étape à l’autre sont-ils les mêmes ? Là aussi, c’est loin d’être simple.
Prends un exemple simpliste avec deux compétences du bûcheron. Compétence A, fendre du bois avec un coin et un merlin et Compétence B, ranger les bûches fendues sur un tas.
Compétence A, fendre du bois, Niveau de maîtrise 1 : je sais poser le coing sur la bûche et taper dessus avec mon merlin le nombre de fois qu’il faut, quitte à mettre plusieurs coins si je n’arrive pas du premier coup. Niveau de maîtrise 2 : en plus, je sais lire le fil du bois pour économiser le nombre de coups, donc mon énergie, et fendre du bois plus vite. Passer de 1 à 2 cela risque bien de prendre des années de pratique.
Alors que pour la compétence B, ranger les bûches, le niveau 1 c’est savoir où récupérer les bûches, les acheminer là où elles doivent être empilées et les poser les unes sur les autres sans qu’elles tombent. Et le niveau 2 : je sais aussi les poser en croix pour tenir les extrémités du tas et j’optimise l’espace consommé en veillant à ce qu’elles s’emboîtent au mieux. Bon pas sûr qu’il faille autant de temps pour passer du niveau 1 à 2 dans ce cas.
D’autant que la personne dotée de certaines softskills aura peut-être la capacité à acquérir certaines compétences métier plus vite que d’autres. Si tu es observateur, tu apprendras plus vite à lire le fil du bois.
Sans parler du fait qu’un certain niveau de maîtrise n’a pas nécessairement la même obsolescence d’une compétence à l’autre, que certaines compétences sont associées à des certifications et leur renouvellement périodique, d’autres pas etc.
On le voit donc, la notion de faisabilité du saut, plus ou moins facile, plus ou moins long, fait intervenir de nombreux paramètres. Une équation, même complexe, fondée sur la seule rationalité des compétences métiers ne suffit pas pour être opérant.
Sans compter que tu peux te heurter à des difficultés de mises en œuvre pratiques, ne serait-ce que par les limitations ou fonctionnalités des outils sur lesquels tu t’appuies. Par exemple, le fait que l’algorithme de ton logiciel de Talent Management n’est pas paramétrable et t’impose sa norme.
Ou, par exemple, tu ne stockes les évaluations de compétences des personnes que sur la base du poste qu’elles occupent, sans historisation sur ceux qu’elles ont précédemment occupés, sans même parler des compétences qu’elles auraient pu acquérir par d’autres biais.
Or le but ce n’est pas le purisme intellectuel de ton usine à gaz mais bien que cela serve à quelque chose : aux personnes pour se repérer et envisager des perspectives, pour favoriser une mobilité interne plus vaste etc.
C’est une des raisons pour lesquelles le matching par la preuve, qui consiste en substance à repérer les mobilités qui ont été statistiquement observées et réussies dans les faits, indépendamment de l’analyse des compétences, peuvent apporter un complément intéressant.
En résumé, identifier des sphères de mobilité et des parcours métier à l’aide d’un matching de compétences est une démarche conceptuellement complexe si on veut être rigoureux et qui exige parfois de sacrifier un peu le purisme intellectuel de l’exercice pour en faire un outil de gestion opérationnel et utile.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.