Identifier et gérer un « manager toxique »
Dans cet épisode, nous allons nous interroger sur le rôle de la DRH face aux managers dits « toxiques ».
Dans cet épisode, nous allons nous interroger sur le rôle de la DRH face aux managers dits « toxiques ».
Chef, j’ai un problème : mon chef est un « manager toxique » ! C’est l’enfer, il m’a demandé de retravailler mon podcast parce que « soi-disant » je n’ai pas un super style d’écriture et qu’il y aurait des fautes. Non mais c’est bon quoi, je ne suis pas venue là pour souffrir !
Euuuh cheffe ! En fait, je t’ai juste fait une remarque pour que tu t’améliores. C’est aussi mon job. Et désolé, mais des fautes d’orthographe partout dans quelque chose qu’on livre au client ce n’est juste pas acceptable !
Tu veux dire, que tu n’es pas toxique mais que tu fais juste ton boulot de manager, c’est ça ? Identifier et gérer les managers toxiques, c’est quoi l’histoire ?
On ne pas revenir ici sur la définition du rôle du manager, qui inclut notamment ce à quoi je faisais référence, à savoir aider les gens à progresser. C’est là où la confusion entre bienveillance et complaisance est dangereuse. Pour progresser, il faut regarder la vérité en face, et parfois cela dérange.
Donc première question : c’est quoi un manager « toxique » ? Un manager qui n’est pas gentil ? Qui soulignes tes insuffisances… ce qui ne fait pas plaisir, mais t’aide à progresser. Ou un manager juste ?
Donc deuxième question : qui estime cette toxicité ?
Je n’accepte plus la critique, la controverse, l’effort, bref tout ce qui me dérange et vient entacher le sacrosaint bien-être de mon moi quant à moi parce que je le vaux bien. Et alors tout ce qui incarne cette gêne devient toxique. A commencer par mon chef. Hein chef ?
Jette un œil sur Internet, tu verras à quel point on tombe vite sur la charlatanerie des gourous du bien-être personnel, qui à la fin, te donnent la liste des 4 conseils pour faire virer ton manager. La dérive dans un sens… ou dans l’autre.
Quand les moutons passent devant toi, tu te fous de savoir dans quel sens, tant que tu les tonds !
Mais il y a aussi une autre réalité, et une autre dérive : des managers – ou manageuses – car ce n’est pas un monopole masculin – qui nuisent vraiment aux personnes et à l’équipe. Et il y en a ! On a même des noms !!
Des sales personnes qui s’approprient tes succès et t’estiment coupables de leurs échecs, qui intriguent à tout va, te pourrissent la vie autant qu’ils peuvent, te harcèlent jusqu’à ce que tu craques, te font vivre des brimades inappropriées, …
Qui te font des remarques d’abord désagréables, puis déplacées, puis qui se répètent inlassablement jusqu’à la nausée. Celui ou celle qui se contrefout de tes contraintes ou au contraire le béni oui-oui qui t’expose sans cesse au lieu de jouer son rôle. Sans parler du roi du micro-management… constamment dans le contrôle : tu es où, tu es avec qui, tu fais quoi ?
Bref la liste est longue et on pourrait multiplier à l’infini ces comportements qui t’empoisonnent la vie, qui sont parfois très nocifs. Bref la définition de la toxicité. Et chez certains, c’est le combo, ils les réunissent tous.
Et comme certains ne se sentent plus pisser parce qu’ils ne comprennent pas que le lien de subordination n’implique pas nécessairement allégeance, qu’ils ne comprennent pas qu’être au-dessus des autres, hiérarchiquement, constituent un devoir de plus de les servir et non pas un droit de les asservir… Et bah c’est difficile à gérer.
Alors entre ces deux extrêmes, celle du collaborateur qui ne supporte pas la moindre contrainte et désigne toute entrave à son bien-être comme toxique et, à l’opposé, le tortionnaire qui abuse de sa situation hiérarchique pour asservir et détruire, comment on fait ?
D’abord, il y a un cadre légal. Celui ou celle qui sort de la route n’est pas un manager toxique mais un… délinquant. Il y a des personnes, quel que soit leur statut, et c’est encore plus problématique lorsque celui-ci leur confère un pouvoir important, qui enfreignent les règles de société.
On se réfère là au cadre par exemple du harcèlement sous toute ses formes. On peut espérer que ce n’est pas si fréquent. On a presque envie de dire que ce sont des situations claires. Mais non justement, et c’est là tout le sujet. Faire la part des choses.
Car il y a ceux qui sont borderline. Les zones grises, comme toujours. Le ou la manager qui n’a pas franchi la ligne rouge. Mais putain, les dégâts qu’ils provoquent …
Ceux qui n’ont pas vu le monde changer et, qui n’ont pas compris que ce qui passait il y a 30 ans ne passe plus. Mais ils continuent à longueur de temps leurs sous-entendus, leurs vannes sexistes, leur ton volontairement castrateur, leur méthode d’un autre temps.
Ou pire, les cyniques calculateurs qui veillent bien à ne pas laisser de prise, de preuves ou de traces et qui jouent habilement des règles.
Le lourdingue ou le coupable pas pris, la personne bourrée de ses certitudes d’une autre époque, le fameux pervers narcissique ou le malfaisant que Machiavel ne renierait pas… On en fait quoi à la DRH ?
D’abord on ne nie pas le sujet et on s’y intéresse vraiment. On ne se bouche pas les yeux. Il n’y a ni chasse gardée ni souveraineté managériale. Le business n’autorise pas tout ! Donc on aiguise ses capteurs et cela commence par établir un climat de confiance dans lequel les salariés osent s’adresser à la DRH quand il y a un souci.
Et on travaille main dans la main avec les partenaires sociaux. C’est de l’intérêt de tous.
Quand les capteurs ont identifié un signal, faible ou fort, on instruit le dossier et on ne manque pas au sérieux qu’exige cette obligation, même si cela peut devenir réellement pesant.
Selon la gravité des faits reprochés, le degré d’urgence de la situation, on met en place le dispositif adapté. De la simple confrontation des points de vue après enquête auprès des pairs à l’arsenal juridique accompagné d’un avocat en passant par les bons conseils de spécialistes des RPS.
Dans tous les cas, on instruit, c’est-à-dire qu’on cherche à démêler la situation pour la comprendre, identifier les faits et passer à la vitesse supérieure après. Parce qu’après il faut agir.
Et cela va du recadrage au pénal cette affaire. Quand la ligne est clairement franchie, cela relève de la loi. Mais dans les zones plus grises, il faut réussir à adapter la sanction à la situation.
Citons-là trois catégories : celui qui prend conscience, reconnaît et fait amende honorable. Il faut l’aider si tant est que l’équipe accepte qu’on lui donne une chance de progrès. Et là il faut faire gaffe à ce que les vengeances personnelles sous-jacentes ne sautent pas sur l’occasion de clouer au pilori une personne maladroite mais de bonne volonté.
Ensuite, tu as celui ou celle, qui consciemment ou non, nie tout ce qui lui est reproché. Difficile de laisser la situation en l’état sans le démettre de ses fonctions de manager si les faits sont avérés. Avertissement, période probatoire, licenciement. Bref cela dépend là encore de la gravité.
Et enfin, le cas de conscience. Ce n’est pas une mauvaise personne au fond. Juste que ses manières alliées à ses maladresses répétées ne collent pas et font des dégâts. Les temps ont changé et il n’a pas vraiment évolué, et du coup il est devenu complètement décalé !
Mais surtout il n’est pas fait pour manager une équipe alors que c’est un remarquable expert ! Qui plus est peut-être même une compétence rare. Et là, où le met-on sans que cela ne présente de risque ?
En résumé, il ne suffit pas qu’un collaborateur un peu enfant gâté désigne un manager comme toxique pour qu’il le soit. En revanche, comme certains enfreignent la loi ou font de véritables dégâts, la DRH doit 1- disposer de capteurs pour identifier les situations, 2- Instruire les dossiers pour faire la part des choses et 3- Décider de sanctions ou de solutions adaptées lorsque nécessaire. En 4 mots : climat de confiance, capteurs aiguisés, rigueur d’instruction, courage des décisions.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.