Mais c’est quoi le bien commun ?
Dans cet épisode nous allons essayer d’expliquer la notion de bien commun.
Moi, je ne connais qu’un seul bien – et autant te dire qu’il n’a rien de commun- c’est le bien qu’on me fait et, à défaut, que je me fais. Point de partage là-dessus. Moi dans mon quant à moi parce que je le vaux bien.
On t’a dit ça et tu l’as cru ? Allons, c’est bien mais c’est un peu commun comme vision du monde, non ?
Je ne vois que mon nombril au milieu de la figure, qui n’est pas de style tant elle en manque… tu as certainement raison. Il y a aussi les Autres. Alors, partageons bien ce bien dont une part est à moi, bien à moi, pas à toi, moi et encore moi.
Voilà le copropriétaire qui s’éveille alors même qu’il n’est pas 5 heures. À la bonne heure tu progresses mais tu n’y es pas encore. Il va falloir faire un pas de plus.
Vers le précipice ? Vers l’autre ? Vers le monde ? Vers la société pour faire société ? Mais c’est quoi, le bien commun ? C’est quoi l’histoire ?
Voilà une expression, un concept, une idée – nous ne savons pas comment le qualifier – qui revient souvent dans nos propos. A croire qu’il y a là une conviction qui nous anime et que nous avons à cœur de partager.
C’est bien. Mais quoi de plus commun que ces deux mots mis ensemble : bien, commun ?
Si communs qu’on ne sait plus toujours très bien ce qu’ils désignent, et les interprétations comme les dérives arrivent vite. On croît parler de la même chose et ce n’est pas le cas.
Un bien, le dictionnaire du droit privé nous dit qu’il « désigne une chose matérielle qui fait l’objet d’une appropriation privée ou publique ».
Par extension, il rappelle que « mise au pluriel, l’expression « biens », englobe la totalité des meubles et des immeubles appartenant à une personne » et que cela constitue donc son « patrimoine ».
Donc si ce bien est commun c’est qu’il appartient à celles et ceux qui font communauté. Ce serait alors une copropriété ?
C’est là où les mots sont troublants. C’est en effet proche puisque dans les deux cas, pour résumer, le bien nous appartient. Mais il y a une nuance très sensible à comprendre.
Dans la notion de copropriété chacun détient une part du Tout mais ce Tout n’appartient à personne. Ce n’est que la somme des parts de chacun.
Dans la notion de bien commun, le Tout appartient à toutes et tous sans que chacun n’en détienne une part ou ne puisse en revendiquer une quote-part individuelle.
Le bien commun est un bien qui appartient à la communauté désignée par le mot « commun » qui définit en quelque sorte le périmètre.
On pourrait dire que le bien commun relève de la philosophie politique, au sens premier du terme, alors que la copropriété relève des rapports patrimoniaux.
Cela implique deux conséquences sur lesquelles nous reviendrons après. La première c’est celle des intérêts, partagés ou non, de préserver et de faire fructifier ce bien. La seconde c’est la notion de responsabilité individuelle à son égard.
Il n’est pas rare, par ailleurs, de confondre « bien commun » et « intérêt général ». Là encore il y a des proximités mais ce n’est pas la même chose.
Or, les confondre peut conduire à bien des manipulations, notamment lorsqu’il s’agit de servir des intérêts personnels ou partisans.
L’intérêt général désigne en quelque sorte un objectif ou une finalité que le général – la société, le groupe, la communauté – a intérêt à poursuivre.
L’eau est un bien commun. Garantir l’accès de tous à l’eau potable relève de l’intérêt général.
En disant ceci, on introduit une nuance qui n’est pas sémantique car elle souligne une difficulté qui explique peut-être bien des dérives dans le champ de la politique politicienne, qu’il s’agisse d’une nation ou d’une entreprise.
On n’a pas besoin de quelqu’un pour dire que l’eau est un bien commun. C’est un fait. En revanche, il a bien fallu quelqu’un, quelqu’une ou plusieurs pour décider ce qui fait intérêt général ou pas.
Voilà donc plusieurs nuances qui, en creux, permettent de mieux cerner cette idée de bien commun.
Toutes les confessions religieuses s’y réfèrent plus au moins, certainement avec des nuances et des subtilités qui nous échappent pauvres profanes que nous sommes, mais dont il nous semble qu’à chaque fois c’est en résumé ce qui nous est donné, un bien commun universel, et dont nous portons la responsabilité collective et individuelle.
Ce qui est confié à l’humanité, que nous devons préserver et qui permet à chacune et chacun d’exister. On aime bien le sens du mot « Ubuntu » qui dit en gros « je suis parce que nous sommes » et qui est au cœur d’une philosophie humaniste africaine.
C’est cela le bien commun. « C’est en lui que se résout la possible antinomie personne-communauté » en disent de La Soujeole et Morin en faisant référence à la tradition dominicaine (de La Soujeole & Morin, 2008).
En d’autres termes, l’individu a besoin de la survie ou de la réussite du Tout comme le Tout a besoin, pour sa propre survie et réussite, de chaque individu.
Cette conception du bien commun comme ce qui est au-dessus de nous, dont nous dépendons ou dont nous avons besoin et qui, par conséquent, transcende les intérêts particuliers et immédiats appelle, selon nous, deux remarques.
La première, c’est ce que développe Gaston Fessard en 1969 dans son ouvrage « Autorité et bien commun ». Elle est absolument essentielle – autrement dit vitale – à tout édifice social (Fessard G., 1969).
Ne pas en prendre soin donc, au motif d’intérêts particuliers de court terme, c’est prendre sa part, pour le coup, de l’érosion puis de la destruction de l’édifice social.
La seconde remarque que nous voulons formuler c’est celle du caractère indissociable de cette responsabilité individuelle au regard du Tout d’une dimension prospective. Hans Jonas dans son ouvrage « Le principe de responsabilité » souligne bien cette dimension (Jonas, H.,1990).
Nous sommes individuellement responsables de son devenir, dont nous dépendons.
Le bien commun apparaît alors comme, non pas ce qui nous appartient et dont nous pourrions estimer pouvoir tirer profit à mesure de notre quote-part, mais comme ce qui appartient à tous et dont nous avons notre part de responsabilité quant à son devenir.
Il en va ainsi de nombreuses choses, de l’idée même de faire société et du projet qui en résulte à celle d’une raison d’être et d’un projet d’entreprise en passant tout simplement par ce que l’on met – ou pas – dans une relation personnelle.
Cela renvoie chacune et chacun d’entre nous à ce qu’il fait pour préserver ce bien commun dans la durée, en ayant confiance dans le fait que la satisfaction de son intérêt personnel viendra de la satisfaction de l’intérêt du bien commun, et non pas l’inverse.
En résumé, la notion de bien commun désigne l’idée d’un bien immatériel collectif qui appartient à tous mais dont aucun membre ne détient une quote-part individuelle et dont la préservation et le développement est bénéfique pour tous comme pour chacun.
J’ai bon chef ?
Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.