Le bilan social n’est pas qu’une obligation

Dans cet épisode nous allons mettre en perspective le bilan social pour essayer d’en faire une obligation utile.

En parlant de Bilan Social, on ne parle pas du Bilan Social Individuel – le BSI – c’est une autre affaire, quand bien même soit-elle utile pour faire la pédagogie de la rémunération.

En l’occurrence on parle du bilan social au sens de l’obligation légale faite aux entreprises françaises d’une certaine taille et que beaucoup vivent comme un pensum administratif et qu’elles n’exploitent que peu voire pas du tout.

Mais quitte à être obligé à faire quelque chose, en l’occurrence par la loi, c’est dommage de ne pas le mettre à profit.

C’est-à-dire rendre cet exercice de style imposé utile pour l’entreprise et sa réussite ! Alors le bilan social n’est pas qu’une obligation, c’est quoi l’histoire ?

Rappelons ce dont il s’agit. Le code du travail nous dit que le Bilan Social est un « document établi par l’employeur récapitulant les principales données chiffrées sur la situation sociale de l’entreprise de l’année écoulée et des deux années précédentes ».

Bref, ce n’est pas trop dur de comprendre le livrable. Un document avec des données sur le corps social et ce qui le concerne donc la pratique RH de l’entreprise : emploi, rémunérations, formation…

Bref, on ne s’étalera pas sur le sujet ici, tous les praticiens savent ce dont il s’agit. Notamment parce qu’ils ont tous été concernés au moins une fois par le pensum que cela représente dans certaines entreprises.

C’est déjà tellement difficile de se compter, en l’occurrence juste de savoir combien on est… Entre les différentes notions d’effectifs – contractuels, présents, payés, ETP – éternel sujet d’incompréhension et de tensions entre la fonction RH et le contrôle de gestion…

Sans parler du SIRH qui, parfois, ne facilite pas la tâche – notamment quand il y a eu un déficit d’urbanisation du système et qu’on a construit un joli sapin de Noël tout branlant…

Dit autrement, on a investi dans tout un tas d’applications RH, fort coûteuses, mais à la fin ce sont des batteries de stagiaires ou d’alternants devenus rois des tableaux croisés dynamiques sous Excel qui pondent ce fameux bilan social.

Bref, mais comme tout bilan – par définition une photographie à l’instant t – ce qui devrait nous intéresser c’est ce qu’on en fait !

Or, beaucoup d’entreprises s’arrêtent là et n’en font pas un outil utile pour elles. Vu la difficulté à le pondre, ce bilan, c’est d’autant plus dommage.

Bien sûr, comme il s’agit d’un exercice réalisé sur 3 ans, le réflexe c’est de voir la situation à date et de regarder dans le rétroviseur. On cherchera – et le plus souvent on trouvera d’ailleurs – des facteurs explicatifs à telle ou telle situation ou événement.

Mais on peut aussi faire l’inverse et se dire qu’on peut le mettre en perspective ce bilan social, pour en faire une aide au pilotage de nos actions à venir.

Passer du rétroviseur au pilotage anticipé, d’accord, on comprend aisément le principe. Par exemple ?

On peut prendre l’exemple des emplois. L’analyse de leur évolution sur 3 ans – et on peut regarder les déformations statistiques sur des périodes plus longues puisque c’est tous les ans – vient naturellement nourrir les orientations en matière de GEPP ou précédemment la GPEC.

Or, cette réflexion – à la jonction de la feuille de route business et des RH par le truchement de l’organisation – c’est une des missions de base de la fonction RH.

Ce dont il s’agit ici c’est bien d’une analyse des tendances passées pour prendre des décisions prospectives.

Mais on peut imaginer l’exercice sur de nombreux autres sujets. L’évolution des rémunérations par exemple. Quand on connait la dimension symbolique qu’elles portent, c’est à regarder de près.

Non seulement pour apprécier si les décisions prises dans le passé ont porté leurs fruits et voir s’il faut les maintenir mais également pour anticiper des zones de tensions à venir.

Des sujets qui seront d’autant plus sensibles que la transparence des salaires exige de plus en plus de la part de l’entreprise quant à sa capacité à démontrer l’équité des situations et l’égalité de traitement.

On peut aussi y lire, par exemple, des sous-investissements en matière de formation et orienter les efforts à venir, bref, c’est un outil qui peut être particulièrement utile.

En vérité, il en va ainsi de tous les sujets abordés dans le bilan social. Comme tout bilan, c’est une base d’informations pour mettre en perspective et orienter ses décisions.

C’est un peu une évidence en vérité mais à observer les pratiques, elle n’est peut-être pas inutile à rappeler. Deux remarques complémentaires nous semblent en outre devoir être faites.

La première relève de la qualité de la relation avec les partenaires sociaux. Elle est faite évidemment de transparence, de sincérité et de confiance.

Le processus du bilan social, avec le CSE etc. – et surtout la manière dont il est mené – y participe. Bien sûr les orientations souhaitées au regard du bilan divergeront – du moins a priori – mais c’est l’ordre des choses.

Celui d’un contre-pouvoir utile et fécond. Mais le socle, avant de débattre des orientations, c’est celui de la justesse de l’analyse. Or, le bilan social constitue un support de discussion sain à partager, là encore, si l’on approche le sujet avec la sincérité du chiffre qu’il suppose.

Dit simplement, un bilan correctement fait cela aide à poser un diagnostic partagé.

La seconde remarque c’est que le bilan social, c’est une mise en œuvre obligée de techniques statistiques descriptives simples. Un pied à l’étrier pour une fonction RH qui a tout intérêt à investir dans l’analyse des données.

Donc à développer ses compétences en la matière, ce qui est un vaste sujet. En l’espèce, le bilan social, plus qu’une obligation, c’est la première pierre d’un édifice qui commence en effet par des analyses formatées et obligatoires.

Mais l’entreprise aura besoin de ses propres indicateurs de gestion sur-mesure, de reporting à la volée demandés la veille pour le lendemain par la Direction Générale et même d’analyses plus poussées, avec des techniques statistiques explicatives.

Alors autant se mettre en condition et en situation, qu’il s’agisse de culture, de compétences, de SIRH et d’outils pour y répondre au mieux.

L’exercice qu’on vit comme une figure imposée est alors la première étape des figures libres. On peut y voir l’analogie avec le musicien qui peut improviser précisément parce qu’il maîtrise ses gammes, la musique et ses instruments à merveille.

En résumé, au-delà de l’obligation légale, le Bilan Social n’est pas qu’un regard porté sur le passé mais un outil qui aide à mener une réflexion prospective RH et à asseoir ses orientations sur un discours de preuve.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.