Les réseaux sociaux sont-ils morts ?

Dans cet épisode, nous allons nous demander si les réseaux sociaux sont morts.

Je repense à cette grande promesse des débuts d’Internet, le formidable espoir d’un accès à la connaissance qui se démocratise, dans les années 95.

Puis la grande déferlante, dans le grand public et aussi avec les applications Web dans les années 2000 en entreprise, l’informatique devenait accessible à tous, pour tous et simple d’usage.

Très rapidement dans la foulée, les smartphones avec le totem iPhone et les réseaux sociaux qui ont ensuite pris une ampleur faisant de ces derniers le barycentre de la vie numérique…

Pour devenir chez certains et certaines, d’ailleurs, le barycentre de leur vie tout court au point de ne plus trop savoir où sont les frontières.

À un point tel en effet que certains se demandent même comment ils vivraient ou travailleraient sans.

Mais voilà, comme tout système devenu hégémonique, un jour pointent les germes de la défaite. Alors les réseaux sociaux sont-ils morts, c’est quoi l’histoire ?

Généralement, quand ça domine trop, ça énerve et donc ça crée dissidences et oppositions. Puis un jour David arrive. Il séduit par sa nouveauté et par l’impertinence de ses contre-pieds et « paf le chien », Goliath s’effrite comme une falaise grignotée par la mer.

Là, en l’occurrence, on observe un autre phénomène. Peu de concurrence en vérité à l’horizon, surtout en matière de réseaux sociaux professionnels – même s’il y en a – mais deux facteurs qui se combinent.

Et derrière, en toile de fond, la réalité de la puissance aussi brute qu’aveugle des algorithmes, qui n’y sont pour rien, tant ils font très bien ce qu’on leur demande de faire.

Le premier phénomène, les réseaux sociaux l’ont créé eux-mêmes par la nature de leurs propres algorithmes.

Dit autrement, obsédés par l’idée de faire de nous une marchandise, de générer du trafic donc du volume et d’empêcher le visiteur d’aller visiter ailleurs, ils ont créé et déployé des algorithmes qui les grignotent eux-mêmes.

On peut bien être spécialiste du reach et du SEO, connaître dans leur moindre recoin tous les secrets de ce que les algorithmes de l’un ou de l’autre décident de valoriser ou de rejeter aux oubliettes de la visibilité…

Mais globalement, du moins à nos yeux, cela a surtout contribué à fabriquer de la médiocrité.

Plus de polémique que de sens, l’importance de commenter – comme au comptoir du café du commerce – plutôt que de publier des contenus utiles, peoplisation digne de la presse la plus naze qui soit.

Sans parler de la standardisation des contenus, chacun cherchant à optimiser sa visibilité en obéissant aux règles algorithmiques. Les mêmes types de posts, avec les mêmes codes, les mêmes carrousels, bref la créativité et la pertinence du fond n’y est pas vraiment la norme.

Heureusement, et on pense à quelques-uns, il y en a qui gardent le cap de la qualité, du sens, de la pertinence et de l’utilité pour le lecteur mais sinon tout cela, c’est quand même devenu un gros cirque assez vulgaire.

Ça, c’est le premier temps de la brasse. Certainement celui qui a contribué à une désaffection progressive des réseaux personnels, notamment chez les jeunes, peut-être bien plus sages et avisés que ce que croient les vieux !

Une vague de médiocrité qui a aussi envahi les réseaux professionnels mais comme il y a moins de choix et que l’hégémonie est plus frappante, les gens ne se sont pas encore barrés…

Mais voilà, il y a la première lame qui tire le poil et la seconde qui la coupe au ras. Et ce ras-là n’est pas d’égout mais il inspire la même chose car c’est plutôt un raz de marée façon ventilateur à merde.

En gros, ras le bol des réseaux qui sont devenus ras la gueule de slop. Et le slop ça va faire flop.

Tu peux arrêter tes jeux de mots à deux balles s’il te plait ? Et tu ne peux pas parler français là ? Bon c’est vrai que « slop »… la consonance dit bien ce qu’elle veut dire. Ça dégouline, ça dégueule.

Des contenus générés par de l’IA, le plus souvent par des faux comptes pilotés par des agents IA avec d’autres agent IA qui likent et qui commentent. Les carrousels générés automatiquement avec les 3 tips and tricks pour devenir millionnaire, de Bali ou Dubaï en 3 prompts.

Ou devenir un leader d’ampleur mondial avec les 3 citations du dernier coach résilient qui, après avoir survécu à tous les accidents de la vie qu’on ne souhaiterait pas à son pire ennemi, en a bien sûr tiré des leçons qu’il est prêt à te partager.

Soyons clair, on n’a strictement rien contre l’utilisation intelligente de l’intelligence artificielle générative, ni contre l’automatisation de tâches aussi peu créatrices de valeur que fastidieuses… Mais comment dire ?

Que restera-t-il lorsque ces réseaux ne seront plus qu’un étalage de contenus médiocres générés par des machines ? Ce qu’on va appeler l’IA gerbative… Tiens, une étude de l’agence Heaven avec Influence Metrics, qui a analysé 20000 publications Linked In en 2024 nous dit que 61% des posts ont eu recours à l’IA.

Une autre nous dit que plus de 50% en anglais sont générées par de l’IA, une autre nous dit que cela entraîne un désengagement de l’audience. Tu m’étonnes, avais-tu besoin d’une étude pour comprendre que la machine à bullshit cela ne risque pas de plaire tant que ça.

Alors quand des armées d’agents IA commenteront des contenus créés par d’autres agents IA, non seulement on n’imagine pas trop les gogos que nous sommes passer leur vie ici.

Mais on imagine mal également les annonceurs payer pour leur visibilité auprès d’agents IA ? La belle affaire. Le ver est bien dans la pomme, chers amis.

Deux phénomènes donc au cœur desquels on retrouve les algorithmes, ce qu’on a bien voulu en faire, du côté de ceux qui les ont fabriqués, et des conséquences sur les usages, dont les seuls usagers sont bien les responsables.

Une fois de plus, comme dans la série Severance dont nous avions parlé, la servitude volontaire n’est jamais bien loin. Bref, on a ce qu’on mérite !

En résumé, la combinaison d’algorithmes internes qui ne privilégient ni le sens, ni la qualité et de la prolifération de contenus générés par de l’IA risquent bien de signer le glas des réseaux sociaux, y compris professionnels tels qu’on les connaît.

J’ai bon chef ?

Oui tu as bon mais on ne va pas en faire toute une histoire.